Ils sont trois jeunes musiciens tout droit venus de Manchester, mère patrie de la musique pop et rock. Eux, les Gogo Penguin, s’illustrent dans un genre très différent: le jazz. Leur musique planante et mélancolique résonne comme un savant mélange d’instruments acoustiques et d’effets électroniques. Toujours en recherche de nouveaux sons et capables d’utiliser du sopalin pour atténuer le son des cordes d’un piano, ces bricoleurs du jazz offrent avec A Humdrum Star, leur quatrième album, un univers d’une grande sensibilité et d’une maitrise saisissante.
Vous venez tous les trois de la scène jazz de Manchester, c’est là que vous vous êtes rencontrés ?
Nous nous sommes rencontrés alors que nous jouions dans plusieurs groupes de jazz à Manchester. Nous avions déjà tous collaboré les uns avec les autres à plusieurs reprises pour différents projets par le passé. Gogo Penguin marque véritablement notre première collaboration à tous les trois. Nous partageons les mêmes types d’influences et nous souhaitions aller dans la même direction avec notre musique. La naissance de Gogo Penguin s’est donc faite facilement et naturellement. C’est devenu une évidence.
Vous venez tous d’horizons très différents, comment cela se traduit-il quand vous composez ?
Cela commence généralement avec une simple idée. L’un de nous arrive avec quelque chose, parfois un morceau quasiment complet mais la plupart du temps c’est un groove, une ligne de basse, ou juste quelques accords. Parfois nous composons directement sur l’ordinateur mais nous n’avons pas de méthode exclusive et systématique. Nous aimons utiliser les outils numériques mais nous composons aussi à partir du piano ou de la basse. Certaines idées sont parfois plus précises et construites quand l’un de nous la présente aux autres. Dans tous les cas, nous travaillons ensemble afin que chacun puisse apporter sa vision, son expérience personnelle et sa propre touche à chaque morceau.
Nous essayons de ne pas être limités par une seule technique, une seule approche
Vous jouez avec des instruments acoustiques mais votre jazz a une couleur très électronique.
Nous trouvons beaucoup d’inspiration dans la musique électronique et nous voulions trouver un moyen de mélanger les deux. C’est un véritable challenge de trouver une émulation entre les techniques modernes issues de la musique électronique et nos instruments acoustiques plus classiques, c’est ça que nous apprécions. Il y a une relation très satisfaisante et enrichissante, d’un point de vue acoustique, entre nos trois instruments : le piano, la contrebasse et la batterie. Hormis quelques effets sur le piano et la contrebasse, nous aimons préserver la couleur acoustique de notre jeu et de nos instruments. C’est assez logique car c’est avec ces instruments acoustiques que nous jouons le mieux ensemble.
Vous composez avec des logiciels et vous utilisez des objets inhabituels comme une feuille de sopalin…
Oui, nous composons parfois directement notre musique avec des logiciels comme Ableton ou Logic mais nous aimons aussi imaginer et écrire notre musique directement avec nos instruments. Nous essayons de ne pas être limités par une seule technique et une seule approche. C’est aussi très excitant de pousser et d’explorer toutes les possibilités offertes par nos instruments afin d’obtenir des sons nouveaux. Nous avons en effet utilisé du Sopalin pour atténuer le son des cordes du piano en studio pour quelques morceaux. C’était simplement ce que nous avions de plus utile à portée de main à ce moment-là !
Votre musique est mélancolique et planante, proche de celle d’Esbjörn Svensson Trio, d’où vient cet univers?
Nous avons tous été inspirés à l’origine par ce que faisait Esbjörn Svensson Trio ! Ils ont vraiment poussé et dépassé les possibilités qu’offre le trio de jazz. Ils sont une inspiration immense pour chacun d’entre nous. Nous avons aussi été influencés par les genres musicaux que nous écoutions à l’époque comme l’électro, le jazz, le rock et la musique classique. C’était donc évident pour nous de piocher dans ces différents styles, d’essayer de les assembler et de les faire cohabiter avec notre propre univers.
Un univers né à Manchester et de sa scène jazz que vous avez tous les trois écumé pendant des années…
Il y a en effet une scène jazz très large et bouillonnante à Manchester. Cela a toujours été agréable de vivre dans cet environnement créatif. C’est très difficile de dire avec exactitude ce qui a affecté notre musique car nous avons toujours vécu à Manchester en tant que musiciens mais je suis persuadé que nous avons été inspiré par cet environnement de bien des façons. Notre génération a passé beaucoup de temps à jouer dans un club de jazz du centre-ville de Manchester, le Matt & Phred’s. Nous avions l’habitude de jouer là-bas avec différents groupes quasiment tous les soirs. Il est donc probable qu’évoluer dans cet univers de jazz à Manchester a aidé à notre développement musical quand nous étions jeunes.
Vous êtes aujourd’hui chez Blue Note, est-ce très différent d’enregistrer dans ce label légendaire ?
C’est en effet notre second album chez Blue Note mais peu de choses ont changé depuis que nous avons enregistré v2.0 (leur second album) dans notre ancien label. Nous avons continué à travailler avec la même équipe de production depuis : Joe Reiser, notre ingénieur du son, a co-produit nos albums avec Brendan Williams. Cette fois-ci nous avons voulu enregistrer au Low Four Studios à Manchester. C’était vraiment très important pour nous de le faire ici, dans notre ville. Nous avons passé tellement de temps en tournée ces derniers temps, c’était vraiment agréable de revenir à la maison pour cet album.
Manchester justement, est plus connu pour le rock et la pop. Comment le jazz se porte ici aujourd’hui ?
Manchester a toujours eu une scène musicale dynamique. Bien sûr, en ce qui concerne la pop et le rock mais il y a aussi d’excellents musiciens de jazz, de folk et d’électro. Notre ancien label, Gondwana Records, est basé à Manchester et enregistre de nombreux musiciens très talentueux qui viennent ici, de Manchester. Beaucoup d’anciens membres de groupes comme The Cinematic Orchestra, Lamb et The Herbaliser viennent aussi de Manchester, il y a toujours eu une grande scène jazz dans notre ville natale.
Le site officiel des Gogo Penguin : gogopenguin.co.uk
Gogo Penguin – A Humdrum Star ( Blue Note )
Photos : Linda Bujoli – Styling Nicky Rybka Goldsmith