Antiloops : un mélange hybride entre l’instrument et la machine

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Par Manon Bricard – En 2013, la flûtiste Ludivine Issambourg forme Antiloops. Ce groupe aux sons audacieux s’est imposé sur la scène musicale avec un EP et deux albums. Ce mélange hybride d’instruments et de machines, d’electro-jazz, de soul et de hip hop en font un groupe singulier. Ludivine Issambourg revient sur son parcours et son dernier album, « Lucid Dream », avant un concert au Café de la Danse (Paris) le 27 février.

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Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer comment est né Antiloops ? D’où vient ce nom de groupe ?
Le groupe est né à mon initiative, après quelques tests en live des concepts et des idées que j’avais envie d’aborder. Je me suis enfermée un an et j’ai écrit le premier album. J’ai ensuite emmené tout le monde en studio, et le premier EP « Yep » était né. Le nom est venu suite à une discussion avec des amis musiciens. J’ai trouvé que ce nom sonnait bien et pouvait emmener la réflexion de l’auditeur dans différentes directions.

Antiloops a deux albums à son actif, « Electroshock » d’abord et « Lucid Dream ». Comment a évolué votre recherche musicale entre ces deux albums ? Pourquoi ces titres ?
La différence surtout entre les deux, déjà d’un point de vue de la conception, c’est que j’ai travaillé beaucoup plus en collectif sur le deuxième, avec plus de collaborations avec les membres du groupe. La notion de collectif, de travail d’équipe est une valeur très importante pour moi. Musicalement j’ai avancé, approfondi mes recherches sur les mélanges entre les instruments et l’humain, et ce que la technologie, l’électronique, la machine nous permet aujourd’hui. « Lucid Dream » est pour moi un moyen d’exprimer l’ambigüité permanente qu’il y a dans notre vie entre le rêve et la réalité, que je traduis sur cet album par l’ambigüité (sonore) entre la machine et l’humain.

Votre musique est un mélange d’electro-jazz, de soul et de hip-hop. Pourquoi avez-vous combiné ces genres musicaux qui semblent pourtant inconciliables ? Comment définiriez-vous votre style de musique ? Quelles sont vos influences ?
« Qui semblent inconciliables » ? Ces « cases » « esthétiques » ont énormément de points communs et se rejoignent sur pleins d’aspects, en premier lieu l’idée, le ressenti de transe, de groove. Ce sont mes influences, les lusiques qui m’ont nourrie pendant mes premières années de pratique. On met des mots sur des esthétiques pour faciliter les classements, car l’homme a besoin de ça, je comprends cela. Mais pour moi tout ça n’est que Musique avec un grand « M ».

Vous êtes flûtiste. On a tendance à associer cet instrument davantage à la musique classique qu’aux genres musicaux que vous pratiquez. Pourquoi avez-vous fait ce choix peu commun ? Comment expliquez-vous que la flûte soit aussi peu associée à ces autres styles de musique ?
La flûte Traversière Bhoem (occidentale) est née de l’esthétique classique, il est donc normal qu’aux premiers abords son répertoire soit lié à cette esthétique. Ce sont les compositeurs classiques qui ont le plus réfléchi à « comment faire évoluer cet instrument et comment utiliser ses différentes palettes de jeu ». Les autres styles qui datent plutôt du XXe siècle nécessitent de l’amplification, il a donc fallu un peu de temps pour que la flûte puissent s’y adapter mais maintenant avec tous les moyens technologiques qui existent, cela élargit la palette de jeu de l’instrument, ses possibilités et par conséquent ça a permis de stimuler l’imagination des flûtistes. Donc aujourd’hui on retrouve la flûte dans énormément de styles musicaux que l’on appelle « Musiques Actuelles  » (dont le jazz pour moi fait partie).

