
Marie-Ève Martel : « Au Québec, la disparition des médias amène une surveillance affaiblie des pouvoirs en place »
La crise des médias frappe durement le québec. Des fermetures de journaux ont eu lieu alors que d’autres continuent de résister aux difficultés économiques malgré tout. Marie-Ève Martel, journaliste à la Voix de l’Est a publié un ouvrage il y a quelques mois pour tenter de décrypter la situation de la presse régionale au Québec, qu’elle a intitulé « Extinction de voix». Son analyse est passionnante et permet de mieux appréhender les difficultés des médias locaux québécois tout autant que leur importance dans les territoires dans lesquels ils subsistent encore.
Pourquoi et comment êtes-vous devenue journaliste ?
Tout d’abord, l’écriture a toujours été une passion et un talent chez moi. Depuis l’enfance, j’ai toujours aimé raconter des histoires. Au tournant de l’âge adulte, j’ai, comme plusieurs jeunes idéalistes, ressenti le besoin de faire ma part pour changer positivement la face du monde, mais j’étais déjà consciente que seule, mes chances d’y parvenir étaient minces. J’ai donc choisi de marier mon talent et mes ambitions pour devenir journaliste : en informant ma communauté des enjeux qui la concernent, j’espérais susciter des prises de conscience qui mèneraient à des actions collectives avec un impact beaucoup plus important et durable. C’est ma façon de faire ma part.
Quel est le rapport intime que les Québécois ont entretenu pendant longtemps avec la presse locale ?
Les médias locaux et régionaux sont essentiellement le miroir des communautés dans lesquelles ils sont implantés : ils permettent aux membres de ces communautés de se reconnaître en les informant de ce qui s’y déroule, en traitant des enjeux qui les concernent et en rapportant les succès et insuccès des leurs, mais aussi les histoires extraordinaires de personnes tout à fait ordinaires, mais qui trouvent tout leur sens au sein de la société à laquelle ils appartiennent.
Plusieurs médias locaux existent depuis des décennies, voire plus d’un siècle dans certains cas. Pour la très grande majorité, les médias locaux sont offerts gratuitement, que ce soit une station de radio, une chaîne télévisuelle communautaire, ou un journal hebdomadaire distribué dans toutes les boîtes aux lettres dans ce qu’on appelle ici au Québec le Publi-Sac, un sac publicitaire contenant les circulaires des commerces locaux annonçant leurs spéciaux de la semaine et comportant des coupons rabais.
Comme les médias de plus grande ampleur sont tous situés à Québec ou à Montréal, la capitale et la métropole …