La musique classique peut parfois paraître hermétique.C’est la raison pour laquelle nous avons sollicité le pianiste Adam Laloum pour qu’il évoque avec nous sa carrière, son art et sa passion pour Brahms et le piano.
Adam Laloum, comment met-on le pied dans la musique à 15 ans ? Quel a été l’élément déclencheur ?
Disons que ce sont les circonstances qui m’ont fait mettre le pied à l’étrier. Si le concours pour le Conservatoire de Paris n’avait pas marché, je serais sans doute resté vivre avec mes parents. Il n’y a pas eu d’élément déclencheur. Je suis venu à la musique petit à petit, le piano sonnait déjà très bien à la maison grâce à Tom mon grand frère. Et, à l’âge de dix ans, j’ai demandé à mes parents de prendre des cours de piano.
Cela a-t-il représenté des sacrifices pour un jeune adolescent de 15 ans ?
Oui bien sûr. C’était une grande inconnue, et l’adolescence est une période cruciale de la construction personnelle. Ça n’est pas facile de vivre cela loin de ses parents mais il y avait aussi une folle envie d’émancipation. Je ne regrette cela pour rien au monde. Après chacun se construit comme il peut chaque jour.
A l’inverse, qu’est-ce que cela vous a apporté dans votre construction personnelle ?
C’est très difficile de répondre car ce fut un mélange de plein de choses. Et j’ai l’impression que nous sommes tous en construction permanente, avec notre expérience, notre environnement, notre entourage…
Quel a été votre rapport intime à Brahms ? D’où cela est-il né ?
Comme la passion pour la musique en général. La musique de Brahms est souvent une musique intérieure et nostalgique. Elle n’est jamais clinquante. C’est un compositeur qui, à l’inverse de Schumann, à toujours scrupuleusement retravaillé ses partitions avant de les éditer. Brahms a brûlé beaucoup de papier et d’encre dans sa vie et ce qu’il nous a laissé est d’une qualité incroyablement égale. J’aime quasiment toutes les œuvres de Brahms sans distinction. Et pourtant je trouve que c’est une musique qui ne séduit pas toujours au premier abord. Cette musique peut paraître austère, carrée voire grise. Et pourtant plus on rentre en contact avec elle, plus on l’écoute, plus on la joue et plus nous pouvons voir à quel point elle est une source inépuisable de beauté.
Vous empilez les récompenses et les consécrations. Comment appréhendez-vous ce succès ? Vous laisse-t-il le temps de jouer d’autres répertoires ? Si oui, quels sont-ils ?
Je me considère comme très chanceux dans ce milieu qui peut être très difficile. En tant que pianiste, je peux me réjouir de l’immense quantité de très belle musique ! J’essaie de rester ouvert à tous les répertoires, bien qu’il y en ait que je connaisse mieux que d’autres. Je me lance dans de nouvelles œuvres de Scriabin, Janacek et Philippe Boesmans cette année. Aussi le 3eme Concerto de Rachmaninov l’an prochain, il est vrai que ça n’est pas forcément dans mes habitudes…
Effectivement les engagements sont nombreux et les attentes (personnelles et autres) sont de plus en plus élevées et il faut donc trouver un équilibre entre envie de nouveauté, qualité, en visant chaque jour un peu plus haut.
Pour finir, si vous deviez parler de Brahms et de cet album à des néophytes de musique classique, que leur diriez-vous ?
Ce sont deux œuvres imposantes, comme deux grandes symphonies desquelles se dégagent une grande puissance et une grande noblesse. Il est toujours plaisant de les comparer car leur musique est totalement différente, voire opposée. Si je choisis de parler un peu simplement, je dirais que le 1er Concerto est plutôt froid et sombre alors que le 2eme est plus lumineux et fantaisiste.
Adam Laloum
Brahms Piano concertos
Sony Classique
( Crédit photos Harald Hoffmann – Sony )