Polars : Plongée dans le rouge et le noir pour cet automne
A la rentrée, les polars sont de sortie, loin de la fourmilière des prix d’automne, milieu où l’on a si souvent envie d’éliminer ses concurrents.
Si vous n’avez jamais lu Pourcharet, cette immersion vous plongera illico au cœur de l’angoisse et, les références aux livres antérieurs aidant, vous donnera une furieuse envie de houspiller votre libraire. Il est simplement question d’empoisonner Paris, « pour y causer au moins autant de morts que la bombe atomique d’Hiroshima ». L’abondance et la précision des détails scientifiques tend à rendre plausible ce scénario typique des nouveaux complots terroristes. C’est que, depuis l’attentat au gaz sarin (Tokyo, 1995), la recherche maléfique a sérieusement progressé. Tout part de la découverte dans la Seine du corps mutilé d’un plongeur. Une course contre la montre s’engage, livrée par les forces de l’ordre, les services secrets et autres officines de défense du territoire, avec, pour faire plus vrai, la bonne vieille guéguerre des polices. Un récit haletant, qui met à mal le lénifiant « dormez braves gens, la police veille ».
Agrémenté d’un glossaire permanent et diablement utile, pour naviguer entre DGSE, DGSI, , DCPJ, UCLAT et autres joyeusetés acronymiques.
La dernière séance du drive-in de Promise Falls tourne à la tragédie. Par ailleurs, le domicile d’une des victimes – un notable local – est cambriolé et la police découvre qu’un local dissimulé au sous-sol était le théâtre de partie échangistes dont les vidéos ont disparu. Mais ce n’est pas tout. Des phénomènes étranges, agressions, meurtres ont déjà secoué une bourgade présumée paisible – et là, il n’est pas superflu d’avoir lu « Fausses promesses » (Belfond, 1918), volume inaugural d’une trilogie en cours. Outre un architecte ingénieux, Barclay est un conteur talentueux. Son bal des psychopathes requiert une attention soutenue : personnages autonomes, séquences enchevêtrées, récit coulant de source mais évoluant en delta. Les protagonistes, un privé et un inspecteur, excellent à semer un doute que la fin ne lève pas, au contraire. Barclay, ou l’art de ferrer solidement …
Quelle mouche a donc piqué Maja Misvaer pour qu’elle charge Varg Veum de résoudre, vingt-cinq ans après, l’énigme de la disparition de sa fillette ? La police s’est cassé les dents ; l’affaire a été classée. Puis Veum n’est pas vraiment l’incarnation du fin limier. Ancien flic, alcoolique, détective privé, il s’enfonce dans la dèche et dérive vers la clochardise. Le défi est de taille. Il lui faut retrouver les membres d’une communauté pratiquant l’utopie alternative, dans les années 70 et leur arracher des confidences. Entre sa bouteille d’aqua vitae, la mauvaise foi des uns ou l’amnésie des autres, Veum transforme son désabusement en opiniâtreté inattendue. Sa remontée du temps sera une longue et lente spirale, comme s’il s’était introduit dans une coquille de nautile. Staalesen déploie une fois encore son art consommé d’entraîner le lecteur dans le sillage des misérables petites lâchetés quotidiennes. A hauteur d’homme, disait Simenon.
« Mort en eaux grises », Pierre Pourcharet, avec les lumières d’ Yves Saint-Martin, Jigal, 19 euros
« Faux amis », Linwood Barclay, Belfond. 21,90 €
« Que les roses ne meurent jamais », Gunnar Staalesen, remarquablement traduit du norvégien par Alex Fouillet, Gaïa, 21€