Selon vous, aujourd’hui, quels sont les défis d’une université ?
Les universités ont eu longtemps le monopole de la connaissance. À l’inverse, maintenant, nous avons plus que jamais un accès facilité aux informations. Nous assistons à une « explosion » des informations. Cependant, elles ne sont pas toujours qualifiées. C’est donc très difficile pour les citoyens lambda, les hommes et les femmes politiques et les décideurs de faire la différence entre ce qui est vrai, ce qui s’apparente à des spéculations et ce qui est totalement faux. En ce sens, une partie de la mission de notre université consiste à porter le débat démocratique. Nous devons aider la société à comprendre d’abord la connaissance. Nous devons également aider à comprendre ce que nous savons et que nous ne savons pas. En d’autres termes, nous devons aider à faire la différence entre les fake news et ce qui est vrai.
« Une partie de la mission de notre université consiste à porter le débat démocratique. Nous devons aider la société à maîtriser d’abord la connaissance »
En d’autres termes c’est une recherche de la vérité ?
Nous essayons d’élever le débat en permettant de comprendre en quoi on peut avoir confiance.
Puis nous sommes focalisés sur la technologie. Nous pensons qu’elle est une partie de la solution pour notre mission. Nous nous focalisons sur des ODD : les Objectifs de Développement Durable. La structure du Big Challenge montre combien nous croyons que la connaissance de ces objectifs, puisse aider les jeunes et les étudiants à s’intéresser aux grandes questions de la société.
Justement, comment une université peut aider les jeunes à se poser des questions, à faire des comparaisons ?
C’est une question qui vaut un million de dollars ! (rires) Je pense que ce que nous pouvons faire, c’est d’aider les personnes à penser avec leur tête. Nous pouvons également contribuer à faire en sorte que les personnes comprennent ce qui est documenté. Mais nous ne devons faire ça tout simplement pour dire : ceci est juste, ceci ne l’est pas. D’ailleurs, les questions que nous nous poserons demain, seront différentes de celles d’aujourd’hui. Nous devons donc fournir des outils de compréhension.
C’est un enjeu crucial pour nous. Ce que nous demandons aux jeunes qui postulent pour intégrer notre université c’est, bien sûr, la maîtrise des connaissances techniques. Mais nous leur demandons aussi de faire en sorte d’être, à la fin de leur parcours ici, plus curieux qu’à leur arrivée. Nous essayons de leur faire comprendre que lorsqu’ils seront scientifique, ils devront imaginer quel type de société ils serviront.
« Nous essayons de leur faire comprendre que lorsqu’ils seront scientifique, ils devront imaginer quel type de société ils serviront »
Revenons un instant à la démocratie. Comment pensez-vous favoriser l’appropriation de cette valeur essentielle par les étudiants de votre université ?
De façon très pratique, à l’NTNU, nous avons positionné les sciences sociales et humanistiques au cœur du campus technologique.
Cela parce que nous souhaitons que chaque jour, tout le monde puisse se poser des questions. Nous avons 40.000 étudiants. C’est un pouvoir énorme lorsqu’on sait que ces étudiants quitteront un jour notre université.
Si, à ce moment-là, ces étudiants n’ont pas acquis une capacité de réflexion mature, ça sera un grand danger pour le monde. Parce qu’une personne éduquée, possédant des compétences technologiques, mais qui est dépourvue de valeurs, reste quelque chose de très dangereux.
Pourquoi un jeune vient étudier à l’NTNU ?
D’abord parce que c’est difficile d’être admis. Puis parce que nous sommes la plus grande université de Norvège et nous sommes leaders dans le domaine technologique. En plus, dès la fondation de notre université, nous avons développé des compétences très pointues dans le domaine de l’énergie. A l’époque, c’était celle de l’hydroélectrique ensuite, puis celle produite par le pétrole. Et maintenant ce sont les sources alternatives. Mais nous avons toujours une compétence particulière dans la gestion et la distribution de l’énergie.
L’NTNU participe à des programmes d’échanges ou de collaborations avec des universités francophones ?
Oui, nous collaborons avec des nombreuses universités. Par exemple, y a un mois tout juste, j’étais à ParisTech pour aborder la possibilité d’avoir une collaboration plus étroite avec eux. Nous devons essayer d’abattre les barrières linguistiques. Cela parce que, d’une part, les étudiants norvégiens ne parlent pas très bien français et les étudiants français ne comprennent pas notre langue. C’est pour cela que nous donnons des courses en anglais. La collaboration avec les université des pays francophones, augmentera de façon importante. De notre côté nous avons incrémenté l’apprentissage du français mais de l’autre côté il faudrait rendre les université françaises accessibles aussi aux étudiants et aux chercheurs anglophones.
« Nous avons 40.000 étudiants. C’est un pouvoir énorme lorsqu’on sait que ces étudiants quitteront un jour notre université »
Une dernière question. Si vous pouviez donner un conseil aux jeunes, que leur diriez-vous ?
Il faut penser sur le long terme afin de pouvoir dire plus tard : « j’ai vécu ma vie de façon soutenable ».
J’ai été il y a peu en Inde où j’ai vu une affiche qui disait : « Assez jeune pour être courageux, assez âgé pour être sage« .
Je pense qu’on peut faire des choses courageuses à condition qu’elles soient inspirées par la sagesse. En ce sens si, on pose au centre de sa vie, le « pilier » du développement durable, on peut faire des choses importantes.
(Crédit photos – Portrait du Recteur Gunnar Bovim : ©Thor Nielsen / NTNU. Dans l’interview : une capture d’écran du site du « Big Challenge ». A la fin de l’interview une photo du Recteur, accompagnant SAR le Prince de la Couronne Norvegienne Haakon – au centre de l’image – à une exposition ouverte à l’occasion du « Big Challenge » ©Matteo Ghisalberti)