Festival de Cannes : une façade de carton-pâte de la Jet 7 ?

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Par Sophie Sendra – Il est des nombres plus importants que d’autres, aussi bien dans notre imaginaire que dans la symbolique qu’ils dégagent. Le nombre sept est de ceux-là. Il existe les sept jours de la semaine, les sept merveilles du monde, les sept couleurs du spectre, les sept planètes majeures du système solaire, les sept notes de musique…

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Considéré comme un nombre magique, il inspire les différentes religions et les croyances, les dictionnaires s’en emparent : en arabe il se dit « sebt » et en hébreu il se dit « shabbat ». Le 7 semble rassembler tous les temps et tous les espaces au-delà des frontières. Ça n’est donc peut-être pas un hasard si le 70ème festival de Cannes débutera le 17 mai, célébrant ainsi le 7ème Art. Quand le 7 fait son Cinéma cela ressemble à une conjoncture des significations.

Le bon, la brute et le truand : une certaine idée du Graal

Nous venons de vivre des semaines épuisantes faites de discours, de déclarations, de remises en question, d’évaporations et de conjectures. La réalité rejoint parfois la fiction ou bien pouvons-nous penser que c’est la fiction qui inspire la réalité. Le bon, la brute et le truand est un film mythique du genre « western spaghetti », il fut réalisé par Sergio Leone en 1966. A la recherche d’un chargement d’or disparu, les trois protagonistes passent des accords, se disputent, se trahissent à tour de rôle. La dernière scène, entrée dans le panthéon des scènes cultes du cinéma, laisse entendre qu’on ne sait plus vraiment à qui attribuer les adjectifs comportementaux du titre : qui est le bon ? Qui est le truand ? Qui est la brute ? Ce qui est certain c’est que le Graal semble se trouver sous une tombe. Mais dans un ultime rebondissement, la tombe n’est pas la bonne, il faut donc que la brute, sous la menace, creuse encore. Le truand, lui, se fait abattre par ses « amis ». La quête du Graal a des effets indésirables, il peut faire perdre la tête à certains jusqu’à se compromettre dans de curieuses alliances où la trahison est de mise. Le bon, qui ne l’est pas vraiment, mais qui a suffisamment d’intelligence pour savoir manœuvrer, part avec la moitié du butin, en laissant à la brute la possibilité de se sauver lui-même d’une mort certaine. Que de leçons de cette certaine idée du Graal.

Les tontons flingueurs : une certaine idée de l’amitié

Ce cher Georges Lautner eu en 1963 un éclair de génie en réalisant Les tontons flingueurs film également culte du cinéma français. Au chevet d’un de ses amis, Fernand Naudin ancien truand « rangé » de toute magouille, promet à son ami de s’occuper de son affaire, de sa fille et de prendre la relève afin que sa « société » ne tombe pas en de mauvaises mains. Bien entendu, les choses vont être très loin d’une simplicité exemplaire. L’héritage va être lourd à porter et semé d’embuches, de trahisons, d’amitiés douteuses et intéressées, d’alliances et de coups de couteaux dans le dos. L’amitié valse « façon puzzle » et le « grisbi » ne pourra être touché par quiconque. Des groupes s’affrontent, se menacent, discutent autour d’une table, font des tractations mais le « grisbi » lui est bien en vue, il ne risque pas de s’échapper et de disparaitre. L’héritage est plus que lourd pour Lino Ventura, garant d’une « société » qu’il veut protéger mais qui est confrontée à toutes les convoitises lorsque le patriarche passe l’arme à gauche. Une certaine idée de l’amitié, du deuil et de l’après qui laisse songeur. Les héritiers ne semblent pas les mieux lotis contrairement à ce qu’on pourrait imaginer.

Les hommes du Président : une certaine idée du pouvoir

Richard Nixon « personnage » principal du film d’Alan J. Pakula de 1976 Les hommes du président, a dû apprécier d’être ainsi propulsé en tête d’affiche. Ce film consacra les deux plus grands acteurs du cinéma américain de cette époque en la personne de Robert Redford et de Dustin Hoffman. Cette histoire vraie est inspirée du livre de deux journalistes, Bob Woodward et Carl Bernstein, hérauts et héros d’une démission du Président Nixon en 1974 – afin sans doute d’éviter pour lui l’humiliation d’une procédure d’ « impeachment ». Ce film mit en lumière l’événement qui fit basculer le modèle de la politique américaine vers l’illusion collective, celle de penser que loin d’être préoccupé par le sort de sa population, le Président Américain n’était en fait préoccupé que par lui-même et une carrière manipulatoire, paranoïaque et destructrice du camp démocrate : le scandale du Watergate. Espionnage du camp adverse par des émissaires de la CIA déguisés en Cubains, ancien du FBI reconverti en pseudo chapardeur de paperasses voilà qui a de quoi rappeler que tout est possible au pays de l’oncle Sam, même le plus improbable des scénarii. Une certaine idée du pouvoir qui laisse des traces dans les mémoires et qui en inspire d’autres. Un roman qui n’en n’est pas un… un brin contemporain.

The Truman show : une certaine idée du bonheur

Petit village sans histoire, des habitants toujours souriants et bien habillés, toujours enjoués, presque irréels, voilà le quotidien de Truman Burbank. Ce « Show » est réalisé en 1998 par Peter Weir et préfigure ce que seront les télé-réalités qui n’ont rien de réel mis à part leur titre et leur programmation dite de « divertissement ». L’idée du bonheur parfait, d’une vie parfaite où tout le monde est « propre sur lui », d’humeur égale, journée pendant lesquelles tout se déroule sans accrocs. Dans une ville de carton-pâte, Truman évolue sans se douter que tout n’est qu’illusion. Une certaine idée du bonheur qui n’a rien de bon puisque le héros ne touche le véritable bonheur que lorsqu’il s’en échappe. Pendant toute sa vie il n’aura rencontré qu’acteurs et figurants, que caméras et écrans sans le savoir. Illusion d’un monde qui ne voit rien, qui ne découvre rien poussant Truman à vouloir se réapproprier ce monde extérieur dont il ne connait que peu de choses.

S’il fallait conclure
Quand le 7 fait son cinéma, il ne le fait pas à moitié. Le cinéma nous touche, nous parle, nous fait réfléchir, rire et parfois pleurer, mais que se fait-il à lui-même ? Il nous parle mais s’éloigne du monde pendant le Festival du Film de Cannes. Cette croisette n’est qu’une façade de carton-pâte car en dehors de ce petit périmètre il existe des quartiers qui souffrent par manque de subventions culturelles, un paradoxe. Le festival va révéler sans doute des talents, mais il se fait à lui-même une hémiplégie, celle qui désensibilise à la réalité du monde.

Le Festival de Cannes 2017 s’est tenu du 17 au 28 mai.
Membres du Jury :
Pedro ALMODÓVAR, Maren ADE, Jessica CHASTAIN, Bingbing FAN, Agnès JAOUI, PARK Chan-wook, Will SMITH, Paolo SORRENTINO, Gabriel YARED

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