Paula : le portrait fougueux d’une pionnière de l’Art Moderne

par
Partagez l'article !

De Florence Yérémian – « Une femme ne peut être peintre ! » Difficile à admettre pour Paula Becker qui transpire la peinture par tous les pores de sa peau. Belle, libre et subversive, cette jeune allemande de 24 ans n’est pas prête à se laisser enfermer dans les schémas sexistes des petits bourgeois du siècle dernier. Voilà pourquoi, poussée par sa chair et sa créativité, l’impétueuse Paula n’hésite pas à quitter son époux pour partir à Paris en quête de reconnaissance. Goûtant aux plaisirs et aux affres de la vie de bohème, cette artiste avant-gardiste va peu à peu devenir maitresse de son oeuvre, de sa pensée, mais surtout de son corps…

Partagez l'article !

La figure excentrique de Paula Becker est peu connue en France. C’est pourtant l’une des premières femmes peintres a avoir imposé son sexe et son propre langage pictural à une époque entièrement dominée par la gente masculine. Icône singulière des années 30, elle a crée un art à son image : brut, expressionniste, capable de traduire ses émotions à travers des couleurs fauves et une ligne grossière. La peinture de Paula est aussi audacieuse que charnelle à l’exemple de l’actrice Carla Juri qui interprète son rôle dans le film de Christian Schwochow. Empêtrée dans ses lourds jupons et ses boucles blondes, la comédienne ne cherche nullement à embellir son personnage, elle s’applique au contraire à lui conférer de l’authenticité. La silhouette robuste et le regard franc, elle nous livre une Paula Becker aussi égoïste que déterminée : on adore sa fougue, sa rugosité et sa capacité à pouvoir s’émerveiller de tout. On aime moins sa gaucherie et sa balourdise excessivement accentuées par le réalisateur au point d’infantiliser parfois sa protagoniste.

Parmi les excellents acteurs qui entourent Carla Juri se distingue Albrecht A. Schuch qui prête ses traits mélancoliques à l’époux de Paula. Grace à son jeu pudique et nuancé, ce comédien apporte au film une très belle sensibilité qui ploie continuellement sous la hardiesse de sa femme peintre. Autour de ce couple d’artistes gravitent également un joli-coeur parisien (incarné par le charismatique Stanley Weber) ainsi que le poète Rainer Maria Rilke qui fut l’ami et le soupirant secret de Paula. C’est à Joel Basman que revient le rôle de cet amoureux transi qu’il s’approprie avec mysticisme : déguisé en cosaque ou déambulant les pieds-nus, Joel Basman grime sempiternellement son visage de tristesse et confère à Rilke le profil d’un génie lyrique et tourmenté.

Le long-métrage de Christian Schwochow n’est pas qu’un simple hommage à Paula Becker ni un appel lucide en faveur de l’émancipation des femmes. C’est à son tour une oeuvre d’art qui s’attache éperdument à l’aspect esthétique. Dans ce parcours de pionnière de l’Art Moderne, rien n’est laissé au hasard : les textes sont pétris de dévotion, la musique de Jean Rondeau est envoûtante, les acteurs dégagent une beauté intérieure, quant aux images, elles nous font successivement songer à des toiles de maîtres. Qu’il s’agisse des forêts blanches parsemées de bouleaux, des tuniques en dentelles, du grain de peau des poseuses, de la lumière hivernale sur les visages ou des intérieurs feutrés, tout semble à la fois doux, intense et éphémère … à l’exemple de la courte vie de Paula.

Paula ? Le portrait d’une grande fille toute simple qui voulait peindre en étant mère.

Un film de Christian Schwochow

Avec Carla Juri, Albrecht Abraham Schuch, Roxane Duran, Joel Basman, Stanley WeberFranco-Allemand – 2016 – 2h03En salle : le 1er mars 2017

Lire aussi dans nos actualités cinématographiques :

Les Derniers Parisiens : un portrait de la faune de Paname

Miss Sloane : John Madden dévoile les dessous des lobbys américains

Rock’n’roll : la farce amère de Guillaume Canet

« Les Fleurs Bleues » : Andrzej Wajda, l’art contre la dictature

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à