Qu’entendez-vous par « la performance est une pratique radicale » ?
C’est la définition même de la performance. C’est un acte subversif qui n’est pas fait au hasard et qui cherche à casser avec les conventions ou la norme préétablie. La performance a historiquement toujours eu pour but de mettre en scène une forme d’expérimentation, d’ouvrir de nouveaux champs de recherche et d’engagement, de transgresser la norme, de questionner la production artistique et d’engager le spectateur dans le processus.
« C’est la définition même de la performance. C’est un acte subversif qui n’est pas fait au hasard et qui cherche à casser avec les conventions ou la norme préétablie »
Pourquoi la performance est-elle une pratique jeune dans la Caraïbe ?
Elle est existante dans l’histoire de l’art européen et états-unien depuis les années 50. Elle arrive bien plus tard, à Cuba dans les années 80.
Comment le FIAP remédie à cette situation de façon artistique ?
Henri et moi, nous sentions que ça ferait du bien au paysage de l’art contemporain en Martinique, de proposer cette formule Festival tous les deux ans, qui perdure dans le temps et devienne un événement incontournable de la Caraïbe ; que ça créerait une hyper émulation dont on a besoin ici, sur un aussi petit territoire. Aussi créer par nous-mêmes, sans passe par les institutions, un network, un réseau informel d’artistes. Faire de la Martinique une nouvelle plateforme française caribéenne, au sein de la Caraïbe, de l’art de la performance. Inscrire la Martinique dans cette histoire de l’art de la performance. Tels étaient nos envies, nos besoins.
« Faire de la Martinique une nouvelle plateforme française caribéenne, au sein de la Caraïbe, de l’art de la performance. Inscrire la Martinique dans cette histoire de l’art de la performance »
A quoi doit-on s’attendre pour cette seconde édition ?
Sont investis des espaces qui, a priori, ne sont pas dédiés aux arts vivants. Donc on évite les théâtres, les « boites noires », les lieux de représentation conventionnels. On privilégie des espaces semi ouverts et urbains que tout le monde fréquente comme le grand marché couvert de FDF, le marché aux viandes; des petites galeries d’art ou ateliers d’artistes, comme la Coursive, l’Atelier 49; l’hôtel Impératrice où sont hébergés tous les festivaliers qu’on peut investir dans sa totalité ou pas (le rez de chaussée, le bar, la réception, la terrasse, les chambres, …), un hangar du Grand Port de Commerce.
On propose un laboratoire d’art performance pour essayer des performances en binôme en pleine nature et ce n’est pas ouvert au public.
On propose aussi (et c’est innovant) un atelier que le dimanche 10 novembre, qui invite sur toute la journée, en studio de danse, le tout public à partager une expérience de création à partir d’une pratique somatique, avec des activistes militants, les festivaliers et toute l’équipe du FIAP.
Comment s’opère l’alchimie entre le thème du Festival et le choix des artistes invité(e)s pour cette nouvelle édition ?
Pour cette seconde édition, il n’y a pas de thème à proprement parler. Le Festival se veut familial dans le sens où Henri et moi connaissons les artistes ; ce sont des amis, sinon des performeurs qu’on a vu performer en live, lors de nos voyages, résidences d’artistes ou lorsque nous étions nous-mêmes invités à des festivals en qualité de performeurs. On choisit ces artistes parce qu’on soutient leur propos artistique, qu’il soit postcolonial, queer ou environnemental, qu’on a envie de les promouvoir et de mettre en réseau avec la Caraïbe.
« On choisit ces artistes parce qu’on soutient leur propos artistique, qu’il soit postcolonial, queer ou environnemental, qu’on a envie de les promouvoir et de mettre en réseau avec la Caraïbe »
Qu’est-ce que vous appelez les laboratoires ? Quels forment prennent-ils ?
Ce sont des laboratoires qui ont lieu un dimanche tous les deux mois depuis bientôt 4 ans. Henri Tauliaut et moi-même réunissons des artistes, généralement de jeunes plasticiens, anciens étudiants du CCA, aussi des danseurs, chercheurs, qui souhaitent partager ensemble des essais performatifs et de land art en pleine nature à la Savane des Pétrifications. Il n’y a pas d’obligation de résultats, ni de spectateurs, donc pas de pression pour aboutir à une œuvre finie. L’ambiance entre nous est dans le non jugement, l’accompagnement et la bienveillance ; ce qui favorise grandement la création in situ.
Je vous invite à visiter les pages fb du laboperf : https://www.facebook.com/laboperf.landarts. et https://www.facebook.com/groups/156277398304066/
Je vous invite aussi à lire cet article de Tatiana Chaumont, ancienne étudiante de l’école d’art de Martinique (le Campus Caribéen des Arts) et performeuse qui a écrit en participant à l’un de nos laboperf972 : https://www.tatianachaumont.com/single-post/Laboperf-Landarts-14eme-edition-Martinique
Quels seront les moments forts de cette nouvelle édition ?
La soirée de lancement le 7 novembre sera un moment fort. Aussi le workshop du 10 novembre. Aussi la performance et rencontre avec le public de la performeuse amérindienne Lara Kramer au Musée d’Archéologie Précolombienne et de la préhistoire à FDF.
