Patrice Cahart: « Quand on dit que l’éolien est bon pour la planète, c’est une sinistre plaisanterie »

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Patrice Cahart publie un livre très discordant par rapport au discours écolo concernant l’éolien. Ecrivain et haut fonctionnaire, l’auteur démonte un à un les arguments qui cherchent à expliquer que l’énergie éolienne serait plus écologique. Gaspillage et consommation d’énergie, rôle du nucléaire, idées reçues sur les vertus de l’éolien, les coulisses souvent opaques d’un business en plein développement, et rôle de l’Etat, Patrice Cahart livre une analyse à contre courant de « l’idéologie éolienne » professée par de nombreux écolos.

propos recueillis par

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Vous expliquez dans votre livre que la contribution de l’électricité au gaz à effet de serre est infime. Dans quelle mesure ?

Mon livre traite essentiellement de la situation française. En 2019, dernière année non perturbée par la pandémie, les sources fossiles, émettrices de carbone, ne fournissaient que 7% de notre électricité. Depuis, le pourcentage a encore baissé, car les dernières centrales au fioul ont été fermées. Les dernières centrales à charbon sont condamnées. Restent les centrales à gaz, polluantes, mais nécessaires, dans le système actuel, pour compenser l’intermittence des éoliennes et des capteurs photovoltaïques.
Notre situation diffère radicalement de celle de pays comme la Chine, où le charbon produit encore la majeure partie de l’électricité, ou même l’Allemagne, où les sources fossiles assurent encore la moitié de la production.

Comment expliquez-vous la position actuelle d’Emmanuel Macron sur le nucléaire ?
Emmanuel Macron s’est rendu compte que la France allait manquer d’électricité, compte tenu de l’impulsion donnée à la voiture électrique, et de la préférence accordée à l’électricité pour le chauffage des bâtiments neufs. Il a compris qu’on ne pouvait faire face qu’en recourant à une source abondante, le nucléaire.
Mais il estime que l’éolien et le photovoltaïque doivent être promues en même temps. Il conserve donc l’objectif « 50 % de nucléaire, 50 % de renouvelables » fixé sous la présidence de François Hollande, quitte à le décaler dans le temps. Et là, je me sépare de lui pour deux raisons.
La première est que le l’éolien et le photovoltaïque, contrairement au nucléaire, émettent du carbone, du fait de leur mariage forcé avec le gaz. Dans notre pays, une éolienne ne fonctionne qu’à 25 % de sa puissance, en moyenne. Un capteur photovoltaïque ne fonctionne qu’à 12 % de sa puissance. Comme les usagers ont besoin d’être alimentés de façon régulière en électricité, force est de se tourner pour le complément, vers les centrales à gaz, polluantes. De plus, l’importation du gaz nous place, de manière croissante, dans la dépendance de la Russie.
La deuxième raison de ma divergence est la nécessité de conserver le plus longtemps possible les réacteurs nucléaires déjà en place. C’est en effet, et de très loin, la source d’électricité la moins chère, car tous les équipements sont déjà payés depuis longtemps. Aux États-Unis, six réacteurs, d’une conception similaire à celle des nôtres, ont été autorisés à fonctionner jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans. Le même traitement a été demandé pour d’autres. Pourquoi pas en France ?
Le Cérémé, cercle de réflexion auquel je participe, et dont les travaux sont accessibles sur la Toile, a établi un schéma montrant que la consommation française d’électricité prévisible pour 2050 peut être satisfaite en recourant principalement au nucléaire, et sans installations éoliennes ou photovoltaïques supplémentaires, hormis celles qui ont déjà été autorisées. Suivant ce schéma, les réacteurs actuels fonctionneraient jusqu’à leur quatre-vingtième anniversaire, comme aux États-Unis, ou au moins jusqu’au soixante-dixième.

 

Que pensez-vous de la volonté d’Emmanuel Macron d’investir un milliard d’euros d’ici à 2030 dans des start-up œuvrant dans le nucléaire ?
C’est sans doute une bonne idée. Mais elle ne suffira pas pour rattraper le retard pris par la France pour la mise au point des réacteurs de la prochaine génération nucléaire, celle des « neutrons rapides » ou surgénérateurs. Il s’agit d’appareils qui créent plus de combustible qu’ils n’en consomment. Le problème des déchets se trouverait en grande partie résolu.
En ce domaine, la France était pionnière, avec le projet Super-Phénix. Il a été abandonné sous le gouvernement de Lionel Jospin. Plus tard, les recherches ont repris, avec le projet Astrid. Il a été abandonné lui aussi, sans aucun débat préalable, sous la présidence d’E. Macron.
Les recherches sur les « neutrons rapides » sont très avancées en Russie, en Chine, aux États-Unis. La France sera trop heureuse, le moment venu, d’acheter la technique à l’un de ces pays.

