SEBASTIEN VIDAL

Sébastien Vidal : le Monsieur Jazz

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Par Nicolas Vidal – Cette rentrée est également l’occasion de parler musique et plus particulièrement de jazz avec l’incontournable Sébastien Vidal qui a le charge de plusieurs programmations musicales dont le très réputé club du Duc des Lombards, chez TSF Jazz également mais aussi celle du Nice Jazz Festival chaque année.

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Rencontre avec un fondu de Jazz.

Une première question qui nous brûle forcément les lèvres : comment a commencé l’histoire d’amour entre Sébastien Vidal et le Jazz ?
Un livre tout simplement que mon père m’a offert à l’adolescence : La Rage de Vivre, de Milton Mezz Mezzrow… un récit fort sur l’enfance du jazz à Chicago et New York qui parle de dope, d’Al Capone et de Louis Armstrong…

Quel souvenir gardez-vous de Jean-François Bizot à vos débuts chez TSF Jazz ?
J’ai beaucoup de souvenirs avec Jean-François Bizot comme tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer. On a beaucoup travaillé sur TSFJAZZ, notamment au début, pour trouver les bons équilibres et le bon format. Il voulait tout le temps ranger sa discothèque. J’ai mis du temps à comprendre que ce n’était qu’un prétexte pour écouter des disques et chercher collectivement le son de la radio. On avait envie d’être fidèle à une histoire du jazz tout en faisant de la radio d’aujourd’hui, pas simple quand on couvre un siècle de musique enregistrée. C’est lui qui a compris que la modernité du jazz pouvait se trouver dans des morceaux de Louis Armstrong en 1935…

Pouvez-vous nous parler de vos débuts à la programmation du Duc des Lombards ?
Après deux premières années très difficiles (juste après la réouverture du club après rénovation), nous avons imaginé « mutualiser » nos compétences.
Rapidement, l’idée de proposer à la radio et à ceux qui l’anime la direction artistique du Duc s’est imposée. J’ai eu la charge de fédérer les idées de tous. C’est encore le cas aujourd’hui. Nous sommes une petite quinzaine à proposer des idées et des noms et je met en forme le programme.

Si vous deviez définir votre ligne artistique au sein du Duc des Lombards, quelle serait-elle ?
Tout ce qui est nouveau, intéressant ou qui marque l’histoire du jazz. Être précurseur. Suivre son instinct et proposer au public une photographie du jazz tel qu’il est aujourd’hui dans toute sa diversité sans jamais faire de concession sur la qualité des groupes qui se produisent sur scène.

 » Suivre son instinct et proposer au public une photographie du jazz tel qu’il est aujourd’hui dans toute sa diversité sans jamais faire de concession sur la qualité des groupes »

En somme, est-elle la même pour toutes vos casquettes de programmateur, de directeur artistique ou directeur d’antenne ?
Oui… exactement la même. On écoute tous les disques que nous recevons, on va beaucoup voir de concerts, on se déplace beaucoup à l’étranger…on essaye d’être toujours curieux de tout et à l’écoute de tous. Notre ligne, au duc, à TSFJAZZ est d’essayer d’être toujours nouveau, intéressant et d’ancrer notre action dans l’histoire du jazz… la grande et la petite. En laissant toujours la porte grande ouverte pour que l’on vienne nous faire découvrir de nouveaux sons.

Qu’est ce qui selon vous entretient la magie du Duc des Lombards ?
Ce sont les artistes qui entretiennent cette magie… Je crois qu’au fil des ans, nous avons su instaurer cette confiance qui permet aux jazzmen de s’exprimer sur la scène du Duc des Lombards comme ils ne le font pas ailleurs. Nous offrons un cadre en les respectant le plus possible et en leur offrant des conditions de travail les plus professionnelles et confortables possibles pour qu’ils puissent être dans les meilleurs dispositions pour faire rêver le public. Quand on arrive à créer cela, on permet aux artistes de s’approprier un lieu et de le faire vivre.

Pour cette nouvelle saison, quels seront les grands moments en cette rentrée de septembre ?
Le trio Rosenberg les 14, 15 et 16 septembre, L’hommage à Les McCann la semaine suivante qui est une création à 100% du club.

