Alors qu’il veut confier à sa mère qu’il est amoureux pour la première fois, il se rend compte qu’elle pense à autre chose. Alors il part, fâché et déçu, avec son skate. Il traverse rapidement la rue et un camion le percute de plein fouet. Le pronostic est pessimiste. Si, dans quatre semaines, il n’y a pas d’amélioration, il faudra débrancher son respirateur. En rentrant de l’hôpital, désespérée, sa mère trouve un carnet sous le matelas de son fils. À l’intérieur, il a dressé la liste de toutes ses « merveilles » : les expériences qu’il aimerait vivre au cours de sa vie. Elle prend une décision : d’accomplir ces merveilles à sa place. Si Louis entend ses aventures, il verra combien la vie est belle. Peut–être que ça l’aidera à revenir. Et si dans quatre semaines Louis doit mourir, à travers elle il aura vécu la vie dont il rêvait. Mais il n’est pas si facile de vivre les rêves d’un ado, quand on a presque quarante ans…
Un premier roman a 37 ans qui enthousiasme la critique, vous projette sur le devant de la scène, vous assure un prestigieux début de carrière avec 22 traductions et des adaptations pour le cinéma… Ça doit être à la fois extraordinaire et stressant ?
Ce qui se passe autour de mon roman est presque irréel…
Savoir que cette histoire existera en anglais, en espagnol, en italien, en japonais, en allemand, en chinois, en islandais, en turc etc. mais aussi au cinéma… c’est absolument formidable.
Je suis extrêmement heureux du destin de Thelma et Louis. Je comprends, des retours de lecture, que leur histoire d’amour mère–fils touche les gens profondément, et de manière assez universelle, indépendamment des cultures et des générations. Je savoure chaque instant de ce qui arrive, chaque miette. Je suis infiniment reconnaissant de l’accueil que reçoit mon livre auprès de différents publics, qu’il s’agisse des lecteurs, des libraires, des journalistes, des blogueurs. Je fais, depuis quelques semaines des rencontres extraordinaires.
C’est une immense chance, j’en suis conscient. Lorsque l’on publie un livre, c’est pour être lu. Alors si mes livres ont la chance de rencontrer un public large, j’en suis absolument ravi.
D’où vous est venu le thème de cette histoire inattendue et merveilleuse?
« La Chambre des merveilles », c’est le pari un peu fou d’une mère qui tente de sortir son fils du coma en réalisant chacun de ses rêves, en les lui racontant, en les lui faisant vivre par procuration… en se disant que s’il l’entend ses incroyables aventures, peut–être que ça lui donnera envie de revenir à la vie.
L’idée de départ, celle de l’accident, m’est venue un matin alors que j’emmenais mes enfants à la piscine et qu’ils étaient tous les deux en trottinette, sur un trottoir parisien. Je me suis dit qu’ils allaient trop vite. Je me suis demandé à quoi pourrait bien ressembler ma vie s’il arrivait quelque chose de terrible à l’un d’entre eux. La réponse m’est apparue comme une évidence. Ma vie ne pourrait plus être la même, jamais.
J’ai eu envie de raconter ça. Comment mon héroïne Thelma, qui pense avoir trouvé un certain équilibre, en menant sa carrière et sa vie de maman tambour battant, voit son monde basculer en quelques secondes. Comment elle se rend compte progressivement que ses priorités affichées ne correspondent pas à ses besoins, ses envies, ses valeurs. Comment elle va devoir progressivement abandonner sa vie de façade pour se reconnecter à ce qu’elle est vraiment.
Clairement l’histoire de Thelma, c’est l’histoire d’une transformation, une sorte de parcours initiatique, à près de 40 ans. Après l’accident de son fils, les cartes de la vie de Thelma sont rebattues. En vivant les rêves de son fils, Thelma se découvre elle-même, se comprend mieux, s’écoute mieux aussi. Cet événement la force à se poser les bonnes questions sur « les choses importantes de sa vie », à se réinventer.
J’ai eu envie de parler de tout ça avec une tonalité à la fois grave – car le point de départ est un événement dramatique – et légère. Avec un petit grain de folie, à travers les folles expériences qu’un adolescent de 12 ans peut avoir envie de vivre… parce que la vie c’est ça aussi. On n’écoute pas suffisamment l’enfant, l’adolescent qui sommeille encore en nous, pourtant qu’est–ce que c’est bon de lâcher prise !
