Xavier Fauthoux, vous auriez réfléchi dans un premier temps à un film d’animation pour Black and proud. Qu’est ce qui vous a décidé à en faire un roman graphique ?
Effectivement, tout a commencé avec un concours de clips video pour Universal Music que j’ai gagné. J’ai reçu beaucoup d’encouragements de gens qui me disaient que le clip était très inspirant. Je me suis dit qu’il faudrait peut-être continuer d’explorer l’univers du clip vidéo et en faire un long métrage.
Une rencontre avec les productions MK2 ont vraiment donné un coup de boost au projet. Tout le monde était très excité à l’idée de faire ce film hommage animé à James Brown. Mais hélas, après 6 mois de préparation, les ayants droits américains ne nous ont finalement pas autorisés à utiliser la musique de James Brown.
Quelle est votre histoire avec James Brown ?
Je suis musicien saxophoniste et j’ai toujours aimé la musique funky et particulièrement celle de James Brown. J’ai vu plusieurs fois en concert Maceo Parker, Fred Wesley et Pee-Wee Ellis. Je regardais beaucoup les live des années 60-70 de James Brown. Mais j’ai commencé à m’intéresser à sa vie notamment avec les livres de Florent Mazzolenni ou de Philippe Manœuvre. Mais surtout Sweet Soul Music de Peter Guralnick qui raconte toute cette époque du Rythm’Blues et de la Soul Music. J’ai été fasciné par le parcours hors du commun de James Brown. James Brown est un surhomme. Un cadeau du ciel.
Comment s’est passée votre rencontre avec Deanna Brown ? Vous a-t-elle aidé pour construire ce roman graphique ?
Elle nous a beaucoup soutenu pour la préparation du film, mais je n’étais plus en contact avec elle pour le roman graphique.
Raconter l’histoire de James Brown est un travail ambitieux. Comment avez-vous choisi les moments importants à retranscrire dans ce roman graphique notamment au niveau du chapitrage de votre ouvrage ?
Ce qui m’intéressait, c’était de raconter une histoire pour celles et ceux qui ne connaissent pas la vie de James Brown. En restant fidèle aux faits, je voulais garder une part de mystère et de fiction. Je ne voulais pas faire un livre trop biographique mais évoquer ce qui a forgé James Brown : son enfance, ses parents, ses rencontres et les moments clés de sa vie. Comment un garçon pauvre et noir né au fin fond de la Géorgie a-t-il révolutionné le monde de la musique? Un homme ne se forge pas tout seul, James Brown a eu un parcours atypique sur bien des aspects; mais il y a aussi des gens qui l’ont aidé à s’en sortir. Par exemple, la prison pour James Brown a été une énorme chance. C’est grâce au directeur de la prison que James Brown a trouvé son chemin et qu’il a créé son premier groupe de Gospel et rencontré Bobby Byrd pour la première fois.
Comment avez-vous appréhendé le travail sur le dessin entre les différentes périodes de sa vie ?
C’est une idée qui était déjà dans le clip video où chaque période est représentée avec une colorimétrie différente. Le sépia pour l’enfance et les années 40-50, le noir et blanc pour les années 60, avec la Prison puis «Les Famous Flames», puis la couleur pour les années 70 et le début du disco.
Vous avez travaillé sur l’éclat, la luminosité et la brillance sur plusieurs planches. Pourquoi ce choix ?
J’ai travaillé avec le studio MINTE pour avoir un rendu qui se rapproche de celui du clip. J’aime cette esthétique, cet effet de «diffuse» sur les blancs qui donne un aspect « cinéma» .
Vous êtes-vous beaucoup documenté sur la vie de James Brown? À partir de quelles sources ?
J’ai lu énormément de livres oui. Sa biographie I FEEL GOOD – James Brown, James Brown – The One de RJ Smith, mais aussi Cold Swear de Yamma Brown. ou encore Sweet Soul Music de Peter Guralnick. The James Brown Reader de Alan Leeds. Mais il y en a d’autres.
Le thème de la ségrégation est intimement lié à la vie de James Brown et de façon plus générale, c’est une histoire de l’Amérique ségrégationniste. Etait-ce une volonté dès le départ d’aborder ce thème ?
Absolument, comme tous les grands artistes, James Brown est lié à son époque et au combat pour les droits civiques. Il est l’auteur d’une chanson « Say it Loud, I’m Black and I’m Proud » qui va devenir un hymne pour les Black Panthers. Mais je crois surtout qu’il fut un merveilleux modèle pour tous les jeunes noirs des ghettos. Il leur a donné un exemple de réussite à suivre, un chemin pour ne pas sombrer dans la délinquance ou la violence, pour croire encore au rêve américain.
Concernant le titre de ce roman graphique, plusieurs choix se sont-ils imposés à vous ? Si oui, comment s’est fait votre choix ?
Je voulais un titre brute qui résume James Brown. Et pour moi, Black and Proud est vraiment ce qui caractérise le mieux James Brown.
Fut-ce pour vous un avantage de pouvoir travailler en même temps sur le dessin et le scénario ?
Je n’ai pas travaillé seul, car le dessin a été réalisé par le studio MINTE. Mais ça a été une belle expérience même si ce n’était pas simple tous les jours.
Au gré de l’histoire, vous avez utilisé un grand nombre de structures de planches. Pouvez-vous nous expliquer ce choix graphique ?
Dès le départ, j’ai choisi de raconter son histoire à la première personne. C’est donc James Brown qui se raconte. C’est lui qui nous parle. Je voulais garder cet aspect brut et spontané dans le texte, mais aussi dans les dessins. Donc les planches devaient avoir un sens graphique et dynamique.
Pour finir, si vous deviez présenter ce roman graphique, en deux mots, que diriez-vous ?
J’espère surtout qu’il va donner envie aux jeunes d’écouter du James Brown.
BLACK AND PROUD
JAMES BROWN
Xavier Fauthoux
Marabulles
17,95 euros
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