Comment a commencé l’aventure Feu! Chatterton ?
Nous nous sommes rencontrés au lycée et nous sommes vite devenus amis. Arthur écrivait des textes, Sébastien et Clément jouaient de la guitare et composaient. Nous avons commencé à jouer avec Arthur sous des noms et des styles différents : beaucoup de slam au début, de la musique un peu plus fusion, du jazz… Après bon nombre d’essais et des expérimentations, nous sommes revenus vers la musique que l’on écoute, que l’on aime, qui nous nourrit vraiment au quotidien : le rock, la musique électronique et la chanson française. C’est comme ça qu’est né Feu! Chatterton. Deux musiciens ont ensuite renforcé le groupe : Antoine à la basse et Raphaël à la batterie. Au départ, il jouaient simplement nos compositions. Puis nous sommes devenus un vrai groupe constitué de cinq compositeurs, interprètes et arrangeurs.
Les textes, la voix d’Arthur rappellent Bashung et vos compositions piochent dans la soul, le rock, le hip hop….
Il n’y a pas vraiment de règle ou de façon de faire, nous ne nous fixons pas sur un style en particulier. Jamais. Nous aimons nous laisser porter par le flow de la musique, l’approcher comme elle vient, rythmée et alimentée par nos idées. Parfois, l’un de nous a une vision plus globale d’un morceau, une idée plus précise du style mais même-là nous ne voulons pas nous enfermer dans un genre ou une influence. Nous cherchons pour chaque morceau le genre juste, le son juste, la rythmique juste… Nous faut-il plutôt un son électronique, un groove, un riff bien rock ? Nous nous demandons toujours si ces choix collent parfaitement à nos compositions, aux paroles d’Arthur et surtout à sa voix. Nous avons la chance d’avoir cette voix si particulière au milieu, qui va capter l’attention et créer un fil conducteur sur l’ensemble des musiques que l’on explore.
Nous regardons les choses qui ont disparues avec une certaine bienveillance
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la création et l’évolution d’un morceau chez Feu! Chatterton ?
Nous pourrions citer un mode de composition et d’écriture pour chaque morceau que nous avons aujourd’hui. Parfois les choses vont très vite, une musique est à peine terminée que le texte, une fois posé dessus, colle tout de suite. Certains textes se baladent de composition en composition avant de trouver celle qui correspond. Mais la musique peut évoluer, se transformer sur plusieurs années. C’est un processus très long. Le titre la Fenêtre est une des toutes premières compositions du groupe. C’est un matériel que l’on a gardé longtemps en suspend car il n’était pas encore mûr. Finalement c’est 8 ans après la première mouture que la chanson trouve sa place sur le deuxième album. Harlem, sur le premier disque, est la toute première chanson composée par l’ensemble du groupe sous le nom Feu! Chatterton. Pourtant elle n’a trouvé sa place sur un disque qu’en 2015, 5 ans après nos débuts. C’est aussi ça que l’on aime et que l’on veut conserver : ce défi permanent ou les choses sont tout le temps en mouvement, en évolution.
Comment aborde-t-on la création d’un second opus, entre la continuité et cette envie d’évoluer ?
Pour n’importe quel artiste qui a rencontré un certain succès, forcément inattendu à mon avis, il y a toujours cette réticence sur le second album. Pour nous, cela s’est fait de manière assez naturelle car l’univers du premier album pouvait être poussé plus loin. L’idée était donc de faire une suite, une deuxième partie, avec ce second album. Musicalement, nous travaillons sur les mêmes idées mais nous explorons aussi d’autres univers. Au niveau des textes, le ton change par rapport au premier album. Peut-être moins racontant, moins conteur et plus introspectif. Arthur raconte la mémoire, le souvenir, la finitude des choses, la beauté des choses perdues. Nous sommes beaucoup moins dans le conte que dans Côte Concorde ou la Malinche (deux titres du premier album).
Vous vous appropriez avec poésie des faits d’actualités autant que des choses qui semblent plus personnelles. Qu’est-ce qui vous inspire pour écrire ?
Sur le premier album, tout était source d’écriture, c’est pour ça que les sujets étaient très variés. Sur le second album, l’idée est plutôt d’exprimer que tout, dans la nature, les lieux, les animaux, peut nous faire penser à la mémoire, raviver des souvenirs… C’est beaucoup plus introspectif mais aussi plus optimiste de façon assez contradictoire. Nous regardons les choses qui ont disparues avec une certaine bienveillance, nous parlons des « souvenirs baignés de soleil ».
Vous avez fait le choix, difficile, de jouer avec la langue de molière plutôt que celle de Shakespeare, pourquoi ?
