Exclusif – Reportage : Kerem Shalom Crossing, un check point sous haute tension aux portes de Gaza
(Depuis Kerem Shalom Crossing – Israël ) Il est près de 9 h00 du matin en cette belle matinée alors que nous longeons la frontière égyptienne en territoire israélien pour rejoindre Kelem Shalom Crossing, un check point très exposé à la frontière au sud de la bande de Gaza au bout de la route 232.
Avant cela, nous avons roulé une trentaine de kilomètres au bord de la frontière avec Gaza du nord au sud, sans perdre de vue les consignes de sécurité dispensées en cas d’attaque de roquettes : sortir du bus très rapidement, se coucher au sol avec les mains sur la tête et attendre. Pourtant, autour de nous, les agriculteurs israéliens travaillent dans leurs champs et les ouvriers continuent d’oeuvrer sur la route au volant d’engins de chantier, dans des nuages de poussière. Rien ne laisse présager qu’à 600 mètres de là, depuis Gaza une attaque de roquettes est plus qu’envisageable.
Alors que nous approchons du Check Point, un épais mur de béton nous sépare de l’Egypte et nous accompagne jusqu’à notre destination. Au bout de la route, Kelem Shalom Crossing apparaît enfin ; une forteresse de béton avec de hauts murs, des caméras et des barbelés. Ici, pas de touristes ou de passages de civils, seulement des camions d’approvisionnement qui vont alimenter la bande de Gaza. Tout au long de la route avant d’arriver, nous croisons effectivement de très nombreux camions qui remontent à vide de Gaza ou descendent avec des cargaisons vers le Check Point pour se soumettre aux très nombreux contrôles de sécurité avant d’être autorisés à franchir la frontière avec Gaza.
Sur place, nous sommes accueillis par le Général Ami Shaked pour un long briefing sur la situation de ce Check Point tout autant stratégique que sensible car très exposé aux attaques du Hamas. Nous sommes reçus dans une salle qui fait office, très certainement de QG pour le Check Point aux allures de bunker.
Sur la table derrière nous, des vestiges de mortiers de roquettes et de projectiles tirés depuis la bande de Gaza qui commencent à quelques mètres de là.
L’ambiance est pesante car le risque d’attaques est permanent. « Maintenant que vous êtes là, vous devenez des cibles et mon boulot, c’est de vous protéger. Vous êtes arrivés vivant et mon job c’est que vous repartiez dans le même état », le ton est donné dès le début de la collation proposée. Devant un café et une assiette de tranches de pastèque, le très respecté Général Ami Shaked nous parle longuement de la genèse de cet endroit stratégique, du travail fait ici, et des dangers qui pèsent sur la base.
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« Ici 500 camions transitent par jour d’Israël pour alimenter la bande de Gaza et 120 viennent d’Egypte. En temps normal, 850 camions passaient par ici mais avec la suspension des salaires par l’autorité palestinienne, le flux a considérablement baissé. C’est un point de passage stratégique pour accéder au sud de la bande de Gaza. Mon travail, c’est d’assurer la sécurité des gens qui travaillent ici sur la plateforme et permettre le passage de matériel et des cargaisons alimentaires pour permettre la survie du peuple gazaouite ».
Un impressionnant système de sas sécurisés est organisé au sein du Check Point pour procéder à la vérification des cargaisons et de l’identité des chauffeurs. Chaque camion est minutieusement inspecté ainsi que l’ensemble des chargements par des chiens, par des individus et habilités à le faire et armés.
L’officier nous fait faire le tour de la plupart des SAS et improvise un test de caches d’arme devant nous. Au beau milieu d’une cargaison qui semble être du riz, il dépose son pistolet entre deux sacs. Le chien est immédiatement sollicité pour inspecter la livraison. Contrôle réussi. Le chien détecte promptement l’arme sous une chaleur écrasante.
Nous continuons à suivre notre hôte au milieu des hauts murs de béton et de camions arrêtés çà et là qui attendent d’être contrôlés. A chaque coin des SAS, des hommes sont munis d’armes lourdes. « Il y a six ans, le Hamas a attaqué le Check Point avec un camion chargé de TNT. Tout a été détruit dans l’explosion».
Grâce à un dispositif impressionnant de caméras, n’importe quel coin et recoin du Check Point est inspecté en temps réel. Personne ne peut s’y soustraire. Les moindres déplacement sont suivis. A l’entrée du Check Point, les camions en provenance de Gaza forment une colonne ininterrompue, enveloppée dans la poussière. Ils sont contrôlés en amont dans un scanner installé sur la route afin d’éviter une attaque suicide.
Entre deux SAS, des cartouches d’armes lourdes jonchent le sol qui laissent présager que des échanges de tirs ont eu lieu plus ou moins récemment dans cette zone.
Le Check Point est géré du côté Gaza par des Palestiniens, eux aussi lourdement armés et protégés par des gilets pare-balles. Nous pénétrons sur le territoire de la base de Gaza où les camions là aussi doivent se soumettre aux contrôles. De ce côté de l’entrée du Check Point, une mosquée est installée pour les chauffeurs puissent aller prier.
En repartant du Check-Point, nous laissons derrière nous la tension, la poussière alors que le Général Ami Shaked nous salue. La situation est explosive dans ce bout de désert et le manichéisme de cette situation inextricable y trouve difficilement sa place. Déjà, Kerem Shalom Crossing disparaît dans les nuages de poussière derrière nous et la situation reste très compliquée aux abords du désert du Sinaï.