Comment le FIAP se positionne pour promouvoir l’art de la performance de la Caraïbe ?
On se réfère au bilan du FIAP17, la 1ère édition, qui est très positif. Beaucoup d’artistes d’ici ont bénéficié, ensuite, grâce à la venue de commissaires d’exposition, d’expositions (visibilité) à l’international. Les artistes eux-mêmes ou bien les galeries d’art qui gravitent autour du FIAP, savent que même s’ils ne font pas partie de la programmation « performance art », bénéficient d’une manière ou d’une autre de la présence de tous ces artistes internationaux, et critiques d’art, et commissaires d’exposition/programmateurs, de près ou de loin. Aussi de nouvelles collaborations artistiques internationales sont nées grâce au Festival. Enfin, le public était au RDV. Nous attendions 300 personnes, plus de 1500 personnes se sont déplacés.
Aussi l’art de la performance est encore méconnu en Martinique. Nous avons la période carnavalesque chaque année qui nous plongent dans une mise en scène de rue, avec des corps performatifs en puissance, selon les codes du carnaval et non ceux de la performance. Cela nous paraissait intéressant d’innover et de rendre accessible à tous.tes l’acte performatif tout en donnant aussi à l’art de la performance un caractère scientifique. C’est pourquoi nous nous sommes très vite entourés d’universitaires critiques d’art, qui pouvaient expliquer au public, lui donner une grille de lecture, échanger avec de vive voix, juste après les performances, s’il y avait des questions de la part du public. On a beaucoup oeuvré Henri et moi pour rendre cet art de la performance accessible, le démocratiser. On a aussi monté, pour les jeunes étudiants de l’école d’art et des artistes d’autres disciplines d’ici (plasticiens, danseurs, comédiens, amateurs d’art) un laboratoire d’art performance, un dimanche tous les deux mois, en pleine nature, à la Savane des Pétrifications, dans le sud de la Martinique, depuis 3 ans, afin de professionnaliser, créer une nouvelle génération de performeurs qui prendront le relai.
La mise en place de ce Festival ici en Martinique, et tous les deux ans, comme un rendez-vous avec notre public de Martinique, a modifié la donne car maintenant le public est plus averti. Le Festival est gratuit donc le public se déplace plus facilement pour assister aux performances.
« La mise en place de ce Festival ici en Martinique, et tous les deux ans, comme un rendez-vous avec notre public de Martinique, a modifié la donne car maintenant le public est plus averti »
Un atelier sera organisé autour des tabous de la société martiniquaise. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Ce workshop a lieu le dimanche 10 novembre et se tiendra toute la journée en studio de danse à Tropiques Atrium, dans le cadre de la 2ème édition du FIAP19 Martinique.
Cette année, nous voulons inclure des militants activistes que nous souhaitons mettre en trialogue, avec les artistes festivaliers invités perfomeurs qui traitent de ces questions dans leur performance et les critiques d’art universitaires. Sans activistes, ça nous parait vain de traiter d’un point de vue créatif et performatif, les sujets tabous de notre société martiniquaise.
Nous avons donc repéré trois sujets avec les associations correspondantes au combat : UFM / Culture Egalité, associations féministes / Kap Caraïbes, en lutte contre l’homophobie / Zéro Poison Zéro Chlordécone, en lutte sur les questions environnementales écologiques.
Le workshop va se dérouler ainsi :
9h : accueil de tous les participants au studio Anca Bertrand, 3ème étage de Tropiques Atrium
9h-9h30 : 1ère mise en parole, menée par Ghilaine Germany, Gelstalt Thérapeuthe
9h30-11h : pratique somatique animée par Malika Mazauric, praticienne certifiée feldenkraïs
11h-13h : 3 groupes de 12 participants mélangés pris en charge par 3 artistes chercheurs, pour créer autour de nos tabous de société
Les 3 artistes chercheurs sont : André Eric Letourneau (Canada), Henri Tauliaut (Martinique), Olivia Berthon (Martinique) + le traducteur artiste chercheur Marvin Fabien
13h-14h30 : pause déjeuner
14h30-16 : reprise des 4 groupes de 10 participants mélangés pris en charge par 4 artistes chercheurs, pour créer autour de nos tabous de société
16h-17h : fermeture du workshop par un cercle de paroles mené par Ghilaine Germany, Gelstalt Thérapeuthe
Le workshop est ouvert à tous.tes, gratuit, dans la limite des places disponibles et sous réservation.
Qu’espérez-vous de la rencontre en immersion d’artistes internationaux avec des artistes martiniquais ?
Des rencontres, des échanges, la création in situ de binômes de performeurs et de futures collaborations artistiques au-delà du FIAP Martinique
Fiap Martinique
du 5 au 12 novembre 2019
Infos, programme et réservation
https://m.facebook.com/FIAP17MARTINIQUE/?ref=bookmarks
https://www.instagram.com/fiap_martinique/
Le site officiel : www.artincidence.fr/
infoline : + 596 696 28 75 10
Se rendre en Martinique avec la compagnie Level au départ d’Orly
Jusqu’à 6 vols par semaine depuis Orly
Billets à partir de 99 euros
plus d’infos sur flylevel.com