Référendum : une possibilité envisageable pour l’exécutif ?

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Manon Laporte est Première Vice-Présidente de l’Alliance Centriste – membre actif de la Majorité Présidentielle et Conseillère régionale d’Ile-de-France. Dans une nouvelle tribune intitulée  » Un référendum pour sortir de la crise ? » Manon Laporte s’interroge sur la faisabilité d’un tel référendum en respect de notre Constitution et rappelle les dispositifs de participation directe citoyenne trop peu exploités.

Aujourd’hui, selon le JDD, Emmanuel Macron serait prêt à envisager un référendum, sur une ou plusieurs questions non encore déterminée(s), qui aurait lieu en même temps que les élections européennes. Si cette information reste à confirmer dans la pratique, ainsi que dans le but réellement recherché par notre Président à travers cette consultation qui fait déjà couler beaucoup d’encre, ceci pourrait permettre à notre pays de sortir enfin de l’impasse dans laquelle il s’enfonce depuis plusieurs semaines, tout en répondant à l’exigence d’un regain démocratique manifestée par les Français.
Qu’en est-il de l’usage du référendum en France ? La Constitution actuelle prévoit la possibilité de référendum à l’échelle nationale, à l’article 11. Celui-ci est à l’initiative du Président de la République ou d’un quorum de parlementaires et est de type normatif ou consultatif. Depuis le 1er janvier 2015, le référendum « d’initiative partagée » peut être quant à lui sollicité par un cinquième des parlementaires et 10% du corps électoral, mais demeure toutefois compliqué à mettre en œuvre.
Au niveau local, il existe également depuis 2003 un référendum d’initiative locale. Quoiqu’assez peu utilisé, il permet aux citoyens de décider par leur vote de la mise en œuvre ou de l’abandon d’un projet. Ce référendum est sous l’autorité des collectivités locales, mais reste à l’initiative des élus locaux, sous l’égide du préfet dont ils dépendent. Il est décisionnaire si au moins 50% des électeurs inscrits se sont exprimés et que le projet soumis au référendum recueille au moins la moitié des voix, et reste consultatif si ces conditions ne sont pas remplies.
Pour autant, aucun dispositif de référendum d’initiative citoyenne n’est disponible pour l’heure.

 

« Au niveau local, il existe également depuis 2003  un référendum d’initiative locale. Quoiqu’assez peu utilisé, il permet aux citoyens de décider par leur vote de la mise en œuvre ou de l’abandon d’un projet »

 

Alors qu’une partie des Français ne se reconnaît plus dans les projets politiques défendus par leurs représentants, ni dans leurs institutions, par manque de concertation et à cause du décalage qui se creuse depuis les années 1990, entre le fonctionnement de ces dernières et les besoins de modernisation du processus démocratique, permettre à chacun de s’engager de manière plus importante dans la vie citoyenne, sans avoir l’impression qu’on ne lui demande son avis qu’une fois tous les cinq ans lors des échéances électorales, semble l’issue la plus raisonnable. S’il a effectivement lieu, ce référendum serait  ainsi une vraie marque de rapprochement de la part de l’exécutif en direction de ceux qui lui reprochent de faire la sourde oreille.
Avec la mise à profit des conclusions du Grand Débat National, encore en cours, le meilleur levier qui s’offre à nous sera ensuite d’encourager et de développer les dispositifs liés à la démocratie participative, domaine dans lequel la France fait preuve d’un retard significatif par rapport à ses voisins européens.
Parmi ses dispositifs, il faut compter la création des conseils de quartiers depuis 2002, où les questions locales et la citoyenneté quotidienne sont abordées de manière constructive par des citoyens de bonne volonté. Ce dispositif mériterait d’être utilisé par l’ensemble des territoires, et les conclusions qui en ressortent de gagner en importance dans la construction de tout projet politique.

 

« S’il a effectivement lieu, ce référendum serait  ainsi une vraie marque de rapprochement de la part de l’exécutif en direction de ceux qui lui reprochent de faire la sourde oreille »

 

Un autre dispositif intéressant mais peu développé est celui des budgets participatifs qui permet aux citoyens de déposer des projets en rapport avec la ville, puis de les soumettre au vote des habitants de la commune concernée. Cependant, seules 25 communes, dont Paris et Montreuil, en font usage en France.
Tous ces outils ont pourtant fait leurs preuves chez nos voisins européens : la Suède, la Norvège, la Belgique, l’Espagne et le Portugal s’emploient ainsi à généraliser le recours au budget participatif.

En Belgique, une start-up a lancé CitizenLab, un outil numérique de démocratie participative, qui permet de faire remonter les revendications tout en les encadrant. Alors que cet outil a été éprouvé et largement adopté dans son pays d’origine, dans les pays d’Europe du Nord, en Afrique du Sud et à Vancouver, cette plateforme n’est implantée que dans deux communes en France : Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) et L’Isle-d’Abeau (Isère).
La Suède voit, grâce à l’essor d’Internet, la participation de sa population aux forums citoyens s’accroître. Dans le même temps, sa décentralisation a favorisé le développement des conseils participatifs, qui servent de base à de nombreux services de proximité.

 

« La Suède voit, grâce à l’essor d’Internet, la participation de sa population aux forums citoyens s’accroître. Dans le même temps, sa décentralisation a favorisé le développement des conseils participatifs, qui servent de base à de nombreux services de proximité »

 

L’Irlande, quant à elle, a mis en place un dispositif d’Assemblée Citoyenne, qui a débattu notamment de la question du droit à l’avortement, et dont les membres sont des citoyens tirés au sort. De son côté, la Norvège nous fournit un exemple réussi de création d’un Parlement des Jeunes, à l’image des Conseils Municipaux des Jeunes déjà en place en France même si toutes les communes ne les mettent pas en œuvre : ceci est également un formidable moyen d’initier la jeune génération à la citoyenneté, à ses enjeux et de faire entendre sa voix afin de réduire la fracture avec les politiques.
Quatorze pays de l’Union Européenne, dont l’Italie et la Lituanie, possèdent en outre des dispositifs de Référendum d’Initiative Citoyenne, et hors UE, la Suisse est aussi régulièrement citée en exemple dans ce domaine. Toutefois, en France, outre le fait que la mise en place du RIC nécessiterait de modifier la Constitution, ce dispositif pose des questions, tant sur le plan de son organisation que sur le plan de son pouvoir législatif, et pourrait rapidement montrer ses limites, s’il n’est pas assorti d’un cadre légal et d’un but – consultatif ou propositionnel, surtout pas révocatoire ou abrogatif – des plus rigoureux.

Un référendum pourrait réellement susciter l’apaisement, ô combien nécessaire à la réélaboration de notre projet commun. En parallèle, et afin de ne pas retomber dans les mêmes travers, le Grand Débat National qui se déroule depuis le 15 janvier devrait être l’occasion d’examiner en détail, de réactualiser et de donner des outils de mise en pratique pour l’ensemble de ces dispositifs, afin que la France rattrape son retard et mette plus d’horizontalité dans son modèle démocratique.

 

Manon LAPORTE
Première Vice-Présidente de l’Alliance Centriste – membre actif de la Majorité Présidentielle
Conseillère régionale d’Ile-de-France.

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