Quelle est votre priorité, en tant que candidat de la liste Renaissance, pour cette campagne électorale? Quelles sont les choses qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
A mes yeux, il y a un grand objectif pour l’Union Européenne, dans les années qui viennent, c’est la stabilisation des relations avec la Russie et la rive sud de la Méditerranée. Je considère quelle que soit la politique qu’elle mène, la Fédération de Russie est, avec l’Union Européenne, l’autre pilier de l’Europe. Ces deux entités ont besoin de stabiliser leurs relations et de les faire entrer dans une phase de coopération fondée sur la stabilisation et la sécurisation du continent.
A l’époque de l’Union Soviétique, nous étions parvenus à faire cela à travers les accords d’Helsinki. Donc je ne vois pas pourquoi il serait à priori impossible d’arriver aux même résultats avec la Russie. Il faut au moins tenter de le faire.
De la même manière, il faut trouver les moyens de relancer l’idée, popularisé par Nicolas Sarkozy, d’une coopération économique et sécuritaire entre les deux rives de la Méditerranée. Il l’avait baptisé « Union Euro-méditerranéenne ». C’est encore plus important de la relancer maintenant qu’il y a dix ans.
Croyez-vous que ces idées pourraient être partagées par des forces politiques n’étant pas appartenant à la même famille politique de La République en Marche au sein du parlement européen ?
Ce sont deux idées autour desquelles on peut tenter de former rapidement des consensus dépassant les contours de notre liste. Il y a certainement beaucoup de député(e)s du PPE, du Parti Socialiste Européen, des Verts, qui seraient susceptibles d’adhérer à ces deux démarches.
Parmi ceux qui se sont exprimés en faveur d’un retour à la normale des relations entre l’UE et la Russie, figurent, par exemple, Matteo Salvini. S’il y avait la possibilité de mettre en pratique les priorités dont vous venez de parler, avec le soutien de familles politiques autre que le PPE, les Sociaux Démocrates, ou les verts… toutes les bonnes volontés seraient-elles les bienvenues ?
Le problème avec Matteo Salvini, Viktor Orbàn, Marine Le Pen, c’est qu’avec ces courants nationalistes dans l’UE est, à l’exception du parti polonais « Droit et Justice », tout le monde souhaiterait relancer ou débloquer les relations avec la Russie en oubliant les problèmes posés par ce pays. Mais, aujourd’hui, la politique menée par Vladimir Poutine pose des problèmes absolument majeurs. Parce que Vladimir Poutine a réalisé la première annexion territoriale faite en Europe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Il entretient aussi, dans la partie orientale de l’Ukraine, une situation de guerre extraordinairement meurtrière et déstabilisante du point de vue économique et politique. Cela vaut non seulement pour l’Ukraine mais aussi pour le cœur du continent Européen. Il ne s’agit pas d’ignorer ces problèmes mais, au contraire, de les poser. Il faut dire à Vladimir Poutine ou à la Fédération de Russie que nous souhaiterions ardemment arriver à dépasser ces tensions et à entrer dans une phase de coopération économique et sécuritaire. Mais pour cela, il faut renforcer l’UE. Il ne faut pas l’affaiblir comme le souhaite Matteo Salvini. Nous ne pourrons pas discuter avec la Fédération de Russie que si nous sommes forts et unis.
« Je ne partage pas l’idée, trop communément rependue, selon laquelle le fonctionnement de l’Union Européenne ne serait pas démocratique »
En parlant justement du renforcement de l’Union Européenne, pensez-vous qu’il soit nécessaire de renforcer le mécanisme démocratique des institutions UE ?
Je pense qu’il faut renforcer l’adhésion politique de nos concitoyens européens à l’entreprise de construction de notre unité. Pour ce qui est des institutions, je pense aussi que le rôle du parlement devrait d’affirmer. Mais pour cela je pense qu’il n’est pas nécessaire de modifier les traités. Même s’il n’a pas l’initiative législative, d’après les traités en vigueur, il peut s’affirmer en force et lieu d’un bouillonnement d’idées et propositions. Au delà de ça, je ne partage pas l’idée, trop communément rependue, selon laquelle le fonctionnement de l’Union Européenne ne serait pas démocratique. Ce n’est simplement pas vrai. Pour l’ensemble des décisions les plus importantes il y a le Conseil européen, qui est l’assemblée des chefs d’État et de gouvernement des pays membres qui sont, par définition, élus démocratiquement. Ils sont mandatés pour décider par consensus, ou à la majorité, des politiques de l’UE.
Un peu partout en Europe, les citoyens demandent des nouvelles formes de représentativité. En France, il y a les Gilets Jaunes, ailleurs il y a eu d’autres événements ou mouvements. A votre avis, cette volonté de nouvelles formes de représentativité devra-t-elle être abordée aussi au niveau national, tout en restant dans un cadre européen ?
Je crois surtout qu’il faut arriver à remodeler l’échiquier politique en Europe, aussi bien au niveau national que du parlement européen. Il est évident qu’il y a une fatigue des deux grands forces politiques qui ont gouverné l’Europe depuis la deuxième guerre mondiale : la démocratie chrétienne et la social démocratie. Il est clair aussi que la fatigue de ces forces laisse un vide, occupé aujourd’hui par une multitude de petites formations.
Pensez-vous que l’UE puisse avoir un jeu dans la lutte contre le terrorisme ?
L’UE certainement. Elle peut mettre en commun nos moyens sécuritaire mais aussi en proposant aux pays de la rive sud de la Méditerranée une coopération politique et économique qui est quasiment inexistante aujourd’hui. Nous avons à bâtir un projet commun qui est susceptible de faire régresser le terrorisme.
« Il est évident qu’il y a une fatigue des deux grands forces politiques qui ont gouverné l’Europe depuis la deuxième guerre mondiale »
L’un des enjeux de ces élections européennes est l’information et la circulation d’informations vérifiées. Vous êtes journaliste et vous tenez particulièrement à votre profession. Comment peuton assurer la liberté de la presse et filtrer les fake news ?
Bien avant l’existence d’internet et des réseaux sociaux cet équilibre existait dans la plupart des législation nationales. Le problème est que depuis l’apparition d’internet et des réseaux sociaux, n’importe qui peut dire n’importe quoi sur n’importe quel site. Pour l’instant les législateurs sont considérablement démunis et cherchent des moyens. De même qu’au début du XX siècle, le législateur avait cherché les moyens pour lutter contre l’organisation de la diffusion de fausses nouvelles de la presse papier de l’époque. Ce travail est à faire aujourd’hui sur la toile.
Ces derniers mois, il y a eu des polémiques sur la directive concernant le droit d’auteur. Pensez-vous qu’il sera possible de trouver un consensus plus large en Europe, autour du thème de la liberté de la presse ?
Ça va prendre du temps. Il faudra passer par des épreuves et des moments qui mobiliseront les opinions, les milieux professionnels, les entreprises de presse, les législateurs et les gouvernements. Cette exigence qui commence à monter mais cela prendra beaucoup de temps. Ça sera une bataille très difficile.
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(Crédit Photo D.R / Bernard Guetta)