Lodz : quand la Pologne forme la crème des cinéastes

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Autrefois connue pour ses nombreuses usines de textiles, Lodz est désormais réputée pour sa prestigieuse École nationale du film qui a formé de nombreuses stars du cinéma comme Roman Polanski. Intrigué par cet établissement historique qui défie la grosse machine Hollywoodienne, Putsch s’est rendu sur le point de départ de ces destinées hors du commun (www.filmschool.lodz.pl).

Anciennes usines de textiles transformées en entreprises ou en appartements aux briques rouges typiques, ruelles étroites aux routes cabossées, quartier pittoresque et authentique… Lodz, ville relativement épargnée par les ravages de la seconde guerre mondiale, semble assumer ses souvenirs mais aussi ses rides et n’avoir connu aucun lifting qui la défigure aujourd’hui. Une authenticité qui attire de nombreux touristes mais surtout des réalisateurs : plus de 200 films et séries tournés dans ses rues offrants de somptueux décors de cinéma. Celle qu’on surnomme « La ville promise » n’a pas perdu de son charme ni de son âme slave et encore moins de son Histoire.

C’est donc avec une facilité déconcertante que, face à l’École nationale du film, Putsch rembobine le temps et imagine Roman Polanski dans la peau d’un jeune étudiant de 22 ans, bourré d’énergie, d’ambition et de talent qui, entre deux piwo (bières en polonais) avec ses camarades, apprend le 7ème art, sans savoir un seul instant quelle star planétaire il deviendra, quelques années plus tard. Lui et bien d’autres.

Ecole nationale de  cinéma de Lodz : une des plus anciennes et réputées d’Europe

La seconde guerre mondiale s’est terminée récemment. Varsovie est complètement détruite mais Lodz tient encore fièrement debout. Elle et ses racines ouvrières, elle et son architecture pittoresque. Meurtrie, la ville ne souhaite pas sombrer dans la tristesse ou la mélancolie mais, au contraire, elle souhaite se changer les idées, s’instruire tout en se divertissant. Et pour cela, quoi de mieux que la culture ? Quoi de mieux que le cinéma ? Un plaisir simple, populaire, accessible et immédiat qui correspond bien à la ville, Cracovie représentant l’élite bourgeoise.

C’est dans cet état d’esprit, libre, ouvert et créatif, qu’en 1948, Jerzy Toeplitz, historien et théoricien du cinéma, transforme l’ancien palais d’Oscar Kon, un industriel de Lodz, en une école de cinéma avec l’aide d’autres cinéastes polonais emblématiques. Son premier directeur n’est autre que Léon Schiller, metteur en scène et dramaturge reconnu. L’école est donc entre de bonnes mains. Preuve en est : 70 ans et quelques promotions plus tard, elle est connue dans le monde entier.

Une renommée prestigieuse et internationale qu’elle doit en aucun cas à la publicité mais uniquement au talent de ses étudiants, dès les années 50-60 : le réalisateur Roman Polanski oscarisé pour le film « Le pianiste » mais aussi Andrzej Wajda ou encore Krzysztof Kieslowski. Des noms désormais mondialement connus qui, comme à Hollywood, ont même leurs étoiles dans l’incontournable rue Piotrkowska. Des personnalités qui signent des films atypiques et percutants, salués par la critique et récompensés par de nombreux prix, parfois dès leur sortie d’école.

A ce jour, toutes promotions confondues, l’école s’est forgée un joli CV : 19 nominations aux oscars dont 3 remportés, 10 palmes d’or, 8 césars etc… Selon un classement du média The Hollywood reporter (réalisé en 2014), elle figure même dans les 4 écoles de cinéma les plus réputées d’Europe. Une popularité qui donne envie à tous les amoureux du cinéma de s’envoler pour la Pologne et de découvrir cette formation pas comme les autres, quitte à tourner le dos à Los Angeles et à y laisser 10 000 euros par an (l’école n’est gratuite que pour les polonais).

Une formation exigeante et singulière qui prône l’esprit libre et la pratique

Durant cette formation de 5 ans, pas question de rester à sa place d’élève, attentif et passif, les fesses sur sa chaise à écouter les profs, sans essayer de créer une oeuvre hybride, personnelle et nouvelle. D’ailleurs, dès les examens d’entrée, le ton est donné : « Les épreuves écrites et orales sont difficiles. Non pas parce qu’elles demandent une grande culture cinématographique mais une singularité qui ne s’invente et ne s’apprend pas. On l’a ou on ne l’a pas. Le jury doit sentir une créativité, une audace et un potentiel qui se démarquent » explique Piotr Strzelecki, notre guide sur place avant d’ajouter « Durant l’épreuve orale qui dure 3h, un jeune garçon a osé couper la cravate d’un des membres du jury pour servir son propos et défendre une idée. Il a été directement accepté ». Une jolie anecdote, plutôt parlante, qui fait penser au film Le cercle des poètes disparus où l’art est viscéral, où la culture transcende et bouscule les codes établis par la société.

Indéniablement, l’École nationale du film recherche donc plus des profils décalés que des experts en cinéma, plus des personnalités inventives que des gens lisses sur-diplômés. Résultat : seulement 100 élèves admis par an sur des centaines de candidatures. L’école ne transige pas sur l’originalité. Tout au long du cursus, elle stimule l’imagination, sublime les particularités et donne une liberté totale à ses étudiants. Et pour qu’ils expriment leur potentiel dans les meilleures conditions possibles, l’école met à disposition tout le matériel nécessaire à la réalisation de films : studios, plateaux, caméras, lumières, logiciels de montage, effets spéciaux…

Un seul mot d’ordre : la pratique. Chaque étudiant a la chance de pouvoir écrire et monter un court-métrage de 35 minutes, ce qui est inédit ! Entre ses murs, clairement, on crée, on essaye, on prend des risques, on se plante et on recommence, on s’affirme, on persiste. Ce que confirme Roman Polanski : « C’était, c’est et sera une école avec des ambitions profondes, pleine de gens têtus ». Des gens têtus doués d’une forte sensibilité artistique que l’école ne veut en aucun cas formatés ou brimés mais au contraire perfectionnés et armés afin qu’ils révèlent leur regard unique et aiguisé sur le monde.

 

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