On nous pose plus cette question que nous nous la sommes posés. Arthur écrivait des textes en français. Cela nous a plu tout de suite à Sébastien et à moi quand nous avons commencé à jouer ensemble. Cette façon d’écrire, de raconter, de scander, nous touchait et nous avons eu envie de faire de la musique avec ça. Le point de départ de Feu! Chatterton était de trouver un moyen de mélanger les choses que l’on aime : la langue française et le rock, la pop, la musique électronique… La question de l’anglais ne s’est vraiment jamais posée ! C’est quand même plus difficile de cacher un mauvais texte quand tout le monde le comprend, plus facile de le faire en anglais !
On prend le nom de Chatterton, dont la vie et la mort sont l’essence même de la naissance du romantisme…
Des influences littéraire importantes chez Feu! Chatterton peut-être ?
Les références littéraires sont très importantes chez Feu! Chatterton. Arthur aime beaucoup Baudelaire, Apollinaire, Kerouac à l’époque du premier album dans la façon de raconter des histoires. Sur le second album il y a beaucoup de références littéraires appuyées : Souvenir fait référence à un poème d’Apollinaire justement, le titre Zone Libre est une adaptation d’un poème d’Aragon qui s’appelle le Nil, et le Départ qui termine le disque est une adaptation d’un poème d’Eluard. L’utilisation de la littérature dans le contexte musical est très importante pour nous. Le but de la poésie est de raconter les choses qui sont indicibles, de capter un moment, avec une précision de mots et d’images qui va faire que l’on va ressentir quelque chose que l’on n’arrivait pas à exprimer. C’est la même chose avec la littérature. C’est extrêmement important car la chanson c’est aussi ça : faire passer une impression, une émotion, en émettant des images, par la musique et par les mots.
Comment appréhendez-vous l’adaptation et la mise en musique de ces textes poétiques ?
Cela se fait à tâtons, un peu comme quand nous faisons de la musique et qu’Arthur a déjà un texte que lui même a écrit. Ça ne va pas forcément coller, être bon à chanter mais il faut essayer. Certains de ces poèmes ont marqué Arthur notre chanteur et il les a apprit par cœur. Il vient en répétition imprégné de ces poésies, et nous tentons de trouver quelque chose pour les accompagner, les faire vivre. Il n’y a pas de recette, il faut aussi que l’ambiance du texte colle à la musique. C’est toujours des histoires de rencontres, entre de la musique et les textes. Comment les mettre en musique, les raconter et les chanter, ces textes ? C’est toujours une histoire de rencontres et d’accidents, de hasard ! Ensuite on va tirer sur cet accident jusqu’à en faire quelque chose de fini qui sera une chanson.
On vous colle de nombreuses étiquettes qui, même si elles sont flatteuses, peuvent être réductrices…
Ces étiquettes sont ce qu’elles sont, il faut bien des mots pour nommer les styles de musiques et les textes. Ça n’est pas quelque chose qui me dérange, au contraire. Même quand j’entends «Dandy parisien », ce qui arrive régulièrement. Ça a l’air très insultant et pourtant comme je sens beaucoup de bienveillance autour de notre musique. Je me dis que c’est normal que l’on essaie de nous décrire, même si c’est juste par l’apparence. Nous sommes de Paris et certains d’entre nous portent des costumes sur scène, donc dandy pourquoi pas ? Pop romantique aussi, on adore les Beatles donc c’est un héritage noble qui nous convient tout à fait, comme le romantisme évidemment. On prend le nom de Chatterton dont la vie et la mort sont l’essence même de la naissance du romantisme… Les gens peuvent nous décrire et nous appeler comme ils l’entendent. Moi, j’aime dire que je fais du rock en français. J’aime cette formule car c’est précis sans être réducteur justement. C’est important de préciser « en français » car l’héritage de la chanson française est très particulier. Cela fait référence à un genre de musique autant qu’à une langue et à des héritages qui sont importants pour nous.
Feu! Chatterton a pourtant l’air bien vivant, comment imaginez-vous son futur ?
Nous nous concentrons pour le moment sur la sortie du disque le 9 mars prochain et la tournée qui commence le 16 mars avec déjà beaucoup de dates avant l’été et les festivals. Nous allons beaucoup tourner et défendre cet album sur scène car nous pensons que c’est là que la musique prend tout son sens. Nous et notre musique sommes nés sur scène. Nous voulons rencontrer les gens, faire ce travail d’artisan, propre à la musique et au spectacle, qui est très important pour nous. Pour la suite, nous verrons comment on écrit un troisième album, qu’est-ce que nous voudrons y raconter… Mais nous ne nous faisons pas beaucoup de soucis, nous y arriverons !
Feu! Chatterton – L’Oiseleur ( Barclay )
Disponible le 9 mars 2018
Feu!Chatterton seront le 9, 10 et 11 avril au BATACLAN ( Paris )
(Photos : Sacha Teboul)