Frédéric Chabaud ( Scénariste )
Pourquoi avoir choisi de travailler sur un sujet aussi gigantesque que le guerre de 14/18 ?
Frédéric Chabaud : La Grande Guerre m’a toujours ému. C’est un gigantesque gâchis comme seul l’être humain en est capable. Il y a une dimension dramatique hors norme dans ce conflit où des familles entières ont disparu. Je cite souvent une anecdote, simplement car elle est vraie : quand j’étais gamin et que je passais dans un village, j’étais toujours impressionné par la liste des noms sur les monuments aux morts. La succession de 3 ou 4 noms identiques, des pères, des fils des frères des cousins…
Comment a été bâti l’ouvrage avec cette articulation autour des éclairages historiques, le récit de ses trois frères ainsi qu’une sélection de lieux à visiter ?
Quand j’ai décidé d’écrire ce scénario, je voulais raconter une histoire dans l’Histoire. Une fiction se rapprochant au plus de certains faits historiques. J’ai voulu faire un découpage en chapitre, car cela donne du rythme à l’histoire. Les lieux visités ne sont pas forcément cohérents avec une logique de bataillon. Il est rare qu’un soldat se soit trouvé au « col de la chipotte », à « Verdun » puis au « chemin des dames ». Cependant, pour les deux derniers, je voulais absolument les inscrire dans le récit, car ils représentent toute l’horreur de cette guerre. Le choix des trois frères va avec ma première réponse : la liste des noms sur les monuments aux morts. Choisir des jumeaux était à la fois un »outil » de l’intrigue, mais aussi, l’ajout d’une dimension affective encore plus forte.
Quel a été votre fil rouge dans le scénario de cet ouvrage ?
Le fil rouge est double et dualiste. D’une part c’est l’amitié et l’amour qui, seuls, permettent aux personnages de résister. D’autre part, c’est la mort et le désespoir…la destinée.
On imagine que le travail de recherches a dû être considérable pour dégager des grands thèmes ainsi que la trame ? La trame générale est venue très vite…c’était une histoire que je devais avoir en moi depuis longtemps et que j’attendais de pouvoir raconter. Avant d’écrire cette histoire, je me suis en effet longuement plongé dans la documentation. Je suis passé de la documentation générale et facilement accessible sur le net à la lecture de livres plus pointus. J’insiste cependant sur le fait que ce scénario est avant tout une fiction .Je ne cherche jamais à faire un cours d’histoire…cela n’a jamais était l’objet de mon propos. Je raconte un drame en essayant de ne pas dire de grosses bêtises. La présentation de cette fiction alternée par des dossiers documentaires réalisés par les éditions Petit à Petit fonctionne magnifiquement à mon sens.
Comment avez-vous travaillé avec Julien Monnier ?
J’ai rencontré Julien par le biais d’un site de dessin « CFSL » où il avait posté des illustrations. Je cherchais un dessinateur pour illustrer une histoire poétique et cela a fonctionné immédiatement . Nous avons fait pas mal d’albums ensemble. J’adore sa gestion de la couleur.C’est un dessinateur avec qui il est très facile de travailler, une vraie belle rencontre. En ce qui concerne l’album, je lui ai fourni le scénario complet. Il y a eu très peu d’aller-retour, justement car nous avions l’habitude de travailler ensemble.
Julien Monier ( Dessinateur )
Pourquoi avoir choisi de travailler sur un sujet aussi gigantesque que le guerre de 14/18 ?
Très honnêtement, l’idée est venue de Frédéric Chabaud. Nous avions déjà travaillé ensemble sur un album au thème assez similaire (les tirailleurs sénégalais durant la première guerre). Et lorsqu’il m’a été proposé de dessiner cette histoire, j’ai trouvé l’idée séduisante et dans la droite ligne de ce que nous avions fait précédemment.
Comment un dessinateur appréhende-t-il le dessin d’un guide de ce type ?
Lors de sa première édition, l’histoire n’était pas sous forme de guide. Il s’agissait d’une série en trois tomes. L’idée était de coller assez près à la réalité avec une volonté pédagogique sans pour autant verser totalement dans la bd historique à proprement parler. J’ai essayé de trouver un style adapté, à la fois réaliste dans les proportions mais aussi épuré et tranché au niveau des couleurs.
Vous êtes vous renseigné pour dessiner les tenues, les décors ainsi que les personnages ?
Oui, il m’a fallu chercher de la documentation concernant les uniformes, les engins ainsi que certains décors, de manière à éviter les grosses bourdes. Heureusement sur internet, pour un thème comme celui là, les sources ne manquent pas. Après comme l’a dit Frédéric, il s’agissait avant tout d’une fiction, le but n’était pas de coller à tout bout de champ à la réalité historique.
Comment avez-vous travaillé sur la peur qui ne quitte jamais les protagonistes ?
Je pense que ce sentiment de peur vient du fait que beaucoup de scènes se passent dans les tranchées. C’est un endroit terrifiant, comme un huis clos de théâtre où les protagonistes n’ont d’autres choix que d’attendre, la peur au ventre. J’ai essayé de retranscrire ça, du mieux que je le pouvais.
Quelles techniques avez-vous utilisé pour dessiner ?
Tout a été dessiné à l’ordinateur à l’aide d’une palette graphique. Avec cependant la volonté que le côté digital ne saute pas trop aux yeux, surtout au niveau des couleurs.
Le Guide De 14-18 en bande dessinée
Editions Petit à Petit
19,90 euros
www.petitapetit.fr