Radiguet ou l’insolence du talent

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Le 12 décembre 1923 s’éteignait un chérubin des Lettres. Les fées en étaient-elles jalouses, au point de condamner si tôt à l’éternité «celui qui paie son génie d’une vie si brève » (Maurice Sachs) ? Il avait vingt ans et s’appelait Raymond Radiguet.
Les auteurs de cette biographie enlevée entendent épouser les arabesques d’un itinéraire turbulent, scandé par une précocité incandescente. Raymond engrange tôt et bien un savoir extrascolaire allant de polissonneries innocentes en incursions dans la bibliothèque paternelle. En 1917, il découvre la vie de bohème à Montparnasse et l’amour. A quinze ans il est un poète. Il tâte ensuite du journalisme, une manière de fourbir sa plume et de prendre pied dans un monde intellectuel d’abord déconcerté et partagé par sa fraîcheur. Radiguet étoffe son registre avec des bottes de sept lieues. Surtout il multiplie les rencontres heureuses. Tout à son effervescence créatrice, il apprendra vite à conjuguer villégiatures laborieuses et relations mondaines, passant avec naturel de l’inconfort d’un hôtel corse sans chauffage au faste d’un dîner donné par le prince Firouz Mirza.

On a déployé un acharnement coupable à salir la proximité déterminante de Cocteau et de Raymond. Le radis gay est une vilenie. « Lui, aimait les femmes et n’aimait qu’elles » a écrit Georges Auric, un proche, ajoutant « ce qui s’est exactement passé entre Cocteau et lui : cela ne saurait nous regarder ». Mieux encore, leur proximité aura notamment accouché du Diable au corps, l’un des grands romans du XXe siècle, qui allait immédiatement ébahir, éblouir, écoeurer, selon l’intelligence du lecteur. Le manuscrit du premier état du Diable s’est vendu tout récemment pour 382.800 euros.
On suivra avec amusement le chassé-croisé entre l’écrivain et son éditeur Bernard Grasset. L’un et l’autre étaient requis par une urgence prémonitoire. Si le second avait des états d’âme sonnants et trébuchants, le premier s’apprêtait, à force de maîtriser le festina lente, à tutoyer la postérité avec un art dilatoire que François Weyergans reprendrait joliment à son compte.
Pour l’essentiel, les romans et les poèmes, on lira l’ouvrage que Julien Cendres et Chloé Radiguet, nièce de Raymond, remettent brillamment sur le métier. Bien entendu, une (re)découverte des œuvres s’impose.
Ce volume élégamment charpenté propose encore une chronologie de la vie et de l’œuvre de Radiguet, un copieux « Raymond Radiguet vu par… », d’autres évocations et des annexes.

« Raymond Radiguet – Un jeune homme sérieux dans les années folles », Chloé Radiguet, Julien Cendres. Editions Robert Laffont, 24 €

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