Le sommet de l’UE accouche dans la douleur un plan de relance

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Les pays « frugaux » ne font pas des concessions aux pays du sud de l’Europe, qui semblent les plonger dans un hiver économique. De plus ils ne cèdent pas aux pressions du couple franco-allemand. Finalement ce sommet européenne semble anticiper un pas de plus vers le fédéralisme.

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Après quatre jours de négociation âpres et de nombreux accrocs, le Conseil européen a approuvé un plan de relance de 750 milliards d’euros. Une partie de ce montant – 390 milliards d’euros – sera représenté par une dette commune émise par la Commission européenne. Les autres 360 milliards d’euros seront distribués sous la forme de prêts approuvés par les pays membres de la zone euro, en suivant la règle de la majorité qualifiée.

Mais derrière les proclamations des leaders européens, on ne peut ignorer les tensions qui ont agité le sommet. Dès le début, deux camps se sont opposés :  celui des pays dits « frugaux » avec les Pays-Bas, le Danemark, l’Autriche, la Suède et la Finlande et celui des nations appelées, avec un mépris certains, « le Club Med » composé de l‘Italie, l’Espagne, mais aussi de la France.

Avant de conclure l’accord, le weekend avait été très agité à Bruxelles. Le couple franco-allemand avait proposé un plan de relance qui prévoyait 500 milliards de subventions – dont 325 milliards directement alloués aux gouvernements pour financer leurs plans nationaux – et une possibilité de prêts de 250 milliards. Mais cette proposition n’a manifestement pas plu au clan des pays « frugaux » qui souhaitaient limiter les aides à 350 milliards.

Comme rapporté par plusieurs médias étrangers, le président de la République Emmanuel Macron « aurait tapé du poing sur la table ». Selon Le Figaro, le chef de l’Etat serait « sorti de ses gonds ». La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé, toujours lundi matin, qu’un « pas en avant » avait été fait dimanche dans la nuit. Elle a également admis que les «discussions étaient incroyablement difficiles et qu’elles continueraient aujourd’hui».

L’accord trouvé lundi dans la nuit impose que les prêts devront être remboursés par chaque Etat emprunteur. Mais l’octroi de ces prêts dépendra du jugement des pays membres. Chacun d’entre eux devra rédiger des plans de relance nationaux. Les gouvernements devront expliquer leurs projets de réformes et d’investissement pour la période 2021-2023. Puis, la Commission européenne évaluera ces plans mais leur validation sera effective avec l’accord d’une majorité de pays membres. Pour y parvenir, il faudra rassembler 55% de pays membres de l’UE et 65% de la population globale de l’Union européenne.

Compte tenu des tensions de ces derniers jours ainsi que l’insensibilité montrée, lors de la crise sanitaire, par les pays du nord de l’Europe, vis-à-vis de ceux du sud, il y a fort à parier qu’il ne sera pas simple d’obtenir une majorité. De plus, si un gouvernement est obligé de détailler ses plans de réforme et d’investissement, on risque de voir partir un nouveau pan de la souveraineté nationale sans une contrepartie démocratique. Imaginons que la France est contrainte de demander un prêt à ses partenaires UE, dans l’optique de ce « droit de regard », 15 pays représentant un peu plus de 260 millions de citoyens de l’Union, pourraient demander à Paris d’adopter, par exemple, une reforme des retraites plus rigide, pour obtenir un prêt.

La représentation démocratique des citoyens de chaque pays en sortirait très affaiblie. D’une part parce que les gouvernements actuels n’ont pas consulté  leurs concitoyens sur ce transfert de souveraineté, de l’autre parce la politique économique française, doit être décidée par les gouvernements élus par 15 autres peuples, le compte n’y est pas. Chaque pays pourrait néamoins saisir le président du Conseil s’il estimait être lésé. Mais le problème de la représentativité reste entier.

 

 


(photo à la une : le monument à l’euro par Mauro Sbicego / Unsplash)

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