Vous remettez notamment en cause la composition des matériaux qui constituent les éoliennes. Pourquoi ?
Un mégawatt-heure éolien « consomme » 8 fois plus de béton, 20 fois plus d’aluminium et de cuivre, 26 fois plus d’acier qu’un mégawatt-heure nucléaire.
Cet écart s’explique par l’intermittence de l’éolien, qui ne fonctionne en France, comme je l’ai dit, qu’à 25 % de sa puissance, tandis que les centrales nucléaires sont conçues pour fonctionner en permanence, mises à part les périodes de contrôle et d’entretien. Il s’explique aussi par le fait qu’une éolienne ne vit qu’une vingtaine d’années, tandis qu’un réacteur peut fonctionner trois ou quatre fois plus longtemps.
Par conséquent, quand on dit que l’éolien est bon pour la planète, c’est une sinistre plaisanterie.

En vous lisant, on a le sentiment qu’il y a plus d’idéologie pour la filière éolienne qu’une volonté écologique…
Le soutien politique actuellement accordé à l’éolien ne s’explique que par l’idéologie. Si on se limitait à l’écologie, on cesserait toute aide à cette forme d’énergie, en raison de son mariage forcé avec le gaz, et de la quantité désastreuse de métaux et de béton que requiert l’implantation d’éoliennes.

Comment expliquez-vous les largesses administratives, notamment préfectorales, sur l’installation des éoliennes ?
Les préfets ne sont pas nécessairement pro-éoliens, mais ils se préoccupent de leur avancement. Je me souviens d’un entretien avec l’un d’eux, au sujet d’un projet que je combattais. « Si je refuse l’autorisation, me disait-il, je risque des réprimandes de mon préfet de région, voire de Paris ». Je lui ai répondu : « J’aurai alors le regret d’attaquer votre décision en justice ». Il m’a répliqué : « Vous voulez aller devant les tribunaux ? Allez-y. Ce n’est pas moi qui vous retiendrai. La justice est faite pour réparer les erreurs ».
En l’occurrence, l’affaire est toujours pendante devant les tribunaux, et l’erreur du préfet n’est donc pas encore réparée.

 

« Les préfets ne sont pas nécessairement pro-éoliens, mais ils se préoccupent de leur avancement »

 

Pourquoi une telle complaisance pour de telles installations et ce déni pour les populations voisines ?
J’ai déjà mentionné l’idéologie. Elle est habilement exploitée par une profession éolienne très riche et bien introduite dans les ministères. L’Allemagne étant saturée d’éoliennes terrestres, les promoteurs ne peuvent plus y implanter grand-chose, en dehors de l’espace maritime. Ils se rabattent donc sur la France.
Une population urbaine majoritaire mais désinformée impose les éoliennes aux habitants des campagnes. C’est une forme de tyrannie.

Vous égratignez dans votre ouvrage le Conseil d’État sur quelques décisions dans ce domaine. Pourquoi ?
J’ai le plus grand respect pour le Conseil d’État. Je lui sais notamment gré d’avoir, dans l’affaire des aigles royaux du Haut-Languedoc, donné raison trois fois de suite à ces aigles, ou plutôt à leurs défenseurs. Hélas, suivant notre beau système français, quand on a gagné devant le Conseil d’État, il faut ensuite s’adresser à d’autres tribunaux, ceux de l’ordre judiciaire, pour obtenir un ordre de démolir les éoliennes. Les défenseurs des aigles s’y emploient actuellement.
En revanche, J’ai été très déçu par la décision du Conseil d’État dans l’affaire d’Échauffour (Orne). Un promoteur éolien avait obtenu un permis de construire, pour des éoliennes d’un type bien défini. Il a ensuite prétendu que ce modèle n’était plus disponible, et qu’il devait donc mettre en place des engins plus puissants. Le préfet a rectifié le permis en conséquence. Or c’était un mensonge ; le modèle initial était toujours disponible. Les adversaires du projet ont rappelé devant la cour d’appel administrative puis devant le Conseil d’État l’adage bien connu des juristes, fraus omnia corrumpit, la fraude corrompt tout. Le promoteur ayant menti, l’arrêté préfectoral devait à mon avis tomber de lui-même. Or les recours des opposants ont été rejetés.
Résultat : les machines trop puissantes font un bruit infernal à Échauffour. Après deux ans de plaintes, elles ont été arrêtées, mais seulement la nuit, ce qui laisse subsister le tapage diurne. Un nouvel expert se penche sur ce cas. Souhaitons-lui la lucidité nécessaire.

