Ludovic Huart : entre théâtre, écriture et illustration

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Interview de Ludovic Huart par Julie CadilhacPUTSCH.MEDIA/ Illustrations Fabrice BackesLudovic Huart

– Directeur artistique du Théâtre des Mots Dits, metteur en scène, comédien, vous êtes d’abord un homme de théâtre ? Quel type de théâtre vous attire ? Pourquoi ne pas avoir écrit une pièce plutôt qu’une narration ?

– J’ai fondé le Théâtre des Mots Dits en 2003 car je voulais raconter mes propres histoires ; écrire le monde d’aujourd’hui en inventant des histoires et des formes, faire le lien entre l’intime et le public, entre la solitude et la communauté. J’ai donc très vite orienté mon travail vers l’écriture scénique en privilégiant les écritures nouvelles, contemporaines. Mon théâtre est toujours plus ou moins une variation sur l’absence. Plus ou moins, car mes pièces embrassent aussi le champ de thèmes fondateurs, comme la mort, l’identité, la guerre, la violence… J’ai toujours abordé des sujets difficiles, difficiles parce qu’ils caractérisent avant tout le rapport que nous entretenons avec nous même et avec la société dans laquelle nous vivons et je pense que cette relation n’est pas simple, à en juger par l’actualité. Pourtant, le traitement peut s’avérer bien différent. Quelquefois avec légèreté et humour, parfois avec gravité et violence, le plus souvent avec innocence parce que ces sujets sont suffisamment éloignés de moi – de ma vie – pour que je puisse y apporter mon propre regard, ma propre sensibilité. Que ce soit la barbarie nazie, la pauvreté, l’exploitation de la misère, la mort : de pièce en pièce, de mise en scène en mise en scène, je souhaite aller tranquillement, creusant là où cela fait mal, pour nous apprendre, peut-être, à prendre mieux soin de nous et ainsi nous faire toucher du doigt nos consciences assoupies ou bien comme dans J’ai trouvé une pelle pour enterrer ma poupée (Texte publié en 2009 aux éditions ALNA) les contours de nos propres souffrances, celles déjà vécues, celles à venir. Mais sans gratuité, car le théâtre qui émeut n’est pas auto-complaisant. Rencontrer ses souffrances et les connaître parce qu’elles sont vécues par d’autres, sur scène, dans la lumière, peut aider, doit aider à reconnaître l’universel, ce à quoi on ne peut échapper mais aussi ce vers quoi on ne doit pas se tourner. On peut tous cheminer aux côtés de mes personnages puisque qu’ils sont finalement ordinaires. On peut se reconnaître en eux même s’ils semblent différent de nous. Ils pourraient être nous. Et cette fois-ci pour ce projet jeunesse, j’ai souhaité écrire un conte plutôt qu’une pièce de théâtre. Me confronter à une nouvelle forme d’écriture afin d’expérimenter d’autres horizons. Je voulais faire de cette histoire, une fable qui ne se limite pas à être jouée mais qui puisse être lue, racontée, vécue par le plus grand nombre. Quoi de mieux qu’écrire un conte pour farder une réalité historique et sociale dont l’horreur ne peut que glacer en nous toute envie de récit ? Et puis finalement, je ne me suis pas trop éloigné de mon travail, bien au contraire, j’ai juste tenté de créer une passerelle entre le livre jeunesse et la scène, d’en donner une autre dimension, plus « vivante ». J’ai ainsi pu créer la monstrueuse histoire… en spectacle de marionnettes pour jeune public que j’ai présenté à l’occasion du Festival Mondial des Théâtres des Marionnettes à Charleville-Mézières (Capitale Mondiale de la Marionnette) en septembre 2009.

– Pourquoi avoir choisi d’écrire pour les enfants? Est-ce un univers qui vous fascine davantage que celui des adultes?

Fabrice Backes

– L’enfance est un monde fantastique. Dans tous mes spectacles, l’enfant est présent. Peu importe la forme qu’il prend. Lorsque j’ai commencé à écrire « La monstrueuse histoire d’un petit garçon moche et d’une petite fille vraiment très laide », je ne savais pas vraiment à qui je m’adressais. A vrai dire, j’avais toujours écrit pour les adultes et jamais encore pour les enfants. Cette fois-ci je voulais m’adresser à eux. Plus j’avançais dans l’écriture, et plus mon écriture s’adaptait aux enfants. D’ailleurs, j’ai souhaité que mon personnage central soit un enfant. L’enfant était l’un des interprètes rêvés. Parce qu’il est lui-même “une perception troublée de la réalité”, et parce qu’il sent et perçoit intuitivement le non sens : la non-évidence des événements tragiques, la fragilité des choses et du monde, l’inconpréhension d’un quotidien demesurée, déformée. Comme des êtres non corrompus par un monde hostile et violent, les enfants sont peut-être, dans notre imaginaire, des représentants d’une innocence perdue. Sans défense, non préparés aux misères et chargés d’insoussiance, ils nous font voir l’inoffensif. Mais cette innocence n’est pas pure, elle se mélange de tout ce qui, adulte, continue de nous hanter, nous poursuivre : nos angoisses, nos peurs, nos cauchemars. Et puis, à force de parler de l’enfance, je voulais m’adresser aux enfants eux-mêmes et aussi à celui qui sommeille en chacun de nous.

