Touchée personnellement, elle incarne la voix de nombreuses familles endeuillées et appelle à plus de justice, de transparence et de dignité. Elle dénonce les décisions politiques problématiques, comme le maintien des élections et l’utilisation du Rivotril, et souligne l’importance d’une réforme pour prévenir de telles tragédies à l’avenir.
Comment avez-vous réagi à l’annonce du probable non-lieu concernant les ministres impliqués ? Pensez-vous que cette décision reflète une faille dans notre système judiciaire ou un manque de volonté politique de reconnaître les responsabilités ?
J’ai ressenti un mélange d’incompréhension et d’indignation. Le probable non-lieu pour les ministres impliqués soulève des questions légitimes sur notre système à garantir la transparence et la justice, surtout face à une crise qui a touché des millions de vies. Ce n’est pas seulement une question de droit, mais aussi de responsabilité morale et politique. Gouverner, c’est anticiper. Or, l’absence de préparation et de réaction adaptée a coûté des vies. Il est essentiel que des mécanismes soient en place pour prévenir de telles défaillances et que les responsables assument leurs décisions.
« Le probable non-lieu pour les ministres impliqués soulève des questions légitimes sur notre système à garantir la transparence et la justice, surtout face à une crise qui a touché des millions de vies »
Vous avez dénoncé le maintien du premier tour des élections en mars 2020 malgré les risques sanitaires évidents. Selon vous, quelles alternatives auraient dû être envisagées à l’époque pour éviter cette situation tragique ?
Le maintien du premier tour des élections, alors que les risques sanitaires étaient connus, a été une décision irresponsable. À l’époque, il aurait fallu reporter ces élections, comme M. PHILIPPE SAUREL Maire de la ville de MONTPELLIER à l’époque des faits, l’avait demandé en transmettant un courrier à monsieur Edouard Philippe. La santé publique aurait dû primer sur les considérations politiques. De plus, des outils comme le vote par voie électronique auraient pu être envisagés pour garantir à la fois la sécurité des citoyens et le respect des processus démocratiques.
Vous avez vivement critiqué la pénurie de masques et l’exportation massive de protections à l’étranger. Avec le recul, comment analysez-vous ces choix gouvernementaux ? Était-ce un manque de préparation ou une gestion délibérément défaillante ?
La pénurie de masques a été un moment marquant de cette crise, révélant une défaillance systémique dans la gestion des stocks stratégiques. Je me souviens d’être allée en pharmacie, où l’on m’a dit que des masques étaient en stock, mais qu’ils ne pouvaient pas être vendus. J’ai quitté cet endroit avec un profond sentiment d’impuissance, d’autant plus que je voyais des soignants et d’autres travailleurs essentiels (médecin, infirmier, chauffeur livreur, caissier ……) sans protection adéquate. L’exportation massive de protections à l’étranger, alors que nous étions en pleine pénurie, est incompréhensible et injustifiable. Était-ce une erreur de jugement ou un choix délibéré ? Dans les deux cas, cela reflète une gestion qui n’a pas su anticiper ni protéger en priorité ses citoyens et ses soignants.
Au-delà de votre propre histoire familiale, vous représentez d’autres familles endeuillées. Quels sont les principaux retours que vous recevez des citoyens touchés par la gestion de la crise ? Quelles sont leurs attentes en matière de justice et de reconnaissance ?
Les familles endeuillées, ainsi que les citoyens touchés par cette crise, expriment des sentiments variés et complexes.
En 2020, j’ai longuement échangé avec eux, que ce soit par téléphone ou via les réseaux sociaux. Beaucoup manifestent une colère profonde face au manque de transparence, aux décisions tardives ou mal préparées, ainsi qu’à l’insuffisante reconnaissance de leurs souffrances.
Je rappelle aussi que la décision, prise de manière précipitée, d’imposer une mise en bière immédiate a eu des conséquences psychologiques profondes pour les proches des défunts. Cette mesure a empêché une gestion naturelle et progressive du deuil, un processus qui nécessite un temps indispensable pour accepter, comprendre et intégrer la réalité de la perte. Être contraint à une telle précipitation entrave ces étapes essentielles, empêchant les proches de vivre leur deuil de manière saine. Cela engendre des sentiments de confusion, de colère, de frustration, voire de culpabilité, exacerbant ainsi la souffrance psychologique. Le Conseil d’État, dans une décision du 22 décembre 2020, a reconnu que la mise en bière immédiate imposée par Édouard Philippe était disproportionnée et l’a annulée. Cette décision, obtenue grâce à l’action de mon avocat, Maître Guyon, souligne l’impact négatif de mesures hâtives sur les individus et sur la dignité des défunts. Sur le plan psychologique, de tels actes peuvent créer ce qu’on appelle un « deuil inachevé » ou « deuil bloqué », pouvant se traduire par des troubles émotionnels à long terme, notamment des troubles anxieux, dépressifs, ainsi que des difficultés dans la gestion de la mémoire du défunt. Pour le défunt cet acte est violent et inhumain.
