
Céline Cléber: « Si, pour certains tout va bien, pour d’autres la guerre civile est déjà là, mais larvée »
Plongée au cœur d’une France fracturée, “Douce France” n’est pas un roman d’anticipation, mais un miroir glaçant – signé Céline Cléber, pseudonyme d’un haut fonctionnaire dont l’anonymat ne fait que renforcer la force du propos. À travers un récit haletant, de Port-Galand à Saint-Ouen, de Saint-Denis à Toulon, s’infiltre le spectre d’une guerre civile larvée, nourrie par la dérégulation judiciaire, la porosité de nos institutions et l’irruption de mafias glissées sous le radar de l’État. Aujourd’hui, alors que fusillades, règlements de comptes et migrations politiques ravivent les braises de l’insécurité, quels faits divers jouent, à vos yeux, le rôle de nouvelle “étincelle” ? Entretien avec l’auteur pour décrypter l’embrasement français – et tenter d’en stopper la mèche avant l’explosion.
Dans Douce France, vous décrivez un moment pivot – la fusillade de Port-Galand – comme une “étincelle” qui déclenche la crise. Aujourd’hui, quels faits divers ou quelles tensions vous paraissent analogues pour illustrer l’état sécuritaire de la France ?
Comme l’a montré Jérôme Fourquet dans « L’Archipel françai »s : une nation multiple et divisée, la France est devenu un archipel où tous les Français ne vivent pas la même chose car ils sont désormais isolés sur des îles, des mondes séparés. Si, pour certains tout va bien, pour d’autres la guerre civile est déjà là, mais larvée : à Saint-Ouen, quand on déplace une école faute de parvenir à lutter contre des trafiquants, à Saint-Denis, quand des policiers municipaux sont contraints de fuir attaqués par une trentaine d’individus, à Toulon, quand deux élèves policiers sont roués de coups pour avoir défendu des femmes harcelées dans la rue, à Rennes, quand les fusillades se multiplient, à Cannes-La-Bocca quand tout un quartier (La Frayère) est mis en coupe réglée par les dealers, un peu partout en France, quand le ministre de l’intérieur décompte une centaine de faits de violence en quelques jours contre les prisons ou leurs personnels. N’importe lequel de ces évènements aurait pu déboucher sur un embrasement tel que celui que je raconte dans le roman.
« Si, pour certains tout va bien, pour d’autres la guerre civile est déjà là, mais larvée »
Les évènements de ce type sont légion aujourd’hui en France. Leur dangerosité vient de ce qu’ils cumulent trois caractéristiques : ils sont le fait de jeunes en groupes ou susceptibles d’être rapidement rejoints par des acolytes nombreux et agressifs, ils peuvent déraper très facilement en raison de la circulation importante d’armes à feu, ils sont le fait d’individus très peu éduqués et dont la propension à la violence est non seulement totalement désinhibée mais …