– Les thèmes en présence ne nécessitent-ils pas le recul et la sensibilité d’un lecteur adulte?

– Bien évidemment. Cette histoire est une histoire pour enfant même si je pense qu’il faille accompagner certains enfants, les plus jeunes notamment, à travers la lecture de quelques passages (le cauchemar par exemple est une scène qui peut se révéler surprenante pour les plus jeunes, alors qu’au final, on apprend que ce n’était rien, juste une vision déformée de la réalité.) Faut-il encore que les enfants passent le cap de lire ce passage (rires). D’autres passages cachent une autre vérité, plus sombre et plus cruelle. Mais cette vérité n’est perceptible que pour les adultes. D’où l’intérêt d’écrire aussi à travers cette histoire, une autre histoire en filigrane. Laisser une couche d’obscurité se mêler à l’histoire pour enfants. Et puis peut-être que finalement cette histoire n’était que le prétexte de réveiller l’enfant qui se terrait dans le noir, au profond de nous, le provoquer afin qu’il libère sa part de souvenirs… les souvenirs les plus terrorisants de l’enfance : les cauchemars, la peur du noir…
Ludovic Huart

– Cette monstrueuse histoire est-elle née d’un cauchemar? A-t-elle surgi au souvenir de quelque armoire dont l’ombre, enfant, vous terrifiait la nuit?

– Enfant, j’avais très peur du noir. Comme beaucoup, je pensais que de nombreux monstres se terraient sous mon lit ou dans de mon armoire. Toutefois avant de me coucher, j’affrontais cette obscurité féroce en ouvrant brusquement la porte de l’armoire ou en m’aplatissant violemment sur le sol pour surprendre ceux qui s’y trouvaient. J’avais besoin de provoquer mes propres peurs, de les dompter, afin peut-être de mieux les appréhender. Elles se manifestaient surtout à travers ma solitude, lorsque j’étais seul, plongé dans le noir. C’est fou comme le monde extérieur peut paraître aussi sombre. On a l’impression de tomber – comme Alice – dans un énorme trou. Pour cette histoire, il m’a donc fallu faire renaître certains cauchemars oubliés… lorsque je commence à écrire une histoire, très vite, j’en rêve. Je rêve de mes personnages, je cohabite avec eux. J’apprends à les connaître et à mieux les cerner. Ainsi dans l’écriture, c’est plus facile de savoir ce que je peux me permettre avec eux, et savoir quelles sont leurs limites. Ce sont finalement des personnages fragiles et mon rôle est d’en prendre soin. Pour leur donner vie j’ai souhaité faire appel à Fabrice Backes, illustrateur, qui a beaucoup dessiné de portraits. Son travail est subtil, fin et délicat. Le regard de ses personnages nous interpelle, parce qu’il ne livre pas le mal ni les secrets qui les hantent. Il donne de l’importance et de la beauté à des personnages intimes qui n’en ont socialement pas. Alors, pour « La monstrueuse histoire », le travail de Fabrice a été une véritable évidence.

– Est-ce un album qui prône la tolérance? ou bien est-il un pansement rassurant pour les laissés-pour-compte?

– Je n’aime pas les histoires qui donne des leçons de morale même si mon histoire (comme la plupart des histoires pour enfant) peut laisser penser le contraire. D’ailleurs, c’est aussi notre rôle, en tant qu’auteur, de défendre certains sujets importants. C’est d’autant plus important parce qu’on s’adresse à des enfants, au citoyen de demain. Mon histoire traite de la différence, de la laideur, de l’apparence. Du monstre. L’enfant laid – en surface – que l’on a été ; l’enfant monstrueux que l’on est devenu à cause de notre jugement et de celui des médias – souvent trop réducteur. Cette histoire apporte donc un autre regard sur le monde, sur l’autre, afin, je l’espère, de nous apprendre à mieux nous connaître, nous. Personnellement, je me reconnais assez au travers du personnage de Lulu, mais je n’irai pas jusqu’à dire que c’est une œuvre autobiographique (rires)

– Diriez-vous que vous êtes attiré par les histoires sombres et que vous avez un penchant burtonien décalé ou ce récit est un hasard de votre imagination?

