Maitre Perrelli, est-il normal d’assister à un tel emballement médiatique autour de Xavier Dupont de Ligonnés, sur la base d’une fuite qui s’est avérée fausse?
Non. Mais malheureusement le problème de la diffusion par les médias d’informations confidentielles, concernant des procédures judiciaires, a toujours existé .
A quel niveau de la procédure judiciaire, ces fuites peuvent-elles exister?
Quelque soit la personne qui fait l’objet de l’enquête, celui-ci est le sujet sur lequel est basé l’enquête. Cette procédure comprend une phase de l’enquête préliminaire, dont les actes sont réservés au procureur de la République et au juge d’instruction en France. Par conséquent, la diffusion de toute information relative à la procédure pénale, représente une violation du principe de confidentialité. Le respect de ce principe est particulièrement important dans la phase de l’enquête préliminaire car, pour dire les choses simplement, les enquêteurs sont en train de définir le périmètre d’un crime éventuel et tentent de comprendre qui sont les personnes l’ayant éventuellement commis. Les enquêteurs recherchent des preuves et interrogent des témoins. Donc si des informations fuitent, on pourrait se faire une idée biaisée de la situation.
« Parfois, il est difficile de dire si une fuite est due au travail des journalistes, plutôt qu’à la divulgation d’informations confidentielles »
Mais les médias doivent faire leur travail en menant aussi des enquêtes journalistiques. ..
Bien sûr. La liberté de la presse est un autre principe qui doit être toujours respecté. Parfois, il est difficile de dire si une fuite est due au travail des journalistes, plutôt qu’à la divulgation d’informations confidentielles. Ce qui compte, c’est que dans l’arrestation du faux Xavier Dupont de Ligonnès le principe du secret des actes et les moyens de preuve, n’a pas été respecté.
À votre avis, est-il normal que les forces de police de différents pays diffusent des informations sur leurs opérations avec autant de légèreté ?
Les informations sur la personne qui fait l’objet d’une procédure judiciaire ne doivent pas être interprétées comme une divulgation d’informations confidentielles, car il s’agit d’une procédure connue, elle fait l’objet d’une enquête et elle est connue. Cependant, avant de pouvoir indiquer si l’identité d’une personne qui a été arrêtée, correspond à celle d’un sujet recherché, il est nécessaire d’effectuer plusieurs vérifications. Les forces de police doivent procéder au contrôle d’identité, à celui des empreintes digitales et, en cas de doute , à l’analyse de l’ADN, qui offre une certitude absolue.
Pensez-vous que c’est ce qu’il s’est passé lors de l’arrestation présumée de Xavier Dupont de Ligonnès ?
Sur la base des informations dont on dispose sur l’arrestation de l’individu soupçonné d’être Xavier Dupont de Ligonnès, je ne crois pas que toutes les vérifications de l’identité de la personne arrêtée en Écosse aient été effectuées complètement, avant de divulguer les informations.
« Nous nous trouvons sur la ligne de crête entre le droit à l’information et la violation de la confidentialité de l’enquête »
L’individu qui a été arrêté par erreur, pourrait-il porter plainte ? Si oui, contre qui et de quelle façon ?
Eh bien, tout dépend du moment de l’arrestation et du modus operandi des enquêteurs. En d’autre termes il faut comprendre quelles actions ont mené les enquêteurs lors de l’arrestation. Cela permettrait de comprendre s’ils se sont conformés à la législation en vigueur concernant la vérification de l’identité des personnes. Ce qui est certain c’est que si l’évaluation est erronée, le sujet peut engager une action en dommages-intérêts contre le Ministère de la Justice représenté par les organes d’enquête, ceux qui ont procédé à l’arrestation.
Pourrait-il se retourner aussi contre certains médias ?
Pour porter plainte contre des médias, il est d’abord nécessaire de prouver la violation de l’enquête préliminaire par ceux-ci. Il faut savoir comment on a pu avoir un accès abusif et illégal au dossier des enquêtes préliminaires. Il faut comprendre et prouver comment les médias ont eu accès aux informations. Là, nous nous trouvons sur la ligne de crête entre le droit à l’information et la violation de la confidentialité de l’enquête. De plus, dans ce cas précis, il faut également ajouter qu’il y a eu une fausse représentation de l’identité du suspect.
Maitre Ciro Perelli
(crédit photo à la une : Maitre Ciro Perrelli, spécialisé en droit pénal international – © Ciro Perrelli)