Yann Arthus-Bertrand : « Greta Thunberg est formidable parce qu’elle est très radicale »

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Putsch a rencontré Yann Arthus-Bertrand le célèbre photographe et réalisateur, engagé depuis des années pour la sauvegarde de l’environnement. Son admiration pour la jeune activiste suédoise ne fait pas de doute car, selon lui, nous sommes tous en train de nous tromper sur la gravité des changements climatiques.

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Vous êtes une référence lorsqu’on parle d’environnement. Que provoque en vous le fait que Greta Thunberg soit la cible de critiques virulentes ?

Hier je parlais avec le vice-président du GIEC, qui me disait que Greta Thunberg était finalement leur meilleur alliée. Personnellement, je suis fan. Il y a un côté un peu « illuminé » chez elle et un petit côté Jeanne d’Arc. Greta Thunberg est formidable parce qu’elle très radicale. Elle nous dit de faire ce que nous devrions tous faire. Donc, forcément, elle dérange car elle est une icône. Et comme toutes les icônes du monde, on les brûle. Le fait que tous les vieux cons commencent à râler contre elle, signifie qu’ils n’ont rien compris. D’abord parce qu’elle a 16 ans et c’est difficile de lutter contre la parole d’un enfant de son âge, qui dit la vérité. Je reviens au vice-président du GIEC, il m’a dit aussi qu’il était surpris par le fait qu’elle est très érudite. Elle sait de quoi elle parle. En fin des comptes, elle nous manipule tous, en disant la vérité.

 

« Il y a un côté un peu « illuminé » chez Greta Thunberg et un petit côté Jeanne d’Arc »

 

Ne craignez-vous pas qu’elle soit manipulée ?

Je ne sais pas si on se rend compte de ce qui se passe aujourd’hui, si on a les yeux ouverts. On parle de six degrés de plus d’ici à la fin du siècle. C’est la mort de l’humanité. On ne va pas tergiverser. On croit plus à la fin du monde qu’à la fin du capitalisme. Quand on lit l’appel de quinze mille scientifiques à travers le monde, c’est glaçant mais, en fin de compte, je crois qu’il y a une espèce de déni collectif. Notre civilisation est tellement ancrée, assise sur la croissance qu’il est impossible de discuter. Des pays comme l’Arabie-Saoudite, ont demandé, lors de la Cop 21, que dans le texte de l’accord il n’apparaisse pas le mot « pétrole », le mot « charbon », sinon ils ne signeraient pas l’accord. D’ailleurs, dans le dernier rapport du GIEC, cela été très compliqué pour les Saoudiens de signer l’accord. C’est drôle comme ces pays qui vivent sur le pétrole, un peu comme les polonais sur le charbon, ne veulent pas reconnaitre ce qui est en train de se passer. D’ailleurs on peut vendre du pétrole, car on dépend tous du pétrole… pour manger ou pour se déplacer. Nous sommes complétement incohérents dans cette histoire.

 

« Nous vivons dans la banalité du mal. Le mal est autour de nous en permanence »

 

En même temps d’autres pays du Golfe Persique ont investi aussi dans des énergies renouvelables…

Mais c’est bidon… J’ai visité la fameuse ville écologique près de près de Dubaï. Je n’y crois pas du tout. C’est dommage de le dire. J’aurais préféré de dire que c’est génial. Mais on a l’impression qu’on s’est dit : « On doit faire quelque chose et donc on va faire quelques panneaux solaires. C’est un peu comme à Paris, où il n’y a pas un panneau solaire. Il y a les voitures diesel et après on parle de vélos. Bien sûr, il en faudrait beaucoup plus de bicyclettes, mais on est compétemment incohérents. On manque énormément de courage.

Revenons à Paris…

J’adore Anne Hidalgo, mais je pense que c’est compliqué et difficile d’agir. J’entends mes amis qui contestent la fermeture des voies sur berge. Mais elle a eu raison. Bien sur qu’il fallait le faire, c’est dans le sens de l’histoire. Maintenant, c’est vrai que ça été mal fait, mal indiqué, mal compris. C’est quelque chose, qui à mon avis, n’a pas été fait avec assez d’intelligence et trop brutalement. Vous savez en France, la bagnole, ça rend con… L’autre jour je passais à la radio et je râlais sur le passage à 80 km/heure. Même si ça sauve une vie, ça vaut le coup. Pour moi, le vrai problème aujourd’hui en France c’est la moralisation de la vie politique. On n’a pas confiance dans les politiques et tant qu’il n’y aura pas cette confiance, on ne pourra rien faire.

 

« Vous savez en France, la bagnole, ça rend con… L’autre jour je passais à la radio et je râlais sur le passage à 80 km/heure. Même si ça sauve une vie, ça vaut le coup »

 

Que pourraient faire les hommes politiques pour mériter cette confiance?

Il faut qu’ils soient honnêtes, qu’il y ait de l’éthique, de la morale. Je suis en train de faire un film sur ça. Nous vivons dans la banalité du mal. Le mal est autour de nous en permanence. On mange de la viande et nous disons : « ce n’est pas grave »…On sait que la viande industrielle détruit la planète… Après on prend l’avion et là aussi on dit : « ce n’est pas grave ». Après on prend notre bagnole…. Je le répète. La banalité du mal nous entoure en permanence. Nous vivons dans le pays du droits de l’homme mais qui est aussi le troisième vendeur d’armes au monde. Je pense qu’il faut aller dans la radicalisation du bien.

 

« Nous vivons dans le pays du droits de l’homme mais qui est aussi le troisième vendeur d’armes au monde »

 

Mais il y a aussi les exigences des agriculteurs et des personnes qui habitent loin des centres des villes qui doivent se déplacer pour travailler….

Ce n’est pas un problème. Si une infirmière doit se déplacer et prend sa voiture diesel, elle doit pouvoir le faire. Les agriculteurs doivent mettre le fioul dans leur tracteurs…  D’ailleurs, je signale que ce fioul est détaxé, donc il est beaucoup moins cher de celui qu’on met dans notre chaudière. Mais je ne parle pas de personnes qui ont besoin des énergies fossiles pour vivre au quotidien. On vit tous de ça.

 

(Crédit Photo © Quentin Jumeaucourt)


 

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