– Cette histoire est tout sauf un hasard. Elle s’inscrit véritablement dans une démarche artistique et personnelle de longue date. Depuis mon plus jeune âge je suis attiré par les films d’épouvante, les dessins animés monstrueux, macabres… je déteste les histoires sucrées servies avec un tas de guimauve dégoulinante. Et bien sûr que dans toute cette collection d’affreuses bestioles se Ludovic Huartcachent aussi celles de Tim Burton. Je ne souhaite pas pour autant que l’on m’associe à son travail car même si l’on peut y trouver des ressemblances, des résonances, il est toujours maladroit d’associer le travail de quelqu’un à un autre, dont la notoriété est forcément démesurée. Maintenant ce serait mentir de dire que je n’ai pas conscience de ce penchant, bien au contraire, mais je ne le revendique pas. Lorsque j’étais jeune, j’ai été fasciné par l’Étrange noël de Mister Jack, plus tard par celui des Noces funèbres… Je me suis senti proche de cet univers, autant que celui des films comme Elephant Man, Freaks, Freddy… plus tard j’ai fait des études de théâtre et mes lectures se sont orientées vers des textes contemporains, noirs et violents comme ceux d’Edward Bond, de Sarah Kane ou de Lars Norén. Très vite, je me suis dit que c’était possible de faire comme eux, d’écrire des choses inimaginables.

– A quelles difficultés s’affrontent un jeune auteur? La concurrence est-elle rude dans le monde de l’édition jeunesse? Quels critères sont généralement, selon vous, garants d’acceptation dans une maison phare?

– La plus grande difficulté est de se voir publier quand on écrit ces histoires là. Ça ne fait pas vendre, ça file le cafard. De plus, à en écouter certaines maisons d’édition, les histoires cruelles, sombres et macabres sont difficilement – semble-t-il – compatibles avec les livres jeunesse. Ce qui est faux. C’est juste un argument commercial qui tente à dire que ces histoires-là ne marcheront pas, que les livres ne se vendront pas. On peut par exemple citer les contes d’Andersen, de Perrault, Grimm qui ne se privent pas de raconter des histoires atroces. L’une des versions orales du conte du Petit Chaperon rouge raconte que le Loup, arrivé chez la Mère-grand, la dévore en en gardant toutefois un peu de côté, et prend sa place. La petite-fille arrive et, ne se doutant de rien, obéit à la fausse grand-mère lui disant manger un peu de viande et de boire du vin qui sont en fait la chair et le sang de l’aïeule. Et ça n’a jamais traumatisé personne (peut-être parce que cela a été censuré à l’époque – rires). Aujourd’hui, cela paraît compliqué de prendre autant de risques parce que l’édition se livre une véritable bataille économique. Être publié est une chose, survivre à la concurrence en est une autre. D’où l’importance d’imposer très vite son style et de l’assumer. Je comprends que ce soit plus facile de digérer des histoires drôles, mais moi, personnellement, j’ai faible appétit. J’ai décidé de prendre un autre chemin, plus tortueux sans doute, mais d’assumer toutes mes histoires. Je me suis donc rendu compte que ce n’était pas si facile que ça de s’imposer lorsque l’on décide de défendre des textes comme les miens, mais ça valait la peine de se battre. Aujourd’hui, c’est devenu une marque de fabrique que j’aime cultiver et les éditions Des ronds dans l’O contribuent à cette reconnaissance. En acceptant d’être publié chez Des ronds dans l’O, je savais que cette maison d’édition ne se limiterait pas à publier mon livre, mais qu’elle le défendrait, qu’elle se battrait pour qu’il trouve lui aussi sa place chez les librairies et dans le cœur des lecteurs. Et c’est le cas.

– Vous avez donc publié chez « Des ronds dans l’O »: dans quelle mesure rentrez-vous dans la ligne éditoriale de cette jeune maison d’édition?

– Il n’y a pas vraiment de ligne éditoriale, mais plutôt un acte d’engagement, défendre des thèmes fondateurs, singuliers, graves… Des ronds dans l’O est connu pour publier avant tout de la bande dessinée. Lorsque Marie Moinard (fondatrice de la maison d’édition) m’a appelé pour m’annoncer que mon projet était retenu, elle m’a fait savoir que la jeunesse était quelque chose qui était en « stand by » chez elle depuis quelques années mais qu’elle souhaitait vraiment redémarrer cette collection. J’ai donc accepté et ai renoncé à d’autres contrats qui pouvaient paraître plus alléchants. Dans l’écriture, je me projette toujours en avant et envisage l’avenir en pensant à ce que je ferai après. Chez des Ronds dans l’O par exemple, Marie Moinard et son équipe sont très attentifs aux projets des jeunes auteurs. Marie Moinard a fait de sa maison d’édition une structure engagée, qui prend des risques. On parle déjà ensemble de mon futur livre avant même de savoir si le premier sera un succès. Comme me la fait savoir Marie Moinard, c’est le devoir d’une maison d’édition – notamment comme la sienne – d’accompagner un jeune auteur et lui permettre de publier un second livre. D’ailleurs, c’est avec le temps que l’on mesurera le succès (ou pas) de ce livre. Il faut du temps pour fidéliser le lecteur. Pour ma part, je pense que Des ronds dans l’O a tout le talent d’une grande maison d’édition, à voir la qualité de mon livre. Je ne parle pas du contenu, je parle de la forme, du livre en lui-même. C’est un projet réussi !
Ludovic Huart - portrait

