Un été à l’ombre des Muses

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Guillaume Apollinaire et Philippe Jaccottet occupent cet été le haut de l’affiche poétique. Trois volumes pour chacun : un partage de frères ? C’est moins simple. Que pèsent les 66 pages des « Cormorans », proses de Jaccottet face aux 1785 pages de l’apollinarienne   « Beauté de toutes les douleurs », somme contenant à grand peine la poésie, les récits, l’œuvre critique, le théâtre de l’artilleur féru de poudre d’escampette. Il y manque hélas les déploiements épistolaires de ses incendies de coeur. Les gourmets choisiront entre le pâté d’éléphant à l’alouette et la terrine d’alouette à l’éléphant…
Ceci dit, le plus illustre villégiateur de Stavelot – cité de Wallonie abritant le seul Musée Apollinaire connu, hommage à celui qui y passa, en 1899, trois mois lourds de sens – fait mieux encore, avec la parution des trois cents vers de La Chanson du Mal-Aimé, enrichis des dix-sept quatrains de « Vitam Impendere Amori » (« Consacrer sa vie à l’amour »), pour un total de 38 pages. Une formule ultra légère qui donne raison à l’éditeur de proposer de petits objets à presser contre le cœur, pour mieux conter fleurette. Aragon, Eluard, Hugo complètent la première salve d’une collection appelée à faire florès.
Stavelot encore, qui héberge depuis plus de 60 ans les réputés Colloques Apollinaire, réunion de passionnés à la curiosité entomologique, qui découvrent ce qu’il reste à dire quand tout avait été dit sur un thème imposé. Dernier en date (2021), « Les Silences d’Apollinaire », dont Honoré Champion publie les actes, après la parution, en 2019, d’ un indispensable Dictionnaire Apollinaire. Une touche de fascination dans un univers qui en est prodigue.

« Aiguisez mieux votre regard », recommande Philippe Jaccottet (1925-2021), magistral arpenteur du ténu et traducteur de l’intense. « La Clarté Notre-Dame » résonne comme un salut ultime à cette poésie d’une simplicité enivrante. On se sent appelé à y entrer sans frapper ; on en ressort retourné mais indemne. Proposé en même temps que « Les Cormorans », voici deux pique-boeufs à la minceur trompeuse, tant l’éblouissement y coule en abondance.
A l’origine du livre que lui consacre un admirateur, une lettre adressée à vingt ans, une réponse de Jaccottet l’invitant à lui rendre visite. Grignan n’est pas Saint-Cirq-Lapopie. L’humilité n’y joue pas du clairon. La rencontre sera le prélude à nombre d’échanges, dont une entrevue sur la peinture, relatée généreusement, et quelques échos des collaborations du poète avec les artistes.
L’embarrassant bonheur du choix.

« La beauté de toutes nos douleurs »  Apollinaire. Edition établie par Didier Alexandre et Michel Murat, Bouquins/la collection, 38 €

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