Nicolas, quand a commencé votre carrière de comédien ?
Il y a une vingtaine d’années, j’ai suivi une formation au conservatoire régional de Nantes puis j’ai enchaîné avec une école professionnelle crée par Jean Blaise et Pierre Gralepois, fondateur du CRDC, maintenant appelé le Lieu Unique.
Ensuite j’ai travaillé plus ou moins régulièrement avec divers metteurs en scène dont Yvon Lapous, Christophe Rouxel, Hervé Lelardoux, Laurent Maindon, Marilyn Leray, Bernard Lotty, Cédric Gourmelon et Pierrick sorin ainsi que dans des créations dans différents lieux parisiens dont le théâtre de la tempête, théâtre de l’Athénée, théâtre de l’Est parisien ou encore le théâtre du Rond-Point
Quel est votre rapport aux mots et à la scène ?
Dans mon travail, les mots sont primordiaux c’est par eux que vont raisonner le sens et la dramaturgie des personnages à jouer, et une fois que le travail au plateau arrive, il faut savoir s’ accrocher au texte pour ne pas se noyer dans les abimes de la scène, alors le travail, la confiance et le groupe permettent la symbiose entre le jeu et les mots pour en construire la forme désirée.
Quels sont vos premiers amours textuels dans le théâtre, Nicolas ?
Samuel Beckett m’a particulièrement touché, son univers de fin du monde, sa vision corrosive de l’être humain, et particulièrement sa nouvelle « Premier amour ». Par la suite, il y a eu Sartre avec ses textes sur l’engagement et notamment sa pièce « les mains sales » que j’ai eu le plaisir de jouer, Alfred Jarry pour son côté mauvais élève débordant d’imagination et dans un autre domaine Lewis Carroll pour sa folie et sa fantasmagorie.
Pour Fuck America, connaissiez-vous déjà l’oeuvre d’ Edgar Hilsenrath?
Non j’ai appris à la connaître en travaillant sur Fuck America et je dois dire que ce fut une révélation. Ses textes sont absolument magnifiques. J’ai lu « Le nazi et le barbier » puis « Nuit », un de ces textes phares peut-être même son chef-d’œuvre sur le ghetto, ce livre, c’est « le Branleur » qu’il tente d’écrire dans Fuck America
Comment appréhende-t-on un texte comme celui-ci en tant que comédien ?
Je pense que pour jouer le personnage de Jacob Bronsky dans Fuck America, il faut absolument avoir lu « Nuit » son livre sur le ghetto. Cela m’a permis de comprendre l’horreur qu’il a vécu. Ensuite on ingurgite le livre, on le digère et on essaie de le rendre le plus humble possible.
Dans Fuck America, votre rôle est central, complexe avec une pointe de folie. Qu’est ce qui est le plus délicat à jouer dans ce personnage ?
La chose peut-être la plus difficile est de ne pas s’égarer trop dans l’émotion, pouvoir exhorter sa souffrance sans se laisser piéger par sa tragique histoire. C’est aussi un rôle qu’on appréhende avec les autres comédiens : Laurence Huby, Yann Josso, Ghyslain del Pino, Christophe Gravouil. Une fois que le spectacle est lancé, ce sont eux qui poussent Jacob à exister, à se livrer et finalement à se confesser.
Cette pièce vous a t-elle fait réfléchir sur l’identité culturelle ?
Je me rends compte que cette pièce est totalement d’actualité aujourd’hui avec le problème des migrants dans ces bateaux qui restent au large et que personne ne veut accueillir tout comme les lettres de Nathan bronsky ( le père de jacob) qu’il écrit au Consul Général pour obtenir un visa pour les États-Unis alors qu’il tente d’échapper à la guerre avec sa famille. Ce qui est terrible, c’est la répétition de l’histoire. Ces tragédies ne peuvent que souder l’identité culturelle de tout peuple opprimé .
Quelle est la part d’humour noir de votre personnage ?
« Si on remonte à son enfance, Jacob s est agrippé de toute ses forces au cordon ombilical de sa mère pour ne pas grandir, ni se laisser expulser vers ce monde-ci, où les nazis lui promettaient la chambre à gaz « , c’est par l’humour que Jacob Bronsky survit. L’humour noir est une part intégrante de ce personnage.
Et en quoi Jacob Bronsky est-il un anti-héros selon vous ?
Jacob Bronsky a survécu à la guerre, il a survécu au ghetto. Il devrait être le héros et, pourtant, arrivé en Amérique en 1952 , il doit de nouveau survivre dans ce pays qui ne le comprend pas. Il devient le malheureux migrant, sans éclat dans les yeux, pauvre, sans ressource, magouilleur, impudique, loin de cette image de héros telle que la voit l’Amérique. Jacob Bronsky est un personnage déraciné, politiquement incorrect mais tellement touchant.
Fuck America
Auteur : Edgar Hilsenrath
Metteur en scène : Laurent Maindon
Distribution : Ghyslain Del Pino, Christophe Gravouil, Laurence Huby, Yann Josso, Nicolas Sansier
Du 23 août au 14 octobre. Les jeudis, vendredis, samedis à 21h et les dimanches à 17h
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron, 75018 Paris
Plus d’informations sur la pièce
( Nicolas Sansier – Crédit Photo D.R )