– N’êtes vous pas tenté d’illustrer vos propres textes et de faire cavalier seul?

– Effectivement, c’est une idée que je muris depuis quelques mois déjà. A l’origine, je voulais faire des études en arts plastiques, mais j’ai désiré modifier mon parcours – comme vous le savez – en choisissant l’art dramatique. J’ai ainsi mis de côté le dessin, sachant que j’y reviendrai un jour et lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la marionnette, je me suis rendu compte qu’il fallait me remettre au travail et donc affuter mes crayons et recommencer à griffonner un peu partout. Ce qui demande donc beaucoup plus de temps. Ecrire est pour moi un travail à plein temps en plus de gérer le Théâtre des Mots Dits. Illustrer mon texte me paraissait à la fois maladroit puisque l’intérêt de collaborer avec quelqu’un d’extérieur était d’apporter un regard neuf sur mon univers, d’être complémentaire. C’était le cas avec Fabrice Backes et ça a très bien fonctionné. Je pense que nous sommes « un couple artistique » qui fonctionne bien. Pour ce nouveau projet, c’est différent. J’ai plus de temps et les personnes qui financent mes projets ont souhaité me donner les moyens nécessaires pour être totalement disponible. Je ne promets rien pour le moment, je dois me décider dans les semaines à venir. Plusieurs illustrateurs m’ont sollicité pour travailler avec moi. Je ne sais pas vraiment. A vrai dire, c’est très tentant de faire cavalier seul… mais très périlleux aussi.

– Enfin, quels projets en cours? Après des enfants très très laids, allez-vous parler d’anges?

– Comme je l’ai dit, j’aime me projeter en avant afin d’imaginer ce que je ferai demain. Après « La monstrueuse histoire… » le public m’attend sans doute au tournant. Je ne dois pas décevoir ceux qui ont aimé ce livre et je dois tenter de séduire les plus fâchés (rires). Sérieusement, je travaille actuellement sur un autre projet jeunesse qui s’adresse à un public un peu plus grand, genre 10-12 ans. Donc un projet un peu plus ambitieux. Ce sera un livre différent mais l’univers sera le même, bien sûr ! Pire encore, je pense que l’histoire sera encore plus cruelle. Il sera question d’un Loup en peluche et d’un tas de morceaux de charbon qui ressemblent à du chocolat… mais pour cette nouvelle histoire, même si j’ai déjà dévoilé certains secrets via mon site internet et mis l’O à la bouche à certains lecteurs, je préfère en garder très précieusement le mystère. Un peu de patience, le livre sera dans les bacs début 2011, si tout se passe comme prévu. A cette occasion, j’ai obtenu une bourse littéraire de la part du Conseil Régional de Champagne-Ardenne (ORCCA) et je viens d’être sélectionné par la communauté d’agglomération de la Vallée de l’Hérault en vue d’une résidence d’auteur à Gignac du 15 octobre au 15 janvier 2011 avec une bourse à la clé. Enfin, il est question de deux expositions à Paris, la première chez MK2 à la rentrée de septembre dans le cadre d’un projet avec la galerie d’art ARLUDIK ; la deuxième, du 10 novembre au 5 décembre 2010 à la galerie L’ART DE RIEN. En décembre, il y aura aussi une exposition à la vitrine culturelle du Conseil Général à Charleville-Mézières dans le cadre d’une CARTE BLANCHE proposée par l’Institut International de la Marionnette. Enfin, en janvier, je reviendrai dans les Ardennes où je vis pour adapter à la scène ma nouvelle histoire qui sera créée en avant-première le 14 avril 2011 au Théâtre de Charleville-Mézières. Ce spectacle alliant théâtre et marionnette sera présenté au Festival d’Avignon 2011 avant d’être à nouveau présenté à l’occasion du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes en septembre 2011… autant d’occasions donc de rencontrer le public et de lui faire partager cette nouvelle et épouvantable histoire. Au fait, le prochain livre a déjà un titre, il s’agira de LA FUNESTE NUIT D’UN LOUP EN PELUCHE QUI NE DEVAIT PLUS MURMURER A L’OREILLE DES ENFANTS…

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