La dague dingue d’Angelo

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L’échappée d’Angelo Rinaldi a-t-elle soulagé le long cortège de ceux dont il avait crucifié les illusions ? On se surprend déjà à regretter son élégance assassine.

« Doit-on parler en priorité de ce qu’on aime, et qui par son originalité risque parfois de passer inaperçu, ou bien doit-on étriller ce que l’on déteste, afin qu’il y ait un peu moins de dupes ? » interrogeait en 1989 Rinaldi, récemment disparu. L’époque est devenue résolument consensuelle, qui se réjouit d’une consanguinité rassurante. Les rédacteurs en chef tonnent « si vous n’aimez pas un livre, ne découragez pas les curieux », au moment où Philippe Claudel assène qu’on a le pouvoir de ridiculiser les clowns qui se prennent pour des rois. Choisir entre faiseuse d’anges et faiseuse d’ânes n’est pas qu’une affaire de consonne.
Intenable en laisse, indifférent aux susceptibilités qu’il eût suffi de ménager en émondant simplement telle phrase d’un adjectif caressant comme du papier émeri, le fauve corse a salué d’une même attention imperturbable les livres enchanteurs et enchantés. Les jugements rassemblés dans ce volume donnaient envie, selon les cas, de se précipiter chez un encadreur ou vers une armurerie. Rinaldi était à l’abri de ces pudeurs camphrées qui distinguent les rosières des femmes de louage. Coureur cycliste, il eût été irrésistible, combinant les qualités de Jacques Anquetil et Hugo Koblet.
Il n’est pas né par hasard dans l’Ile de Beauté. Dans l’entre-deux-siècles, une dame patronnesse a fomenté vainement une vendetta picrocholine, pour l’admission à l’Académie française de l’auteur des Dernières nouvelles de la nuit, roman où l’ on pouvait lire « la plus ébranlée par la passion tricotait des couches-culottes pour un fox-terrier femelle ». Oui, cher Jean Cocteau, les poètes se souviennent de l’avenir…
Le recueil est ventilé en appréciations allant du bon point à la fessée : Un peu, Beaucoup, Passionnément, A la folie, Pas du tout. Voici cinq des bénéficiaires : Yves Bonnefoy, Elsa Morante, Léautaud, Mauriac, Robbe-Grillet. Si vous parvenez à rendre à chacun(e) la niche qui lui revient, pas de doute : il y a en vous quelque chose de Tennessee.

« Les roses et les épines – Chroniques littéraires », Angelo Rinaldi. Editions des instants, 21€

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