D’autres personnes, tournées vers l’avenir, aspirent à une justice véritable : une reconnaissance explicite des erreurs commises et la mise en place de mesures concrètes pour prévenir de telles tragédies à l’avenir. Cependant, chez certains, un sentiment de résignation s’est peu à peu installé. Ils dénoncent un traitement perçu comme inhumain, se disant ignorés et abandonnés, ce qui alimente un ressenti particulièrement violent.
Enfin, au-delà des réponses attendues, nombreux sont ceux qui réclament une réforme structurelle majeure. Leur demande dépasse largement le cadre d’une simple justice réparatrice : ils souhaitent que l’État démontre sa capacité à gérer une crise de cette ampleur tout en respectant la dignité et les besoins fondamentaux de la population. Ces attentes s’articulent autour de trois piliers essentiels : dignité, protection et justice.
« La décision, prise de manière précipitée, d’imposer une mise en bière immédiate a eu des conséquences psychologiques profondes pour les proches des défunts. Cette mesure a empêché une gestion naturelle et progressive du deuil, un processus qui nécessite un temps indispensable pour accepter, comprendre et intégrer la réalité de la perte »
Vous avez exprimé votre indignation face à l’utilisation du Rivotril pour les patients en fin de vie. Voyez-vous cette pratique comme une forme d’abandon médical ou comme un choix imposé par les circonstances ? Que faudrait-il changer pour éviter cela à l’avenir ?
Mon indignation face à l’utilisation du Rivotril dans les EHPAD, notamment sur la base de simples suspicions de COVID-19, repose sur des considérations éthiques et humaines profondes. D’un côté, il est compréhensible que, dans des situations de souffrance extrême, lorsque les traitements conventionnels ne parviennent plus à soulager, et que la fin de vie paraît inéluctable, des solutions soient explorées pour alléger cette souffrance. Cependant, dans le cas précis de l’utilisation du Rivotril, une question essentielle se pose.
Pourquoi cette décision a-t-elle été prise dans un contexte où les tests pour confirmer la présence du virus étaient insuffisants, alors que des moyens de test étaient disponibles et que certains hauts responsables semblaient avoir accès à des tests rapides et fiables, comme le laissaient entendre les informations diffusées sur les réseaux sociaux tels que X ? Pourquoi, dans un tel contexte, a-t-on opté pour une solution qui, pour beaucoup, pourrait être perçue comme une forme d’abandon médical, plutôt que de rechercher des alternatives respectueuses de la dignité des patients et pleinement adaptées à leur condition ?
En l’absence de solutions claires naturellement, il devient impératif de revoir en profondeur notre approche des crises sanitaires. La communication avec la population doit être adulte, transparente, et ne pas reposer sur des stratégies de peur. Les citoyens doivent être traités comme des adultes capables de comprendre les enjeux, et non comme des êtres infantilisés. Il est également crucial de garantir que les décisions prises soient le fruit d’une collaboration réelle et transparente entre le gouvernement et les soignants, ceux qui sont au cœur de l’action et qui, plus que quiconque, sont en contact direct avec la réalité des terrains.
A l’avenir, il est fondamental de placer toujours la dignité humaine et la transparence au cœur des décisions. Cela nécessite une réflexion collective et éthique, loin des approches technocratiques déconnectées de la réalité vécue par les individus. C’est un défi majeur qui appelle une réponse collective, où l’éthique, le respect et la concertation doivent primer.
« Les citoyens doivent être traités comme des adultes capables de comprendre les enjeux, et non comme des êtres infantilisés »
Malgré la décision de la Cours de la Justice de la République, vous semblez déterminée à poursuivre votre quête de justice. Quelles actions envisagez-vous désormais pour faire entendre votre voix? Envisagez-vous de vous tourner vers des instances internationales ou de former des collectifs plus larges pour amplifier votre combat ?
Je tiens à remercier sincèrement tous les journalistes qui ont pris le temps d’écouter, d’informer et de soutenir les voix qui se battent pour la vérité et la justice. Leur présence, leur bienveillance et leur professionnalisme ont été d’une importance capitale dans cette quête et a également permis de faire entendre nos voix. Grâce à eux, nous avons pu partager des histoires souvent ignorées, soulever des questions fondamentales et, plus important encore, donner une voix à ceux qui n’en avaient pas. Ce soutien est une réalité qui mérite d’être soulignée, et je suis profondément reconnaissante envers tous ceux qui ont contribué à faire entendre cette cause.
La décision de la CJR n’est qu’une étape. Bien que cela semble se diriger vers un non-lieu, je tiens à préciser que le service d’instruction m’a toujours tenue informée. La CJR a respecté le principe du droit à l’information, et à chaque fois que j’ai demandé des nouvelles, j’ai reçu une réponse claire et bien structurée.
Parallèlement, la procédure menée par le Tribunal judiciaire de Paris par l’avocat maitre Di Vizio, sous l’angle du droit commun est toujours en cours. Elle pourrait aboutir à des conclusions différentes. Nous devrions avoir des nouvelles au premier semestre 2025. Je vous informerai des évolutions, mais je n’exclus pas de porter ce dossier devant d’autres instances si nécessaire, notamment pour mettre en lumière les dysfonctionnements structurels révélés par cette crise. Ce combat dépasse mon histoire personnelle ; il s’agit de justice, de transparence, de dignité et d’amélioration des pratiques pour les générations futures.