Baron Marc-André Lévesque : « Je prends cette langue et j’essaie de l’amener ailleurs pour détourner l’attention »

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Le Marché de la poésie de Saint Sulpice est le carrefour des poètes mais également de la nouvelle garde éprise de poésie et de mots. Cette année, Putsch est tombé sur l’une des rockstars de l’événement, le très jeune poète québécois Baron Marc-André Lévesque, à mi-chemin entre Jack Kerouac et un Gatsby littéraire des soirées montréalaises. Baron Marc-André écrit, lit, déclame partout où il se trouve.

propos recueillis par

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Affublé de petites lunettes rondes, une chemise bariolée, une fine moustache, totalement possédé par les textes, fan des réseaux sociaux, grand lecteur de poèmes ( moins de romans), il manie la langue avec une désarmante facilité. Il la comprend, l’a apprise et passe ses journées à la déconstruire, la malaxer et la faire sienne :  «Je suis québécois mais j’aime reconfigurer la langue sans syntaxe, sans code». Pour cela, il publie des recueils, écrit pour lui, pour ses lecteurs, pour se faire plaisir et il est un habitué des scènes de Montréal. Une rencontre passionnément littéraire et poétique avec le très singulier Baron Marc-André Lévesque.

A découvrir de toute urgence, vous autres ! ( Cerise sur le gâteau, il a accepté de faire une lecture live pour les lecteurs de Putsch dans une vidéo à visionner ci-dessous )

 

Pourquoi avoir décidé d’écrire de la poésie, Baron Marc-André Lévesque?
Pourquoi pas en fait écrire de la poésie ? La poésie est libre. Les codes sont à déconstruire et il n’y pas de syntaxe claire. J’ai commencé à écrire de la poésie il y a 5 ou 6 ans. Mon premier objectif était de faire quelque chose de spectaculaire. Je voulais exprimer quelque chose de bref dans un micro lorsque j’étais sur scène à Montreal.

« Je voulais exprimer quelque chose de bref dans un micro lorsque j’étais sur scène à Montreal »

Vous avez donc commencé sur scène?

Oui, j’ai commencé à écrire pour la scène. Car j’aimais beaucoup la dynamique avec le public à la façon des poètes beatnik que j’ai beaucoup écoutés comme Jack Kerouac, et notamment Michèle Lalonde avec cette lecture à la Nuit de la poésie en 1970 de « Speak White ».
Ce texte est pour moi l’un des piliers de l’enseignement de la poésie québécoise. Beaucoup de mes amis ont vu cette lecture. Il y a aussi Marjolaine Beauchamp que j’ai lue avant de commencer à écrire. Ce sont des gens qui, une fois sur scène, vont habiter leur monde. Car les mots et la parole doivent vivre.

Comment êtes-vous passé ensuite à l’écriture de poésie?
C’est une façon de réfléchir sur la façon de parler, de penser les mots. Je n’ai jamais été intéressé par les romans en réalité. La majorité de ceux que je lis, je les trouve ennuyeux. Alors que les recueils de poésie, ça se lit vite, c’est bien rythmé, et si je n’aime pas, je le termine rapidement. Mais au moins, j’ai goûté à ce qui était proposé dans le texte.

 

Compte Instagram – Baron Marc-André Lévesque

 

Y-a-t-il un message important dans vos recueils?
J’encourage l’émerveillement. A mon sens, aujourd’hui, j’ai l’impression que nous nous émerveillons très peu. On a finalement des vies angoissantes qui laisse peu de place à l’émerveillement. Montréal est une très belle ville mais très grande. La vie que je menais avant d’écrire les deux recueils m’obligeait à courir entre mon job dans un musée, l’écriture de textes, passer du temps avec mes amis, et aller d’une soirée de poésie à l’autre. On ne prend plus le temps de s’émerveiller des gens alors que l’être humain en soi est passionnant. En somme, le message pourrait être de s’arrêter pour regarder autour de soi, s’amuser, prendre des libertés avec la langue, l’importance de jouer, l’importance de l’imagination tout comme appendre à réfléchir ou à s’adonner à la lecture.

« On ne prend plus le temps de s’émerveiller des gens alors que l’être humain en soi est passionnant »

En quoi votre écriture est-elle liée à votre identité québécoise?

