A l’occasion de l’exposition organisée par la Galerie Daniel Maghen au Bastille Design Center, nous avons rencontré Frédéric Pillot pour qu’il nous dévoile les mystères, les joies et la fraîcheur de son univers.
Frédéric Pillot, comment avez-vous fait la découverte du dessin ?
En frottant un crayon de couleur, côté pointe, sur une feuille de papier blanc, et au plus loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours pris plaisir à dessiner ou à créer des petits personnages en peau de Babybel ou me raconter des histoires en regardant des fourmis…
Qu’est ce qui vous a poussé vers le dessin et l’illustration jusqu’à cette incroyable carrière ?
Le moyen d’exister, de faire plaisir à ma grand-mère en lui offrant un petit dessin les mercredis… Ce temps agréable d’être à sa table, la concentration, le voyage, l’état un peu méditatif, restent les mêmes depuis mon enfance, c’est juste une continuation rendue possible par le réconfort d’avoir rencontré un autre public après ma grand-mère.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos débuts lorsque vous avez quitté votre Moselle natale pour intégrer les Arts décoratifs de Strasbourg. Aviez-vous déjà à cette époque une idée assez précise de ce que vous souhaitiez faire ?
L’idée précise et large de la pratique d’un art, oui. Pour ce qui est de l’illustration jeunesse, l’idée s’est affinée au cours des études aux Arts Déco de Strasbourg.
Pourquoi avez-vous opté pour l’univers de la jeunesse, des contes et des histoires pour enfants ? Qu’est ce que cela appelle d’enfantin chez vous ?
Je suis resté très « intime », très connecté à l’enfant que j’étais. J’ai énormément de souvenirs de mon enfance. L’adulte que je suis devenu est très reconnaissant à l’enfant que j’étais. Petit, je me forçais par moment à me promettre une fois adulte de me rappeler telle ou telle chose, telle émotion, tel moment. Comme si j’envoyais un message à l’adulte que j’allais devenir. J’avais peut-être la trouille de disparaître, de me trahir, de grandir en m’oubliant…
Vous touchez à de nombreux domaines : la presse, l’animation, le numérique et la littérature jeunesse. Est-ce que l’illustration reste votre domaine de prédilection ?
Oui, c’est le domaine où je me sens le mieux, où je peux m’exprimer de la manière la plus complète et la plus épanouissante.
Dans une interview chez nos confrères de Public Sénat, vous avez dit que vous partez du texte fourni et que vous vous appuyez sur vos magasins à images. Pouvez-vous nous en dire quelques mots sur les magasins à images de Frédéric Pillot ?
Avec le temps et une nature un peu contemplative, on emmagasine et on affine beaucoup d’images, d’impressions, et d’émotions différentes. On peut parler d’une richesse qu’on a accumulée et qui peut servir notre propos.
La Galerie Daniel Maghen, qui suit votre travail depuis très longtemps, a organisé une exposition très riche au Bastille Design Center ce mois-ci. On peut y voir plusieurs originaux très grands formats. Pouvez-vous nous parler plus spécifiquement du travail graphique articulé autour de la peinture acrylique et de la craie. Comment combinez-vous les deux méthodes ?
Grâce au soutien et à la confiance totale d’Olivier Souillé de la Galerie Daniel Maghen, j’ai eu la possibilité de réaliser cette série de peintures grand format. Un travail exceptionnel qui m’ouvrait des perspectives énormes en terme d’images ! Je me suis pleinement épanoui en réalisant ces très grands formats parce que je maîtrisais bien mon média, c’est-à-dire une base acrylique rehaussée à la craie pour faire remonter des matières et des lumières.
Comment travaillez-vous spécifiquement sur ces grands formats ? Et comment appréhendez-vous ce travail qui s’éloigne d’un travail narratif ? Ont-ils été dessinés et conçus uniquement pour l’exposition ?
Ces peintures restent les seize illustrations qui correspondent aux seize chapitres de l’histoire de Maxime Rovere « Les Souvenirs du Vieux Chêne », album édité aux éditions Milan . Ce sont donc des images narratives, mais aussi de très grandes peintures réalisées pour l’exposition au Bastille Design Center par la Galerie Daniel Maghen.
Sans cette exposition à la clé, il m’aurait été impossible de réaliser de tels formats. C’est un peu un travail d’un autre âge que « l’économie du livre » ne semble plus permettre. En effet, mon avance sur droits d’auteurs pour la réalisation de ce livre ne m’aurait jamais permis de pouvoir réaliser des formats aussi importants. La Galerie a réalisé un réel travail de mécénat.
Vous avez connu de très nombreux succès sur plusieurs de vos séries. Laquelle vous tient-elle plus à coeur avec le recul ?
Il est impossible de choisir ! Je reste attaché à toutes mes séries. Ça peut d’ailleurs être un problème par moment. J’ai aussi conscience de rencontrer un public fidèle et passionné et cela implique de continuer à essayer de faire vivre tous ces personnages que sont Lulu Vroumette, Edmond le chien, Thérèse Miaou, Little Piaf ou encore Raoul Taffin.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’appétence qu’ont les plus jeunes pour les livres jeunesse ainsi que pour les livres en général ?
Un regard rassuré ! Beaucoup de gens de talent, de métiers différents œuvrent pour cette belle cause. L’outil extraordinaire de transmission qu’est le livre, doit, servir le plus tôt possible.
Vous avez de très nombreuses collaborations sur beaucoup de vos projets . Comment articulez-vous votre travail avec l’ensemble de ces collaborations artistiques ? Chacune est singulière et prend une forme particulière ou travaillez-vous toujours de la même façon ?
Il y a forcément des points communs mais chacune est singulière car les gens sont différents. Chaque auteur, chaque éditeur fonctionne à sa manière. De plus, de vraies amitiés et complicités se créent parfois avec les années de travail, ce qui rajoute encore à la particularité de chaque collaboration.
Pouvez-vous nous parler de Gérard Moncomble et de votre complicité artistique ?
Quand je parlais d’amitiés et de complicités, avec Gérard Moncomble, on est en plein dedans. Nous sommes amis et nous avons grand plaisir à travailler ensemble. Nos échanges durent depuis plus de quinze ans. Nos collaborations sont étroites, nous avons toujours de nombreux allers et retours sur tous nos projets portant autant sur le texte que sur l’image.
Pour finir, Frédéric Pillot, comment expliquez-vous que votre notoriété a très largement dépassé les frontières de la France. Pensez-vous que les univers que vous dessinez ont quelque chose d’universel ?
Tout ce qui touche aux émotions et à l’intime est forcément universel. Le fait que mes images parlent et évoquent des choses plus loin que ma sphère privée et au-delà est un réconfort et un encouragement à continuer à dessiner, à créer mes univers et à inventer d’autres personnages qui vivront d’autres histoires et feront passer d’autres émotions.
Exposition de Frédéric Pillot :
du 7 avril 2017 au 16 avril 2017, Frédéric Pillot a exposé au Bastille Design Center
Galerie Daniel Maghen
47 quai des Grands Augustins
75006 Paris
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