Vous êtes également très dur avec la vertu supposée des voitures électriques et du gaz naturel. Pourquoi en quelques mots ?
Les voitures électriques n’ont guère d’intérêt dans les pays où l’électricité est en grande partie d’origine fossile, comme la Chine et même l’Allemagne. En France, elles ont l’avantage de limiter le recours aux carburants. Mais cet avantage est en grande partie compensé par le coût élevé de la fabrication de ces voitures, et par un besoin de lithium et de cobalt pour les batteries. La production de celles-ci est d’ailleurs presque monopolisée par la Chine et la Corée du Sud. Des usines de production de batteries vont être implantées en France et en Allemagne. Résisteront-elles à la concurrence asiatique ?
Si je me suis, en fin de compte, rallié à la voiture électrique, c’est parce qu’elle supprimerait une grande partie du bruit urbain. Mais les principaux fauteurs, en ce domaine, sont les deux-roues. Il faudrait parler un peu moins des voitures électriques, et un peu plus des scooters électriques.
Quant au gaz naturel, il pollue moitié moins que le charbon, mais il pollue quand même. Si l’éolien et le photovoltaïque continuent leur expansion en France, il aura un bel avenir, car il compense leur intermittence. Les gouvernements successifs ont affirmé leur volonté de ne pas promouvoir le gaz. Or une centrale à gaz est en construction à Landivisiau (Finistère).

 

Vous évoquez une atteinte à l’environnement en ce qui concerne les éoliennes. Dans quelle mesure ?
L’atteinte est triple. Atteinte aux paysages, d’abord, d’autant plus marquée que les éoliennes croissent en hauteur (des projets de 240 mètres de haut ont surgi dans l’Yonne et dans la Vienne). Atteinte à la biodiversité, car les oiseaux et les chauves-souris sont victime des pales. Atteinte au climat, comme je l’ai dit, du fait du mariage forcé avec le gaz.

Vous dénoncez également les intérêts financiers qui sont proposés par les sociétés dans l’éolien aux « voisins des engins ». D’ailleurs est-ce légal ?
Les promoteurs achètent les communes, achètent les propriétaires et les exploitants des terres, achètent parfois quelques voisins. Une seule personne peut, en acceptant une petite rétribution et en permettant ainsi une implantation, porter tort à tout le voisinage. Et tout cela est légal. On a monté un système totalement pervers.

 

« Les promoteurs achètent les communes, achètent les propriétaires et les exploitants des terres, achètent parfois quelques voisins »

 

Peut-on avoir espoir dans l’éolien flottant, peut-être plus écolo ?
J’aimerais que l’éolien flottant réussisse, car il se situe loin des terres. Mais les spécialistes sont dubitatifs. Nous n’avons pour le moment aucun retour d’un exemple commercial d’éolien flottant.

 

« À l’Assemblée, des députés de la majorité présidentielle voulaient améliorer cette mesure, en transférant le droit de refus à la majorité des communes situées dans un rayon de 6 km. Il importe, en effet, que les habitants des campagnes puissent décider de leur destin. Tout cela a été balayé sur consigne de Barbara Pompili »

 

Comment jugez-vous la position de Barbara Pompili sur l’éolien à cette heure ?
Barbara Pompili devrait combattre l’éolien, puisqu’il va nuire au climat, du fait de son mariage avec le gaz. Elle fait tout le contraire. En voici deux exemples, tirés de la discussion du projet de loi dit 3 D en novembre 2021.
Les sénateurs avaient prévu d’accorder un droit de refus à la commune d’l’implantation. À l’Assemblée, des députés de la majorité présidentielle voulaient améliorer cette mesure, en transférant le droit de refus à la majorité des communes situées dans un rayon de 6 km. Il importe, en effet, que les habitants des campagnes puissent décider de leur destin. Tout cela a été balayé sur consigne de Barbara Pompili.
La question de la distance minimale de 500 mètres entre les éoliennes et les habitations s’est également posée. Il est très pénible, en effet, de vivre à proximité de tels engins. Le minimum de 500 mètres ayant été fixé en 2010, et la taille des éoliennes ayant depuis lors doublé, il apparaissait nécessaire d’augmenter cette distance. Le gouvernement ayant à plusieurs reprises refusé un relèvement général, une solution de secours consistait à accorder cette faculté aux régions, comme l’a proposé le Sénat, ou aux départements, comme le souhaitaient des députés de la majorité présidentielle. Là encore, tout a été balayé sur instruction de Barbara Pompili.

 

La peste éolienne de Patrice Cahart – Collection Alerte ! Editions Hugo Doc (9,95 € – 160 pages)

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