Que gardez-vous de vos souvenirs des écoutes de Brad Mehldau et de Keith Jarrett? Qu’est ce que cela vous a enseigné musicalement ?
Il y avait toujours de la musique chez mes parents, et notamment « The Köln concert » de Keith Jarrett, qu’ils écoutaient en boucle. Il y avait également Brad Meldhau dans son fabuleux « Introducing », et ses sublimes reprises en solo dans » Elegiac cycle « , « Exit music ». Et puis il y a eu Michel Portal, « Turbulences », qui m’a particulièrement marquée. C’est d’ailleurs vers ce style que je me suis naturellement dirigée quand j’ai commencé à essayer de vivre de la musique.
Est-ce que votre univers Jazz et celui de la chanson française sont l’alchimie de Lain ?
En partie oui, puisque c’est mon histoire, on peut donc percevoir quelques nuances de jazz mais la touche jazz n’est pas la plus évidente.
J’ai écouté énormément de rap et de Hip Hop aussi, je pense que mes chansons sont au carrefour de nombreux styles. De la même manière que nous parlons de brassage culturel, on peut reprendre cette expression en parlant de styles musicaux qui s’enchevêtrent.
Qu’apporte la nuit à vos compositions ? Est-elle forcément parisienne ?
Je ne suis pas certaine qu’elle soit forcement parisienne. Je m’inspire en partie de mes souvenirs nocturnes, des humeurs, des lieux, parisiens ou non. Elle laisse une place au mystère et au rêve et libère des personnalités des plus extravagantes ! D’ailleurs la nuit et le jour n’abritent pas les mêmes personnages, c’est assez surprenant. En revanche, je compose et j’écris le jour. J’adore le jour.
Que se cache derrière ce nom de scène?
Laïn est un nom que me donnent mes proches ! Et puis il y a quelque chose qui me séduit dans sa sonorité !
Est-ce que votre musique est-elle un chemin introspectif ?
C’est indéniable. C’est un mélange de souvenirs, d’histoires très personnelles et de rencontres; d’histoires d’hommes et de femmes croisés au cours de ma vie. « D’autres histoires que la mienne » pour citer un roman d’Emmanuel Carrère que j’ai adoré. J’ai eu besoin de temps pour dépassionner ces souvenirs, douloureux parfois, et les raconter à ma manière.
« Je suis ce que je suis, je ne vais pas m’inventer une autre histoire ». Vous évoquez une expérience malheureuse avec une maison de disque. Finalement, votre intégrité artistique vous a donné raison avec cet EP?
Pour être franche, cette anecdote ne m’a pas marquée plus que ça, j’avais 19 ans, je ne fantasmais pas le succès, loin de la. J’ai longtemps voulu écrire pour les autres et je ne m’étais jamais vraiment projetée sur scène.
J’ai commencé à composer mes premières mélodie par dépit au départ ! Je ne trouvais personne avec qui l’entente artistique coulait de source.Des années après, j’ai fini pas m’y résoudre, et j’adore ça !
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la chanson «le reflet des drapeaux»?
La disparition d’un être cher, l’absence, la peine, les souvenirs de mon enfance sont les marqueurs du « Reflet des drapeaux ». C’est d’ailleurs le premier texte que j’ai écrit pour cet EP, il y a 6 ans. Cette chanson a rouvert les vannes de mon inspiration.
Comment avez-vous décidé d’insérer des sons electro dans vos compositions ?
J’avais très envie d’influences électroniques pour la plupart de mes titres. La langue française n’est pas une langue évidente, et ce que mes textes racontent non plus ! Je trouve justement intéressant de ne pas appuyer le coté « douloureux » de certaines chansons avec un arrangement plus entrainant. Je pense notamment au titre » La fin de l’hiver ». J’ai rencontré celui que je cherchais, je veux parler d’ « Hipsta », avec qui la « fusion » artistique a été immédiate.
La musique est-elle pour vous une histoire de rencontres ?
Cela va de soi. Il y a nos rencontres virtuelles, nos inspirations musicales qui nous font basculer et donnent un sens, une direction à notre créativité; et puis il y a les rencontres physiques, les collaborations artistiques qui font partie des surprises de la vie.
Je pense à Hipsta, et puis Jean Fauque, (parolier d’Alain Bashung) rencontré aux Francofolies de La Rochelle, qui, après avoir écouté certaines de mes compositions m’a proposé d’écrire un texte qui figurera sur l’album à venir. D’autres encore, Malcolm Crespin, fondateur du Label Néogène dont il m’a ouvert les portes et Didier Varrod animateur emblématique de » Foule sentimentale » sur France Inter, qui n’a pas hésité à me propulser au devant de la scène en m’accueillant dans son émission.
Si vous deviez nous donner votre Putsch Musical du moment, quel serait-il Lain ?
Beaucoup en réalité ! Le dernier album de Charlotte Gainsbourg est un bijou, il me touche particulièrement.
Le titre « l’ivresse « de Feu Chatterton tiré de l’album « L’oiseleur », est incroyable et inclassable, tout ce que j’aime ! J’aime l’humilité et la force qu’ils dégagent. Peter Peter aussi, avec son titre « bien réel » de l’album « Noir Eden » et puis ce n’est pas du moment, mais je suis une amoureuse de James Blake !
Lain – Matelot
Premier Ep
( credit Photo ©Alexandre Aldavert)