Présidentielle 2017 : la culture, la fabrique à mauvaises idées

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Par Nicolas Vidal – « Il n’y a d’ailleurs pas de culture française, il y a une culture en France. Elle est diverse. Elle est multiple ». Emmanuel Macron, candidat à la présidentielle du mouvement En Marche a ainsi défini son idée de la culture lors d’un meeting à Lyon en février dernier.

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Même si on peut s’étonner de cette vision très singulière de la culture française que le candidat a semblé balayer d’un revers de main avec sa richesse, son patrimoine et sa grandeur, on peut se réjouir de la mini polémique que cette déclaration a suscité. Elle a au moins mis la culture au centre de la campagne pendant quelques heures.
Les 5 candidats les plus en vue ont tous proposé quelque chose pour la culture. Certains n’ont pas rechigné à la présenter comme une priorité. Mais dans les faits, cela apparaît beaucoup moins évident tant les propositions sont maigres d’où qu’elles viennent et très largement éloignées des problématiques de fond, totalement déconnectées des réalités où la plupart des Français ne rencontrent pratiquement plus la culture. Etats des lieux à quelques heures du premier tour de la présidentielle.

Emmanuel Macron : l’émancipation culturelle comme démagogie

Emmanuel Macron propose un élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques le soir et le dimanche. Belle idée qui sous-entend que l’appétence culturelle serait indexée sur des créneaux horaires. Rassurant. Peut-on alors se hasarder à penser que le dimanche après-midi et les soirées augmenteraient de façon exponentielle la fréquentation des bibliothèques à la différence des mercredis après-midi et des samedis ? La question se pose.
Concernant la création d’un pass culture de 500 euros destiné aux jeunes, idée à laquelle le candidat s’accroche fermement, les enjeux sont manifestement flous et les résultats tout aussi incertains. Car le périmètre d’action est mal délimité. Quels seront les champs culturels concernés ? Qu’entend Emmanuel Macron par contenu culturel ? N’y-a-t-il pas un risque d’insérer dans ce focus des référents mainstream sans valeur ajoutée à la place de leviers culturels plus compatibles et féconds en matière « d’émancipation culturelle » ? Toutes ces pistes ne présentent pour l’instant aucun élément tangible, et ressemblent à des effets d’annonces autant que des mauvaises solutions apportées par un état des lieux de la culture peu pertinent.

Benoit Hamon : des propositions maigres pour des faits culturels

Benoit Hamon, pour sa part, perçoit la culture « comme créatrice de lien social ». Soit. Il envisage de porter le budget de la culture à 1% du PIB National contre 0,4% du PIB actuellement. Le candidat socialiste prône un plan pour les Arts à l’Ecole dont on ne sait quelle forme il prendrait au sein des établissements scolaires. La proposition du Pass Culture est également inscrite dans le programme de Benoit Hamon avec cette même saveur démagogue. Le périmètre de ce dispositif est tout aussi obscur que celui de son adversaire Emmanuel Macron et ses résultats potentiels tout aussi flous. Enfin, les fabriques de culture, une journée annuelle appelée « Rue libre de la culture » ou encore la création d’un Palais de la langue française ne parviennent pas à convaincre de la crédibilité du candidat à réfléchir en profondeur aux liens que la société entretient dans son ensemble avec la culture.

Marine Le Pen : l’identité nationale en toile de fond

Du côté de chez Marine Le Pen, il n’y a guère plus d’épaisseur dans les propositions qui doivent être posées en perpective du citoyen et de son appétence à la chose culturelle. Il y a pêle-mêle une loi de programmation pour la préservation du patrimoine, une volonté de stopper la vente des palais et des monuments nationaux, le lancement d’une plateforme de mécénat populaire ou encore le renforcement des écoles et des lycées français dans le monde. On déplorera que sa défense de l’identité nationale empiète très largement sur ses propositions culturelles. Car un peuple qui tend vers plus de culture et d’émancipation n’est-il pas un vecteur important d’un enracinement dans sa propre histoire nationale ?

