Christine, comment passe-t-on de comédienne à une spécialiste de l’énergie ?
Il faut d’abord se faire lancer le défi par une femme que l’on admire. Ensuite, c’est un questionnement à la fois, une rencontre à la fois. Il suffit d’être curieuse et tenace.
Comment Annabel Soutard est-elle parvenue à vous convaincre de monter cette pièce documentaire, pour laquelle vous avez passé près de trois ans à faire un véritable travail de journalisme d’investigation d’enquête?
J’avais besoin d’accomplir quelque chose au-delà de l’interprétation.
J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les créateurs, les gens qui osent prendre parole et signer un spectacle (Robert Lepage, Marie Brassard). Si je voulais être fière de moi, je devais aller là. Annabel m’a ouvert une porte importante, je devais saisir cette occasion.
« J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les créateurs, les gens qui osent prendre parole et signer un spectacle »
Au-delà du besoin de monter la pièce J’aime Hydro, vous êtes devenue une spécialiste de la question. Pourquoi selon vous cette pièce est un succès considérable chez vous ? Et pourquoi le sujet est devenu si populaire ?
Hydro-Québec a toujours été un sujet très populaire chez-nous.
Hydro-Québec est la plus grande société d’État de notre province, elle est la première grande entreprise entièrement gérée en français en Amérique du Nord, elle est symbole de puissance, de fierté et de richesse. Hydro-Québec est l’ADN des québécois, nous en sommes dépendants, on l’aime et on la déteste comme un frère, une soeur ou un amoureux.se.
La pièce a rejoint son public, je crois, par son accessibilité, son humour, sa sensibilité et son honnêteté. Les Québécois et Québécoises avaient besoin de comprendre les enjeux énergétiques de leur territoire, sans se prendre la tête.
« Hydro-Québec est l’ADN des québécois, nous en sommes dépendants, on l’aime et on la déteste comme un frère, une soeur ou un amoureux.se »
Dans cette formidable aventure, quel regard portez-vous sur vos nombreuses rencontres avec les citoyens québécois ?
Les Québécois sont fiers du développement hydroélectrique et de la nationalisation de cette expertise. Toutes les rencontres que j’ai faites via J’aime Hydro sont extrêmement riches et m’ont transformée. Je suis sortie de ma zone de confort, je suis allée vers l’autre avec une réelle ouverture. Je suis maintenant beaucoup plus nuancée.
https://youtu.be/OIdkbsMtwU0
Votre pièce insiste d’ailleurs sur les enjeux suivants : le dialogue et les échanges entre différents points de vue dans une grande enquête citoyenne. Est-ce l’un des fils rouges de votre pièce ?
La diversité des points de vues est essentielle dans J’aime Hydro. C’est le fondement de la démarche d’Annabel Soutar. C’est l’objectif mené par la compagnie Porte Parole. J’ai embrassé cette façon de faire avec beaucoup de foi.
Vous disiez dans l’émission TLMEP que vous étiez allée à une audience publique de la régie de l’énergie, « endroit où on n’a pas l’habitude d’aller ». Pensez-vous que la pièce J’aime Hydro a peut-être sensibilisé de nombreux québécois plus largement à des grands sujets citoyens et que certains d’entre eux sont plus vigilants aujourd’hui ?
Je l’espère. Je le sais aussi, certains me disent qu’ils remercient les rivières en allumant les lumières à la maison. Je voulais reconnecter la consommation à la source et je crois que pour plusieurs, c’est mission accomplie. Contrairement à la France, il y a un énorme travail à faire au Québec quant au gaspillage d’énergie. Il faut absolument que les québécois réalisent la valeur de leur kWh hydroélectrique.
« Contrairement à la France, il y a un énorme travail à faire au Québec quant au gaspillage d’énergie. Il faut absolument que les québécois réalisent la valeur de leur kWh hydroélectrique »
Après vos recherches, rencontres et interviews, comment vous êtes-vous affrontée à l’écriture de cette pièce ? Il a fallu probablement trier, choisir et couper …
Il a fallu aller à l’essentiel et c’était difficile, ce sujet est très complexe et fascinant. On a dû faire plusieurs deuils. J’ai écouté toutes mes entrevues, je les ai transcrites et j’ai tenté de conserver l’essence de chacun de ces entretiens.
Et puis la pièce dure quatre heures et les gens continuent de venir la voir au théâtre. Comment avez-vous manoeuvré et dosé pour donner un côté très amusant à un sujet aussi lourd qui concerne tout le monde et notamment les Québécois ?
Je voulais créer une pièce populaire, un spectacle pour tout le monde. Je voulais absolument rendre ma recherche accessible, digeste et même divertissante. J’ai assumé mes erreurs, mes faux-pas. Il y a beaucoup d’autodérision dans la pièce, je me dévoile telle quelle. C’est parfois malhabile et très drôle. Je pense que les gens s’identifie à cette héroïne pas parfaite, mais spontanée et honnête.
Quelle place joue Hydro-Québec dans l’histoire du Québec et comment s’inscrit-elle dans son identité ?
Grande question à développement ! Disons que c’est le coeur de notre système économique et social. Notre économie bat au rythme d’Hydro-Québec.
Hydro-Québec est associée à nos plus grands leaders, à nos politiciens les plus charismatiques, à notre affranchissement, à la langue française, à nous. C’est l’entreprise qui nous a permis d’être Maîtres chez nous! C’est une importante partie de notre identifié et de notre fierté.
Enfin est-ce que la pièce J’aime Hydro est une belle histoire pour le débat d’idées au Québec qui pourrait se dupliquer à d’autres grands sujets ?
Absolument ! La compagnie d’Annabel, Porte Parole, fait déjà ce travail depuis 20 ans. Elle a abordé la modification génétique avec la pièce Grain(s), le profilage racial avec la pièce Fredy, les guerres de culture avec l’Assemblée… cette façon de faire du théâtre documentaire est bien vivante au Québec, grâce à Annabel et à son équipe.
J’aime Hydro est une production Porte Parole et Champ gauche, en coproduction avec le FTA (épisodes 1 à 3).
Christine Beaulieu
Dramaturgie : Annabel Soutar
Mise en scène : Philippe Cuyr
Durée (épisodes 1 à 5) : 3 h 40
Les prochaines dates de la pièce J’aime Hydro ( Québec & France)
10 – 21 sep 2019
Montréal – Usine C
22 sep 2019
St-Eustache – Le Zénith
28 sep 2019
Rivière-du-Loup – Salle Alphonse-Desjardins
30 sep 2019
Québec Salle Albert-RousseauI
5 oct 2019
Chateaugauy – Pavillon de l’Île
6 oct 2019
Brossard – L’étoile Banque nationale
6 – 9 nov 2019
Ottawa – Centre national des arts
10 – 12 jan 2020
Montréal – Théâtre Maisonneuve, Place des arts (DUCEPPE)
10 – 13 mar 2020
Nantes, France – Grand TInfo
21 mar 2020
Évry-Courcouronnes, France
Scène nationale de l’Essonne, Agora-Desnos
( crédit photo de Une – Julie Artacho / Beaulieu, Christine-Jaime Hydro_FTA2016 )