« Après l’accident de son fils, les cartes de la vie de Thelma sont rebattues. En vivant les rêves de son fils, Thelma se découvre elle-même, se comprend mieux, s’écoute mieux aussi »
Vous dîtes que vous rêvez d’être écrivain depuis que vous êtes enfant. N’y a-t-il pas dans ce roman une part de vos rêves de petit homme ? De certaines angoisses enfantines également ?
J’ai toujours voulu écrire. C’était un rêve de gosse, en quelque sorte. Quand j’étais enfant et qu’on me posait la question rituelle « qu’est ce que tu veux faire quand tu seras grand ? », je répondais invariablement écrivain ou metteur en scène. Je suis donc en plein rêve de gosse, en ce moment !
Concernant la liste de rêves de Louis dans La Chambre des merveilles, la plupart ne faisaient pas partie des miens… certaines expériences que doit vivre mon héroïne Thelma sont des expériences que j’ai moi–même vécues, notamment une bonne partie de ce qui se passe à Tokyo. D’autres m’ont été inspirés par mes enfants… par exemple mon fils est un fan absolu de football, qui est un sport que je n’apprécie pas particulièrement… si je devais comme Thelma faire un stage intensif de foot, je pense que ce serait un grand moment !
Pour les angoisses, je dirais que la plus grande, la plus importante pour moi, est le point de départ du livre. Perdre un enfant, ou se sentir impuissant face à sa maladie – ou ici dans le roman, son coma… c’est une angoisse je pense assez répandue chez la plupart des parents. En écrivant La Chambre des merveilles, je tiens cette angoisse à distance, je la mets en musique, je la remplis d’espoir pour mieux l’exorciser.
Vous éditez votre premier roman sous un pseudonyme. N’est-ce pas une manière de ne pas assumer totalement votre histoire ?
J’assume totalement mon histoire et mon parcours, j’adore rencontrer les lecteurs, les libraires… il est hors de question de se cacher, bien au contraire. Le pseudonyme, c’est tout simplement une manière de protéger mes deux enfants (de 10 et 6 ans) de toute exposition qu’ils n’auraient pas choisie par eux–mêmes.
Ce pseudonyme est-il inspiré de Julien Sorel ?
Julien est mon véritable prénom, et Sandrel est un hommage à des personnes qui comptent dans ma vie, en particulier mes deux enfants et ma grand–mère paternelle, décédée il y a presque quinze ans… bien trop tôt.
« J’assume totalement mon histoire et mon parcours, j’adore rencontrer les lecteurs, les libraires… il est hors de question de se cacher, bien au contraire »
Vous n’appartenez pas au milieu littéraire. Peut-on savoir quel était ou quel votre métier ? Avez-vous l’intention d’abandonner votre profession pour embrasser celle de romancier ?
J’ai une formation scientifique. J’ai un diplôme d’ingénieur, et un autre de gestion. J’ai travaillé 15 années en entreprise. J’ai eu la chance d’être responsable de belles marques françaises à l’international, et de raconter leur histoire à travers le monde. En ce moment, je me consacre à l’écriture et à l’accompagnement de mon premier roman. Dans La Chambre des merveilles, j’évoque l’importance de profiter de l’instant présent, ce fameux carpe diem que l’on a si souvent du mal à intégrer dans nos vies. J’essaie de l’appliquer, et de savourer ce qu’il se passe là, maintenant, autant que possible.
Le second roman est en route. Ne représente-t-il pas un challenge après le tel succès du premier ?
Les délais de l’édition sont assez longs… En réalité, j’ai commencé à travailler sur mon prochain roman bien avant la sortie de La Chambre des merveilles, ce qui fait que le travail est déjà très avancé. Je prends beaucoup de plaisir à écrire ce deuxième roman, qui sortira probablement au premier semestre 2019… j’espère que les lecteurs l’apprécieront. Pour ma part, l’envie d’écrire est là, plus que jamais, donc je ne ressens pas de pression particulière, juste le bonheur d’écrire et de pouvoir être lu !
« La Chambre des merveilles », un roman de Julien Sandrel
Calman Levy (mars 2018) – 272 pages – 17,90 Euros.
(crédit photo de Julien Sandrel : Pascale Lourmand)
©PUTSCH – Toute reproduction non autorisée est interdite.