Philippe Vilain : Scènes de méninges

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Les amours à basse température accouchent-elles forcément de rancoeurs recuites ? Un récit tombé du confessionnal s’emploie à y répondre.
Philippe Vilain s’est constitué un portefeuille enviable de lectrices, à la faveur de plusieurs romans qui lui ont valu le statut de « Grand analyste du sentiment amoureux » (Amazon). Sa plume est d’un commerce agréable, qui visite les intermittences du cœur et les turbulences de l’ego, avec le naturel et l’ aisance propres aux membres du sérail. Il existe toutefois deux autres Vilain, le cancre défroqué et le roitelet de Naples.
L’un était imperméable au savoir et promis à un avenir modeste dont le narrateur ne fait pas mystère. Son combat opiniâtre contre la glu familiale requiert près de 100 pages denses, âpres, inspirées, nées le couteau entre les dents. On assiste à la naissance irrésistible d’un intellectuel aimanté par la littérature, ses rêves et ses pompes. L’apogée : un doctorat arboré comme une rosette, obtenu pour la thèse « Le sexe et la mort dans l’œuvre d’ Annie Ernaux », qu’il fera fructifier en Italie.
A la faveur d’un texte « magistral, simple et profond, universel » de la Grandécrivaine, il parvient attirer l’attention épistolaire de celle dont l’intelligence pénétrante lui rappelle Simone de Beauvoir. Il en deviendra le damoiseau attitré, happé par la ronde du succès, en bute à l’indifférence des courtisans mais consolé par le hochet amoureux et dopé par une capillarité intellectuelle dont l’usufruit sera déterminant. Le récit qu’il donne d’une valse entre deux mondes, d’une transformation culturelle et sociale, en même temps qu’une construction sentimentale, est un exercice de voltige sans filet. Les accommodements avec la rigueur et la réalité, la relation d’un mécanisme de vampirisation subtile  se retrouvent dans les écrits parafictionnels ultérieurs à leur éloignement, manière de duels à fleurets pas trop mouchetés. En sortir avec élégance, y revenir sereinement par « une fiction qui falsifie le réel pour produire une illusion du vrai » ? C’est peut-être ce que l’ancien objecteur de conscience appelle le discernement exercé, dans un exercice respectable, conjugué au passé désaffecté.

« Mauvais élève », Philippe Vilain, Robert Laffont, 20 euros

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