Propos recueillis par Nicolas Vidal & Matteo Ghisalberti – Dans un très long entretien de 50 minutes, Jérôme Rodrigues revient, avec son franc-parler, sur les origines du mouvement, sur son engagement, mais aussi sur le grand débat lancé par Emmanuel Macron, l’acte 18 ainsi que sur la possibilité ou non de fédérer les figures médiatiques qui ont émergé depuis le début de la crise des Gilets Jaunes dans les prochains jours et les prochaines semaines. Jérôme Rodrigues nous a également répondu sur la question des européennes et sur les différentes aspirations politiques de certaines têtes d’affiche.
« De l’argent il y en a et il suffit d’aller le chercher dans les bonnes poches », Jérôme Rodrigues va droit au but dès le début de cet entretien dans les locaux du Putsch. «D’autres pays sont capables de le faire et pourquoi pas la France ? Pourquoi ce sont toujours les petites gens, ceux qui font vivre la France, doivent payer pour les conneries ( NDLR) des plus grands ? ».
Lorsqu’il aborde les débuts de son engagement dans le mouvement Gilets Jaunes, Jérôme Rodrigues explique que « la France a dix ans de retard. Le mouvement des Gilets Jaunes aurait du commencer en 2008 lors de la bulle financière. Nous aurions du réagir lorsqu’il a fallu sauver les banques suite à la crise financière. En réalité, ce n’était pas à nous de payer. J’ai toujours été dans une réflexion de changement pour récupérer une certaine dignité et pour être enfin considéré comme des êtres humains et non pas comme une machine à cash. Au début, je me suis impliqué comme simple manifestant. »
Lorsqu’on aborde la question du grand débat, Jérôme Rodrigues répond que « le grand débat est une arnaque complète, car en réalité, Emmanuel Macron n’a plus de légitimité depuis longtemps et ce grand débat ne redore pas son blason, même s’il est toujours intéressant de discuter autour d’une table et d’échanger (…) Néanmoins, je crois qu’ Emmanuel Macron a fait 57 heures de débat télévisé et je crois qu’il est temps que le CSA s’inquiète de ce temps de parole ». Jérôme Rodrigues s’inquiète également du traitement des données à l’issue du grand débat qui seront réalisées « par deux sociétés privées . Et comment se déroulera l’extraction de ces données par un algorithme. Quels seront donc les mots clés qui vont ressortir de cela ? »
Lorsqu’on lui pose la question de ce qu’il retient depuis le lancement du mouvement le 17 novembre, Jérôme Rodrigues est enthousiaste : « la plus belle des leçons qu’on peut recevoir de ce mouvement, c’est la fraternité. Les gens se parlent. J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de gens. Cela m’a permis d’avoir beaucoup d’échanges. En France il y a une misère impressionnante. On sentait qu’il y avait des choses qui n’allaient pas mais on ne pensait qu’à soi. Chacun avait son problème. Là, on s’est aperçu que « son problème » était identique à beaucoup d’autres et qu’il y avait beaucoup d’autres problèmes que je ne connaissais pas : les handicapés, les chômeurs, les retraités, les femmes seules élevant leurs enfants… L’un des problèmes majeurs qui nous a mené à la redécouverte de la fraternité par le peuple, c’ était la solitude. En vérité, les gens sont seuls en France. »
Sur la question de l’organisation du mouvement et des solutions qui pourraient permettre de mettre fin à la crise, Jérôme Rodrigues nous explique qu’ « Emmanuel Macron a intérêt à mettre le paquet et puis, comme je le disais dès le début du mouvement, il faut rester en mode veille. Si on vient nous donner quelque chose d’assez conséquent et qui nous permet de rentrer chez nous, ça n’empêchera pas de rester vigilants.
Parce qu’on ne va pas tout rattraper en trois mois. Il faut que cet acte 18 soit fédérateur. A tous les niveaux pour pouvoir construire ensemble. C’est vrai que c’est difficile de parler de porte-parole ou de meneurs dans le mouvement. Moi je suis plutôt sur le terme du référent car, qu’on le veuille ou non… 300 000, 500.000 ou 1 million de manifestants, il est clair qu’ on ne rentrera pas tous à l’Élysée. Il y a 13 régions donc 13 référents, qui pourraient faire remonter les voix de leur groupe, de leur région. Aujourd’hui, il faut qu’on se fédère. On est tous descendus le 17 novembre dans la rue pour la même raison. Pourquoi se faire la guerre d’un rond-point à l’autre, d’un péage à l’autre, d’une région à l’autre, d’un groupe Facebook à l’autre ? ».
Il poursuit « aujourd’hui il y a des mots qui font mal et qui raclent la gorge : meneur, politique, homme politique…. Alors quand des gilets jaunes parlent de créer une liste ou un politique, cela ne plait pas car les gens ont peur de retomber dans le même schéma des quarante dernières années… Et ceux qui ont pris cette direction n’ont pas compris cela. C’était peut-être un peu trop tôt. »
Concernant la constitution de listes aux européennes, Jérôme Rodrigues avoue que « la pire journée que j’ai passé, c’est quand Ingrid Levavasseur et les autres ont annoncé la liste pour les européennes. J’ai pris des cartouches monumentales. Mais j’expliquais aux gens que je n’y étais pour rien et que je ne savais pas pourquoi ils avaient pris cette décision et que je ne le connaissais pas. Mais paradoxalement j’ai reçu des dizaines de messages de gens qui me demandent « Jérôme, pour qui je vote? »…. Donc on ne veut pas de leaders, de meneurs mais on me demande pour qui voter…. Ce n’est pas à moi de dire pour qui voter. Et, même si j’étais un chef, je n’aurais pas le droit de te demander pour qui tu votes. C’est là, le paradoxe. »
Enfin sur les Européennes, Jérôme Rodrigues répond sans détour «on va d’abord s’occuper de la France et puis après on s’occupera de l’Europe parce qu’aujourd’hui, à défaut de nous aider, cela nous met des bâtons dans les roues. Et lorsque tu as une double nationalité, tu vois comme l’Europe a fait du mal.»
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( crédit photo Jérôme Rodrigues – Putsch )