Comment se caractérise votre écoute du jazz notamment lorsqu’il s’agit de dénicher de nouveaux talents ou des artistes émergents ? Qu’est ce qui vous séduit chez un(e) artiste ?
Sa fraicheur, sa capacité à se renouveler tout en s’exprimant dans l’idiome du jazz, son swing. Des dizaines de raisons qui font qu’en 15 secondes, on reconnait un grand disque.

Vous êtes également le directeur artistique du Nice Jazz Festival, comment appréhende t-on la programmation d’un Festival comme celui d’une ville comme Nice ?
Avec beaucoup de modestie et souvent beaucoup d’angoisse. C’est 10 mois de boulot avec Nice dans la tête du matin au soir. Il faut être à l’affut de tout. Pro-actif, prendre les décisions au bon moment. J’adore ça mais c’est surtout un honneur immense que la ville nous a fait, en nous choisissant pour diriger ce festival historique… Parfois, j’ai du mal à réaliser qu’on est à la tête des destinées artistiques d’un tel événement. C’est vraiment rare pour une petite structure comme la nôtre, jeune et modeste d’avoir une telle responsabilité. C’est autant grisant que stressant.

Quelle est la savante alchimie à trouver entre un jazz pointu et des artistes plus accessibles ?
Je ne me pose pas cette question. Il y a le jazz dans toute sa diversité. Nous essayons de créer des passerelles entre les artistes pour créer des passerelles entre les publics. Par exemple avoir sur la même scène Johnny O’Neal (légende oublié du jazz New Yorkais), Tony Allen (roi de l’Afro Beat qui rend hommage à Art Blakey) et Cory Henry (jeune chanteur et bombe atomique de funk chuchy)… les styles sont différents et se répondent les uns les autres… c’est ce qui attire des publics différents qui se complètent et s’additionnent. C’est cette formule que nous cherchons dans tout ce que nous faisons.

Pourriez-vous nous dire quelques mots aujourd’hui sur l’écosystème du Jazz français que vous connaissez bien sur ses artistes, ses succès, son maillage de salles et de festivals, ses succès et ses échecs ?
En quelques mots, impossible ! Disons que le jazz reste encore une musique de niche mais avec un public très large et très populaire… avec quelques immenses réussites commerciales… comme Gregory Porter, Diana Krall, Norah Jones, Ibrahim Maalouf… en gros, c’est une musique dont on prédit la disparition depuis un siècle et qui ne cesse de se renouveler.

 » Le Jazz est une musique dont on prédit la disparition depuis un siècle et qui ne cesse de se renouveler »

L’album du moment que vous conseilleriez à nos lecteurs ? Et votre album de référence ?
Mark Guiliana Jazz Quartet chez Motema…. Matias Levy et son superbe hommage à Grapelli, Kind Of Blue, Miles Davis….

Pour finir, quelle est votre analyse du public qui écoute du Jazz ? Y-a-t-il un renouvellement des publics dans les festivals et qui se sent dans la vente d’albums de jazz ? Si oui, à quoi attribuez-vous cela ?
Le public du jazz se renouvelle tous le soirs, tous les jours, tous les mois, tous les ans… parce que le jazz se renouvelle tout le temps et que les artistes font bouger les lignes de cette musique et que chaque nouvelle génération de musiciens attire un nouveau public qui s’additionne à l’ancien… ou qui le remplace… il y a autant de publics qui écoutent du jazz que de styles de jazz. Chacun y vient pour des raisons très différentes… Honnêtement j’ai toujours détesté les gens qui proposaient des études du genre « Publics du jazz… évolution, renouvellement ? ». C’est souvent super fumeux. Ça correspond pas à ce que je vois dans les concerts.
Il faut comprendre que les gens ne vont pas voir « du jazz »… ils vont à un concert de Gregory Porter… de Snarky Puppy ou de Jean-Luc Ponty… et que ces gens là écoutent aussi peut-être du Bach en se réveillant et le dernier Dan Auerbach dans leur voiture. Sont-ils jazz ?

TSF Jazz ( www.tsfjazz.com ) / Le duc Des Lombards (www.ducdeslombards.com ) / Nice Jazz Festival ( www.nicejazzfestival.fr )

( Crédit Photo Jean-Baptiste Millot )

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