Vous mélangez les instruments classiques avec des émulseurs numériques et la machine. Pourquoi intégrer la machine et le numérique à vos compositions ? Que cherchez-vous à apporter à votre musique que des instruments seuls ne peuvent pas apporter ?
Des palettes de jeu, développer d’autres modes de jeu, des couleurs, changer la fonction de l’instrument dans le groupe. Et sous un autre aspect, ce qui m’intéresse aussi, c’est le rapport à l’improvisation (qui est plutôt une compétence humaine) avec des machines.

Pour « Lucid Dream », des chanteurs accompagnent vos morceaux. Qu’apportent-ils à votre musique et pouvez-vous nous les présenter ?
Edash Quata est un MC que l’on trouve déjà sur « Electroshock ». J’aime son flow et son rapport au jazz. J’aime sa façon de travailler le texte avec la musique et son positionnement rythmique sur la nôtre. Milena Fattah est une chanteuse avec un grain de voix très particulier. Cela m’intéressait de voir ce qu’un grain de voix comme ça et une personnalité comme la sienne pouvaient nous ouvrir comme direction si on la mélangeait à notre univers. Adam Vadel et Nina Attal pratiquent une esthétique qui présentent de nombreuses différences avec la nôtre. J’aime aller chercher des personnalités qui vont m’ouvrir vers d’autres univers, que je vais pouvoir mélanger au notre pour essayer d’en créer un nouveau qui va être unique ou très particulier. Des univers qu’on ne peut pas mettre dans une case.

Avant Antiloops, vous étiez flûtiste pour Wax Tailor, et vous avez remporté le premier prix du concours national de Flûte Jazz (les Trophées du Sunset). Comment ces expériences ont nourri votre projet Antiloops et votre réflexion musicale ?
L’expérience avec Wax Tailor était très enrichissante sur pleins d’aspects : j’ai appris le métier de la scène, et ce que c’était de monter un projet dans sa globalité. Musicalement, cela m’a permis de m’immerger dans le hip-hop et le trio-hop, musique que j’adorais déjà avant de rejoindre le groupe. Cela m’a permis d’approcher sereinement le rapport aux machines et aux samples. Au niveau de la réflexion musicale, j’ai trouvé cela très intéressant de comparer sa musique dont la tradition est le sample, la boucle, et ce dont moi j’étais imprégnée à l’époque, c’est-à-dire le jazz et la notion d’improvisation. C’était intéressant de comparer ces deux façons de pratiquer la musique, qui apparemment sont opposées mais qui en réalité peuvent se mélanger, se rejoindre et se compléter. Les Trophées du Sunset, cela a été une chouette reconnaissance du travail que j’effectuais depuis le début de mon apprentissage.

Vous animez des master class dans les conservatoires. Pourquoi ce besoin de transmettre la musique ? Est-ce un moyen de la décloisonner et de favoriser l’expérimentation ?
J’ai toujours enseigné, depuis que j’ai 18 ans; le fait de transmettre en musique a toujours été quelque chose d’évident pour moi et de nécessaire. Décloisonner, je ne sais pas, oui pourquoi pas, je n’aurais pas cette prétention mais proposer de nouvelles choses et collaborer avec d’autres flûtistes : oui.

Enfin, quels sont les projets à venir pour Antiloops ? Y aura-t-il une tournée, envisagez-vous déjà un troisième album ?
Des concerts bien évidemment, oui, on va continuer; en parallèle je vais développer la version « Antiloops DJ Set » , c’est-à-dire Dj Topic, moi, et un ingénieur lumière et video. Ce sera toujours mon répertoire (plus quelques remixs sur lesquels j’aime jouer, improviser) mais remixés, revisités pour faire quelque chose d’encore plus électro, moins jazz; et on travaillera la musique en rapport avec le visuel. Et puis oui, je suis déjà en train de travailler sur le troisième album d’Antiloops.

Antiloops
« Lucid Dream »
Ilona Records / L’Autre Distribution
Le site web du groupe : www.antiloops.fr

(Crédit photo : Valéry Thimoleon)

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