A l’aide d’un généalogiste allemand, elle dénoue le fil rompu entre les générations et découvre sur le site internet de Yad Vashem qu’une partie de sa famille a été déportée. Un récit sensible et touchant sur la mémoire et le poids des secrets.
Comment réagissez-vous à la fermeture des librairies ?
Ne plus donner accès aux librairies est dramatique. La nourriture intellectuelle est un produit de première nécessité. Une librairie, un lieu privilégié, source d’équilibre pour beaucoup de lecteurs. Comme une bibliothèque, elle représente un élément de vie indispensable pour la santé.
Que pensez-vous de la gestion du Covid par le gouvernement ?
On a l’impression que les autorités sanitaires et politiques ont eu du mal à anticiper depuis février dernier. Sans expérience, comment faire ? D’autres auraient-il vraiment fait mieux ? En revanche, les réactions du personnel médical et para médical sont admirables et nous constatons tous des efforts inouïs de leur part. Ils luttent sans relâche et ont su organiser une mobilisation indispensable.
L’envie d’écrire ce roman vous est-elle venue il y a longtemps ?
Ce roman est le fruit d’une longue maturation qui trouve sa source au début de ma carrière d’avocat. De nombreuses personnes ont inspiré les personnages principaux et secondaires qui se sont forgés peu à peu, et progressivement le récit a pris forme. Tout s’est précisé ces dernières années, depuis que j’accompagne des entreprises à structurer leur identité et leurs messages clés, ce qu’on appelle le storytelling. J’ai alors adapté l’histoire à l’Histoire.
Qu’est-ce qui a déclenché en vous le désir de connaître la vérité sur ce secret de famille ?
Ce roman est inspiré de faits réels, tirés de vies de femmes de différentes époques. J’ai remarqué que nombreuses sont les femmes qui veulent mieux connaître l’histoire de leur famille et en particulier l’histoire de leur lignée féminine. Ce sont elles qui ont stimulé ma curiosité quant à ma propre lignée. Les secrets sont le propre de nombreuses familles et on constate qu’ils reviennent toujours, d’une manière ou d’une autre.
Que diriez-vous de cette transmission entre femmes, d’une génération à l’autre ?
C’est un roman sur la mémoire, sur les empreintes de ce qui a vécu et qui a été transmis. Je m’interroge depuis longtemps sur la transmission entre femmes d’une même lignée. Une transmission spécifique existe-t-elle ? C’est une question ouverte. La transmission mémorielle est un axe de recherche privilégié de nombreux scientifiques qui expliquent qu’une blessure psychologique peut passer d’une génération à l’autre. On sait aujourd’hui que les drames vécus par les ascendants influencent le comportement de leurs descendants. C’est un aspect assez mystérieux de l’héritage. Des témoignages étonnants ponctuent les avancées menées en neurologie et en épigénétique.
Comment l’héroïne découvre-t-elle qu’une partie de sa famille a été déportée ? Racontez-nous l’enquête.
L’héroïne sait peu de choses sur son arrière-grand-mère morte dans des circonstances à la fois mystérieuses et non dites. Elle décide de mener une enquête avec un généalogiste allemand. Une relation de confiance se tisse entre eux et ce dernier lui fournit, après plusieurs mois de travail, des éléments de réponses bouleversants et des documents historiques sur la famille de cette arrière-grand-mère. A partir de ce moment-là, elle complète elle-même ses recherches avec le site internet de Yad Vashem qui lui apporte des précisions extraordinaires et inattendues. Dans le roman, les ascendants n’ont pas parlé de la déportation en Allemagne. Cela peut sembler étonnant mais le silence n’est-il pas la règle dans beaucoup de familles ? Je suis tentée de le penser. Nous ne révélons pas aux enfants les histoires de leurs ancêtres. Pourtant, il me semble que ce qu’on ignore est tout aussi important que ce que l’on sait.
Que ressent l’héroïne après la découverte du secret de famille ?
« On ne sait jamais ce que nous réserve le passé ». Dans le roman, la recherche sur le passé permet à l’héroïne de rétablir l’histoire de son arrière-grand-mère et, à partir de ce moment-là, de toute sa lignée. Le présent devient désormais acceptable. Savoir permet d’accepter et pour vivre le présent, il faut dépasser son passé. Les blessures non écoutées et oubliées se transmettent de génération en génération à travers des comportements, des silences ou des dates.
Le silence des Matriochkas, d’Anne Bassi ( Béranger)
( Crédit Photo DR)