Maud Leroy : « En France, nous sommes dans un pays où la poésie rencontre très peu d’audience »

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Traditionnellement, comme chaque année à Paris, la poésie sort des maisons d’édition et des cercles des passionné(e)s qui la font vivre tout au long de l’année. La 36ème édition du Marché de la poésie, place Saint Sulpice au coeur du 6ème arrondissement est le point de convergence des poètes, des éditeurs, des lecteurs, des amateurs de proses au pied de l’église. De nombreux éditeurs exposent au grand jour une large variété de textes, de publications, de recueils et d’essais alors même que la poésie est le parent pauvre de la littérature.

propos recueillis par

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Putsch a souhaité en rencontrer quelques uns pour qu’ils nous dévoilent les coulisses de ce courant éditorial qui peinent à vivre en France, faute de moyens, de couverture médiatique et de façon plus inquiétante, de lecteurs.
Maud Leroy, jeune éditrice des Editions des Lisières situées dans la Drôme, ancienne libraire, nous en dit plus sur la création de sa structure, son travail, et sur l’environnement éditorial de la poésie.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots votre maison d’édition ?
Les éditions des Lisières est une petite maison née il y a un an et demi. J’étais avant libraire, puis j’ai arrêté ce métier pour me former en vue de monter ma maison d’édition.
J’édite des voix et des voies poétiques. Car, pour moi, la poésie est une façon d’habiter le monde. J’ai plusieurs collections et je travaille essentiellement sur des voix minoritaires comme les voix de femmes, des voix rurales et des voix autochtones.

Comment trouvez-vous vos lecteurs, Maud Leroy ?
J’ai pour ma part un distributeur, Serendip-Livres, qui travaille essentiellement sur la jeunesse, la BD avec un côté alternatif et qui développe actuellement la poésie. Pour la diffusion, je me débrouille toute seule. Je vais donc voir les libraires.

 

« J’édite des voix et des voies poétiques. Car, pour moi, la poésie est une façon d’habiter le monde »

 

Quel est le fil rouge entre votre ancien métier de libraire et votre nouvelle casquette d’éditrice ? Quel est votre regard sur les lecteurs aujourd’hui ?

Le milieu de la poésie est d’une grande diversité. En tant que libraire, je recommandais et je vendais les livres des autres. Aujourd’hui, je vends les livres que j’édite. C’est très différent. Je suis moins détachée en effet.

 

 

Quel est le profil du lecteur de poésie aujourd’hui ?
Il dépend beaucoup des titres que nous éditons. Les livres touchent des lecteurs d’horizons très différents.

Qu’est ce qu’une bonne vente aujourd’hui aux Editions des Lisières ?
Aujourd’hui un bon tirage aux Editions des Lisières se situe entre 300 et 900 exemplaires vendus. Après un an et demi de création, j’ai, à ce jour, deux titres épuisés dans mon catalogue. Je suis d’ailleurs très étonnée du succès de ces deux livres.

 

« Aujourd’hui un bon tirage aux Editions des Lisières se situe entre 300 et 900 exemplaires vendus »

 

Comment trouvez-vous vos lecteurs?
J’ai commencé par un appel à soutien pour financer les trois premiers livres de la maison. J’avais besoin de 5600 euros pour financer le lancement et j’ai récolté au final 7000 euros. J’ai donc renouvelé l’expérience, avec le soutien d’une auteure assez connue et qui m’a permise grâce à son réseau de réussir ce nouvel appel à dons. De plus, les Editions des Lisières ne sont pas subventionnées.

Est-ce une volonté de ne pas être aidée ?
Il y a un côté administratif assez lourd dans la création des dossiers. Mais cela me semble assez compliqué de continuer à exister sans aucune aide. Mais les institutions ont un rôle important à jouer dans l’aide à l’édition. Et de nombreux petits éditeurs font justement appel aux subventions. Le point noir réside dans le planning car il faut avoir réalisé le livre 6 mois à l’avance pour soumettre une demande de subvention.

Quel est votre regard sur l’avenir de la poésie, Maud Leroy ?
Je reste très optimiste. Comme Jean-Pierre Siméon, je pense aussi que « la poésie sauvera le monde ». Il y a beaucoup d’initiatives mises en place auprès des jeunes publics. De mon côté, je fais tout un travail de collecte de mémoires dans le sud de la France autour de la poésie. J’ai rencontré beaucoup de jeunes qui ont un rapport très intéressant avec la poésie et j’ai envie de continuer ce travail. En France, nous sommes dans un pays où la poésie rencontre très peu d’audience. Dans les pays arabes, on remplit des stades avec la poésie.

« Dans les pays arabes, on remplit des stades avec la poésie »

 

Qu’apporte le Marché de la poésie de Saint Sulpice aux Editions des Lisières ?

Ici, nous rencontrons des gens intéressés par la poésie et très curieux. C’est un marché extrêmement intéressant. Je fais parfois des marchés de producteurs chez moi où je propose mes livres car j’édite des livres de mémoires sociales sur le syndicalisme paysan. Et je suis toujours surprise de l’intérêt des gens pour cette littérature, qui, d’habitude, ne lisent pas.

Que signifie le nom de votre maison d’édition ?
La lisère est une zone entre deux champs, une marge ou un bord. Pour moi, l’homme est un élément entre la terre et le ciel. Et être éditeur de poésie, c’est proposer des ouvertures.

 

Éditions des Lisières
www.editionsdeslisieres.com

( crédit photo Maud Leroy – Putsch )

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