Bernard Anton, un poète Canadien
Un an avant la parution de son recueil Célébrades, dédié à Brigitte Bardot, Bernard Anton a révélé son projet de journal poétique. Dans la même veine, l’auteur expose sa version du monde, dans une situation bien spécifique qu’est la pandémie de 2020, provoquée par le virus de la Covid-19. Dans le livre intitulé Montagnes de cendres, haïkus et tankas, Ben livre ses impressions, indignations au sujet de cette nouvelle organisation de la société. Ces deux livres sont disponibles aux Editions de L’Harmattan et plus particulièrement dans le domaine Les impliqués Éditeurs. L’artiste est déjà reconnu pour sa maîtrise du haïku, le célèbre poème japonais, bref et percutant. Fondateur du Prix Mur, qui récompense les meilleurs haïkus, Anton choisit ce moyen d’expression pour véhiculer des messages forts et insuffler son idéologie le plus clairement possible.
Dans le cas des Montagnes de cendres, l’artiste aborde la crise sanitaire en utilisant le haïku, mais aussi le tanka (un poème court qui ne rime pas) et enfin le slam. Avant de se lancer dans la présentation de ces travaux, l’auteur prend le temps de s’adresser à son lecteur, établissant un contact direct avec lui. La communication, l’échange avec l’autre est au centre des préoccupations de l’écrivain, bouleversé par la refonte des codes sociaux en plein confinement et déconfinement. Face au bilan dramatique des pertes humaines, la catastrophe semble profiter au règne animal, subitement épargné puisque l’horloge du monde ralentit, à cause du virus qui s’immisce partout.
En suivant les traces d’un Jean de la Fontaine qui utilise la créature sauvage pour dénoncer les travers de la cour du Roi, Ben fait véhiculer un message simple : la Terre se porte mal. Comme d’autres contemporains à la manière de l’auteur Manuel Diaz, sa pensée pourrait être résumée par « Le virus, c’est nous. »
Le recueil est évolutif : tout d’abord, l’écrivain retranscrit l’agitation et les bouleversements rapides qui inquiètent le monde. Dans l’heure des justes, le poète oppose la situation déplorable des cadavres s’entassant : « pas assez de cimetières ni vivants/pour enterrer les morts » face au rayonnement de la sphère animale, qui souffle un peu : « heure des victimes/plus vivantes/que soleil printanier. »
Ce passage date de mars 2020, que l’on pourrait qualifier de « sérieux débuts » de la pandémie, où le monde découvrait avec effroi le contexte dans lequel il s’engouffrait, inexorablement. Dans ces « Coronades » chaotiques, l’écrivain déplore le déchirement des familles et les décès qui se suivent : « il revoit ses enfants/sur facetime avant d’expirer/lune saigne étranglée ». En personnifiant le virus, à la manière d’un monstre qui vengerait l’âme des animaux, Anton délivre un message écologique. Car si l’humain s’épuise, la nature maintient le cap. Ce passage pourrait tout à fait résumer la pensée de l’auteur : « l’étourneau ignore/ravages de la covid/pas d’apocalypse pour lui. »
La partie Du désert à la lumière, Anton semble se remettre du choc causé par les conséquences de la pandémie sur le moral. Après la sidération, il reprend du poil de la bête, avec des rêves qui refont surface : « me gaver de lumière — bouclier scalaire/mon exutoire. » Désireux de vivre de nouveau, le monde doit s’organiser différemment, pour survivre à ce cataclysme. La vie étant un cycle semblable aux saisons, la thématique du renouveau sera tout aussi primordiale dans Célébrades, un autre recueil du même auteur, qui fait immédiatement écho à celui-ci. Dans ses Naturades, Anton décrivait la renaissance d’un printemps avec admiration : « premières tulipes/insolentes de rougeur/près du gazon vert ».
Tout en rapprochant les animaux comme les « corbeaux solitaires » ou les « lions libres d’Afrique », Anton fait une analyse anthropomorphique de ces humains qui cherchent à assouvir des pulsions, souvent artificielles, comme ces ruées vers des commerces. Finalement, le lecteur se demande s’il n’est pas lui aussi un animal parmi tant d’autres ? Si cette apocalypse est une leçon, cela devrait l’encourager à faire preuve de plus d’empathie envers ses semblables.
Le Parade macabre est le slam qui compose la postface du recueil. Moins imagé que le reste du livre, Anton pointe du doigt les gouvernements et les technologies, comme étant directement responsables de la propagation du virus. Sous couvert d’une paranoïa, le poète se sent pris pour cible, utilisé par un système intelligent et déshumanisé, gardé par des automates. Ce cri du cœur aux accents révolutionnaires ne laissera personne indifférent : détracteurs de la théorie du complot et les sympathisants.
Le recueil Montagnes de Cendres est un ouvrage relativement court, accessible, destiné à un public averti. Comme une fenêtre ouverte vers une société souffrante, il appelle à plus de modération quant aux technologies et au respect de cette planète sur laquelle nous vivons tous.
Bernard Anton, Célébrades – Les impliqués Editeur