L’univers est sombre, glaçant pour tenir le lecteur en haleine jusqu’à la dernière bulle. Rencontre avec le jeune illustrateur Jonathan Munoz.
Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec le dessin, Jonathan Munoz ?
J’étais au collège, je mangeais à la cantine et je m’ennuyais entre midi et deux. Un jour un surveillant avec qui j’avais sympathisé, s’est proposé de me donner des cours de dessin. C’est là que tout a commencé. Et j’ai découvert quelques années plus tard que ce surveillant avait fait la même école que moi.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre formation à l’école Emile Cohl ? Qu’est ce que cela vous a apporté dans votre carrière ?
Emile Cohl est une école de dessin assez difficile. Chaque année, une moitié des élèves arrêtaient, seuls les plus méritants restaient. Il fallait donc beaucoup travailler. Je dirais qu’elle m’a appris la rigueur et la persévérance.
Quelle est la genèse de cette BD «Un léger bruit dans le moteur»?
C’est une histoire de beuverie. J’étais dans une soirée arrosée à discuter avec un homme que je ne connaissais pas. Il s’est avéré qu’il était scénariste et moi dessinateur. Il m’a tendu un livre. Je l’ai lu et adoré. Il en avait fait un scénario que j’ai également adoré.
Pourquoi avoir eu envie de travailler sur ce polar où le meurtrier est un enfant ?
Dans l’ensemble je n’ai jamais été très client des adaptations de livres en bande dessinée. Mais le scénario de Geat’s dans son découpage était très original. Il apportait une réelle plus-value aux livres. Je pense que c’est ce qui m’a séduit.`
Quelle technique avez-vous utilisé dans le dessin ?
Je travaille essentiellement de manière traditionnelle : encre, jus d’aquarelle, pierres noires. C’est uniquement à la finalisation que je passe au numérique avec des retouches des lumières et l’approfondissement des noirs.
Pourquoi avoir changé de couleur de fond en oscillant tout au long de l’histoire ?
La couleur est dans le cas présent un indicateur de temporalité, le jour, le soir, la nuit dans une ambiance ocre et terreuse à l’image du village.
Cet enfant est terrifiant. Avez-vous beaucoup réfléchi en particulier à ce personnage ?
Pas vraiment, il s’est imposé assez naturellement. J’ai passé deux ans à le dessiner, et à le trouver assez légitime dans ses actes. Bien qu’odieux, il ne fait que répondre aux agressions extérieures. Ce n’est qu’une fois le livre finit que j’ai changé d’avis….
Comment avez-vous mis en commun votre travail avec Gaet’s pour bâtir la BD ?
Ça c’est fait assez naturellement. Gaet’s m’avait donné un scénario bouclé. Je storyboardais scène par scène, on en discutait, on améliorait, et je dessinais.
Un cahier graphique se trouve à la fin de l’ouvrage. Il était important pour vous de dévoiler l’envers du décor où se crée la BD ?
Pas vraiment en réalité. Ce fut un simple plaisir personnel de lecteur. Comme une petite scène bonus après un générique de film.
Comment avez-vous appréhendé le fait de dessiner la violence enfantine de ce petit garçon ?
Très bien. Les choses violentes sont bizarrement bien plus apaisantes à dessiner. Peut-être un exutoire. Il n’y a qu’à regarder la société japonaise très bridée et le comparer aux histoires de mangas très débridées.
Pour finir et pour faire écho au «Dessein» paru chez Glénat, quel regardez portez-vous sur le monde de la bande dessinée ? Est-ce toujours aussi difficile de publier et de se faire une place ? Cela ne dépend il que du talent intrinsèque du dessinateur ?
Il est effectivement de plus en plus dur de se faire éditer. Pour quatre auteurs talentueux, seulement un livre édité. Les éditeurs doivent faire un choix. Ce qui se vend le mieux ? Ce qu’ils trouvent drôle ? le plus beau ? Le plus touchant? Qui est le plus méritant là-dedans ? Je ne sais pas. Mais qu’il est un talent intrinsèque, j’en suis certains.
Un léger bruit dans le moteur
Scénario : Gaet’s
Dessin : Jonathan Munoz
Editions Petit à Petit
Lire aussi dans nos interviews d’auteurs de bande desinée :
Saint-Barthélemy : une page sombre de l’Histoire de France en bande dessinée