Ma mère est ontarienne et mon père est du Nouveau-Brunswick. J’ai beaucoup hérité de la langue de mes parents qui ont grandi dans un milieu où le français était une langue très largement minoritaire. Lorsqu’on vit au Québec, nous ne sommes pas en positon de minorité. On est en quelque sorte des privilégiés. Ce n’est pas le cas par exemple à Ottawa. J’ai donc appris quelques mots hérités de mon père, de ce qu’on appelle le français brayon, parlé dans une petite partie du Nouveau-Brunswick.
Je parlais donc à l’école un français radicalement différent de celui que je parlais à la maison. En même temps je suis québécois mais j’aime reconfigurer la langue. Bizarrement, j’ai un sentiment ambivalent d’imposture mais également de liberté. Encore aujourd’hui il y a des mots que je ne comprends pas. J’aime cette liberté dans le français. Je prends cette langue et j’essaie de l’amener ailleurs pour détourner l’attention. J’aime le faire d’une façon gratuite.

« Je suis québécois mais j’aime reconfigurer la langue. Bizarrement, j’ai un sentiment ambivalent d’imposture mais également de liberté »

 

 

Vous raisonnez sensiblement comme Jack Kerouac?
Jack Kerouac était francophone. Il a appris le français à l’oreille et ne l’a jamais vraiment appris. Ces écrits français sont illisibles ou presque. Si je les lis, je sonne comme ma grand-mère ontarienne. Si vous écoutez Jack Kerouac sur Radio Canada en 1967, on en arrive à cette langue détournée et inventée. Pour ma part, je me réapprorie la langue et la poésie. Je lis de façon non intéressée et non mercantile. Je lis toujours pour le plaisir et pour m’émerveiller. Oui, le livre vaut une certaine somme mais personne en poésie ne fait cela avec des intentions capitalistes.

 

(Baron Marc-André Lévesque – Photo Camille.Robert)

Vous êtes un passeur de langue en quelque sorte?
Oui il y a de cela. Mais surtout je parle comme cela et je vois la poésie comme ça. Pour moi, il n’y a pas de syntaxe, pas de règlement et pas de code. Cela permet de s’émerveiller une nouvelle fois dans un contexte politique de plus en plus violent et angoissant.

« Quand je vois arriver la poétesse Carole David dans une soirée de poésie, je me dis « qu’est ce qu’elle est cool cette madame-là ! ». Elle se met à lire et tout le monde est accroché à ses mots et c’est magnifique »

Etes-vous un adepte des réseaux sociaux où la langue semble s’affaiblir et se perdre?

Je suis un fan absolu des réseaux sociaux ! On peut y partager des textes. J’aime beaucoup Instagram avec ce format éphémère des stories où je peux poster un poème aujourd’hui et le travailler pour le publier dans un recueil dans trois ans. Je peux également recueillir des commentaires et échanger avec mes amis et des lecteurs. J’ai d’ailleurs beaucoup d’amis qui publient leur poésie sur Facebook. Au Québec, aujourd’hui, il y a beaucoup de gangs d’amis jeunes et moins jeunes. Quand je vois arriver la poétesse Carole David dans une soirée de poésie, je me dis « qu’est ce qu’elle est cool cette madame-là ! ». Elle se met à lire et tout le monde est accroché à ces mots et c’est magnifique.

 

Baron Marc-André Lévesque
« La chasse aux licornes » – Editions de l’Ecrou
«  Toutou Tango » – Editions de l’Ecrou

 

Retrouvez-le sur
Facebook : https://www.facebook.com/baronmarcandre.levesque
Instagram :  https://www.instagram.com/baronmarcandrelevesque/
Le site de son éditeur : https://lecrou.com/index.php?&idm=Auteurs

 

Quelques sujets sur Baron Marc-André Lévesque chez nos confrères québécois et canadiens :
http://www.marche-poesie.com/baron-marc-andre-levesque/
http://blogue.artv.ca/2017/07/portrait-baron-marc-andre-levesque/
https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/plus-on-est-de-fous-plus-on-lit/segments/prestation/48519/toutou-tango-levesque

( crédit photos – Camille Robert )

« Baron Marc-André Lévesque naît le 4 décembre 1990 pendant une tempête de neige à Ottawa. Aujourd’hui, Baron rêve de batailles de saloon et de voyages en drakkar et souhaite un jour maîtriser les forces bestiales qui sommeillent en lui. Il se réveille chaque matin au son de la toune du Late Night Show with Johnny Carson. Chasse aux licornes est son premier livre. » (source Editions L’écrou – Québec )

 

Baron Marc-André Lévesque en vidéo

L’avis de la Youtubeuse Biz & Thot

 

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