François Fillon : une inclinaison à sensibiliser à la culture européenne

« La fracture culturelle est forte entre les initiés et les autres, entre Paris et le reste de la France, notamment pour les jeunes qui ont parfois l’impression d’être les délaissés de la culture. Car seule la culture permet à l’homme de construire son identité, de comprendre le monde qui nous entoure et de s’adapter à un monde en perpétuel changement. » Les proposition de François Fillon pour réduire la fracture culturelle se résument en une dizaine de points. Elles sont essentiellement tournées vers la diminution de cette fracture culturelle endémique. Reste à analyser les dispositifs proposés.
La première cherche à intervenir sur les programmes scolaires et l’enseignement « en articulant mieux les enseignements culturel et histoire générale et en renforçant la place de l’histoire de l’art dans l’enseignement général. » Faute de clarté, le candidat de la droite ne parvient pas à convaincre sur les orientations précises d’un tel projet. Le second volet de cette mesure pose une question fondamentale sur les ambitions de François Fillon : « développer la conscience d’appartenir à cette civilisation singulière et brillante qu’est la culture européenne. » A la lecture de cette mesure, il est étonnant de se rendre à quel point l’Europe est un ancrage fort pour le candidat Fillon dans les grands enjeux culturels à venir pour la France. En d’autres termes, en quoi l’apprentissage de la civilisation européenne est-elle une priorité pour les jeunes français alors que les fondamentaux de la culture française sont de moins en moins en maîtrisés ? Qu’entends François Fillon par la civilisation européenne ? En quoi cette sensibilisation sera-t-elle un atout majeur à la réduction de cette fracture culturelle ? Il est difficile de distinguer les tenants et les aboutissants de ces propositions si ce n’est l’appétence européiste du candidat, cristallisé par cette idée de créer un Musée des chefs-d’oeuvre de l’Europe à Strasbourg. En somme, la culture doit-elle être l’alibi pour familiariser le peuple à l’idée de l’Europe et devenir à moyen terme le meilleur antidote au Frexit ?

Jean-Luc Mélenchon : contre la culture vendue comme un produit

Jean-Luc Mélenchon a, quant à lui, synthétisé ces propositions dans un livret en accès libre sur le site du candidat. Dans les «ambitions du candidat pour la culture », vient en premier lieu « la démocratisation de cette même culture » sur laquelle semble reposer les enjeux principaux pour notre société. Le candidat de la France Insoumise développe dix propositions articulées autour de l’émancipation de l’individu par la culture, sujet déjà repris par ses adversaires. Cependant, dans le cas de Jean-Luc Mélenchon, le développement des idées est beaucoup plus fourni, organisé autour de plusieurs axes qui ont le mérite d’avoir une vision plus globale des enjeux. Il est question notamment de la pollution publicitaire que le candidat se propose d’endiguer notamment avec « l’interdiction des écrans publicitaires numériques dans les lieux et transports publics. »
Le problème de la consommation de masse ou du mainstream par le grand public est également posé alors que les initiés se cultivent autrement. « À l’ère du consumérisme, on vend la culture comme un simple produit, on en fait de la pub, partout et tout le temps. Picasso comme marque de voitures, Vermeer pour vendre des yaourts, Prokofiev pour des parfums, etc. Comme tout le reste, la culture est engloutie et dévoyée. » Une vraie réflexion est posée sur les causes du manque d’appétence des Français pour la culture dans laquelle la télévision et le divertissement dans sa plus large expression puisent leurs forces. « Le Marketing prétend au pluralisme et à la liberté de choix. Pourtant, il n’engendre pas l’indépendance d’esprit mais une culture de masse homogène. Il est une propagande. » Le candidat de la France Insoumise semble avoir saisi les défis que doit relever la classe politique pour remettre la culture au centre de la société afin que le citoyen puisse s’émanciper, réfléchir et se divertir intelligemment dans une démocratie qui repose sur lui. Tout à reste à savoir si ces propositions seront tenus en cas de victoire.

Les programmes culturels des candidats à la présidentielle ont le mérite d’exister. Cependant, force est de constater que le diagnostic global semble tendre vers de nouvelles mesures pour élargir l’offre culturelle alors que le corpus des dispositifs déjà présent peinent à fédérer les Français autour de la culture. Il serait bon de réfléchir profondément à ce manque d’appétence pour l’objet culturel. Mais il est à craindre que ces réflexions ne constituent aucune priorité pour celui ou celle qui s’installera à l’Elysée dans quelques semaines. Car un grand projet pour la culture ne doit pas être confiné à de vaines incantations car il est le garant de notre patrimoine, de notre émancipation et de notre démocratie.

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