Jean-Luc Mélenchon : L’insoumis ou les coulisses de la campagne présidentielle
Le réalisateur et documentariste Gilles Perret (Les Jours Heureux, La Sociale) a suivi Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2017. (L’insoumis sort en salles le 21 février)
Jean-Luc Mélenchon. Quand retentit le nom du tribun de la politique française, on entend, on lit, qu’il est adulé, détesté, qu’il ne laisse pas indifférent… Et soyons honnête, il y a de maigres chances que le documentaire de Gilles Perret change la donne même si, lors du débat qui a suivi l’avant-première du film à Montpellier, une spectatrice, réfractaire au premier abord, admet avoir changé d’opinion sur le personnage, non sans s’en étonner elle-même au micro.
Dans L’insoumis, Gilles Perret est parti seul avec sa caméra : il filme au plus près un Mélenchon en route pour l’Elysée. Une immersion dans les coulisses de sa campagne à rendre envieux tout journaliste politique. Le documentaire nous montre un homme posé, loin de l’hystérie chronique et médiatique dont il est souvent affublé.
Complaisance, parti-pris ? Le réalisateur ne cache pas sa relation avec le tribun et affirme son intention, plutôt réussie ici, de s’attacher à l’homme avant tout : « Le documentaire n’a pas un but de proximité ou de dissociation mais d’être le plus sincère possible. » Et d’ajouter : « Ce n’est pas le film de la campagne de la France Insoumise ! J’ai voulu un film plus humain que politique. Mais forcément, on y suit un homme rempli de politique, sa vie n’est que ça : du matin au soir, tous les jours de la semaine, il réfléchit, il emmagasine des choses, il analyse avec sa grille de lecture avec laquelle on peut être d’accord ou pas. »
D’ailleurs, L’insoumis ne fait pas l’impasse sur les colères « mélenchoniennes », notamment envers le système médiatique. Que l’on soit d’accord ou pas avec ses réactions, l’indépendance de la presse est un vrai sujet qui a sa place dans le film, particulièrement lors de cette campagne où le rôle des médias n’a jamais été aussi remis en cause ou décrédibilisé. Et c’est là qu’apparaît à l’écran une journaliste d’une chaîne d’info continue qui commente le type de chaussures que porte Marine Le Pen pour le débat télévisé… On préfèrera en rire.
Les moments-clés de la campagne sont évidemment là : on évoque les hologrammes, l’ubuesque situation de François Fillon et l’absence (problématique) d’opposition de droite, les sondages qui s’envolent, l’euphorie d’une victoire possible et la désillusion finale… Mais le plus grand intérêt de L’insoumis se trouve, selon nous, dans la mise en abîme de la vision que Mélenchon a du pouvoir, comment il le conçoit et le construit, à l’inverse d’opposants plus « jupitériens » : la scène dans laquelle il compare les patriciens de Rome et le monde politique d’aujourd’hui montre à elle seule tout ce qui construit la singularité du personnage.
Quand le rideau tombe, on reste néanmoins un peu sur notre faim : on aurait été curieux de se glisser dans les coulisses de l’après premier tour, d’autant que Jean-Luc Mélenchon en a été l’un des principaux acteurs. Il fallait bien arrêter la caméra, mais cette continuité manque assurément au documentaire.
L’insoumis : politique friction
Si la campagne présidentielle bel et bien terminée, le personnage de Mélenchon continue de diviser jusque dans les coulisses de la distribution du film. « J’ai sous-estimé le degré de clivage et de haine qu’il pouvait y avoir envers Jean-Luc Mélenchon. Je savais que ça allait être compliqué, mais je ne pensais pas à ce point ! On se retrouve parfois dans des situations hallucinantes… », confesse Gilles Perret en évoquant la déprogrammation du film au cinéma Les Variétés de Marseille. Et de s’inquiéter : « En plus, ce sont parfois des programmateurs de cinéma d’art et d’essai ! On aurait pu estimer que ces gens-là aient plus de recul par rapport à la situation et par rapport au Mélenchon bashing… Au moins là, on a le cas avéré d’une censure. »
Selon le documentariste, la programmation de L’insoumis ressemble au feuilleton à rebondissements qu’était la campagne présidentielle elle-même. Mais il tend à ironiser : « Cela peut nous servir aussi : il y a beaucoup de cinémas qui programment le film, on ne va pas jouer les martyrs. À Marseille, c’est marrant car on est programmés au Pathé ! A Paris, c’est MK2 qui a déprogrammé le documentaire, du coup on est à l’UGC Les Halles ! » Une situation qui montre que la politique peut avoir des ramifications bien tentaculaires…
Reste que L’insoumis ne s’adresse pas directement aux défenseurs ou aux pourfendeurs de Jean-Luc Mélenchon, mais aux passionnés de politique. Et en cela, il est toujours intéressant d’être invité de l’autre côté du miroir. Particulièrement dans les coulisses de la campagne présidentielle la plus folle et la plus indécise que la France ait connu. Quant au « héros » du film, chacun se fera sa propre opinion.
L’insoumis
Documentaire de Gilles Perret
Production : La Vaka, Jour2fête
France
Durée : 95 minutes
Sortie nationale : 21 février 2018