Kaïla Sisters : de la musique de l’autre bout du monde

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Par Clara Mure – Les Kaïla Sisters ont ce petit goût d’ailleurs qui fait bien du bien. Avec ce premier album inspiré de musiques hawaïennes, le groupe a foncé tête baissée dans ce style en y apportant la sensibilité de plusieurs musiciens. C’est avec curiosité que nous avons demandé aux Kaïla Sisters de nous en dire un peu plus sur cette idée de rivière musicale hawaïenne.

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Pouvez-vous nous expliquer le choix du nom de votre groupe ?
Notre nom est un hommage aux groupes de trio vocal swing des twenties, comme les Boswell Sisters, Andrew Sisters,… On imagine Kaïla comme une douce rivière hawaïenne, c’est une chimère née de nos imaginaires …

Tous les membres du quartet proviennent d’une formation classique. Décrivez-nous votre parcours du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où vous vous êtes rencontrés, pour devenir le groupe aux sonorités exotiques et nostalgiques que vous êtes aujourd’hui ?
On ne veut pas répondre à cette question, ça nous estampille tout de suite « musiciens classiques » et c’est très compliqué de se défaire de cette étiquette.

Vos influences sont très variées : Deep roots blues des esclaves du Mississippi, jazz hot de la Nouvelle Orléans, swing hawaïen. Comment utilisez-vous ce mélange de cultures mais aussi cette inspiration des comédies musicales sur scène ?
Le répertoire est venu d’un « think tank » entre nous … Philippe est un passionné de Django, Paolo est le docteur des musiques hawaïennes, Thomas est un amoureux du ukulélé et du jazz hot et moi je suis arrivée un peu là par hasard, mais en tant que chanteuse, j’ai pu orienter les choix pour des textes assez contrastants et qui racontent une vie, un contexte culturel, un paysage … Au travers des ces textes et paroles des tubes de l’époque, ce sont les couches si contrastées de la société américaine qui apparaissent, de Sunset Beach à la 46ème avenue, haute bourgeoisie en vacances à Hawaï et chômeurs de la Grande Dépression au bout du rouleau forment le kaléïdoscope de nos sets live, comme autant de petits éclats d’une plus grande fresque humaine. Au-delà de la redécouverte du jazz hot des années 30 et de ses croisements avec Honolulu, il s’agit de tout un voyage autour du paysage social du continent américain.

Pouvez-vous nous définir en quelques mots votre style singulier appelé «Hawaiian Jazz Swing » ? Pourquoi avoir choisi de redécouvrir ce style hérité des années 1920-30 ?
« Hawaiian Jazz Swing » pour un quartet de jazz hot à consonance hawaïenne. Pas de batterie (comme le début du new orleans), un violon, un cor pour tout représentant de la famille des cuivres, le ukulélé et la lapsteel guitar comme étendards d’Hawaii.

Vous êtes seulement trois groupes dans le monde à représenter ce style et vous semblez jouer sur cette singularité dans l’image de Kaïla Sisters. En somme, comment transmettez-vous votre passion au public et comment ce dernier accueille-t-il cette musique singulière ?
Le plus dur dans notre groupe a été de définir un cadre esthétique et de s’y tenir, au vu de nos multiples influences musicales. On a presque une charte, c’est-à-dire de jouer du répertoire composé jusqu’en 1930, de faire entendre des trads hawaïens oubliés et de saupoudrer cela de quelques standards pas très joués. Pour ce qui est du public, il ne faut pas oublier que tous les grands joueurs de swing ont joué à Paris et que Sam Ku West, né à Honolulu en 1907, l’un des plus grands joueurs de slide hawaïenne des années 20, est enterré derrière l’Arche de La Défense. De là est même née la valse hawaïenne, produit typiquement parigot… loin des hulas des îles du pacifique. Les français ont donc bien ce style dans l’oreille !

Les îles du Pacifique sont bien représentées, tant au niveau de la pochette d’album que dans vos instruments. D’où vous vient cet attrait pour les sonorités hawaïennes ?
Les grands amoureux des sonorités hawaïennes sont Paolo et Thomas, respectivement lapsteel et contrebasse du groupe. Ils ont su transmettre aux deux autres membres du groupe leur amour pour ces mélopées lascives et ses entrelacs avec le courant hot swing.

Le titre de votre album est I like you, est-ce une déclaration d’amour à Hawaï ?
On peut dire ça, oui. C’est aussi un titre de Sol Hoopii, un des plus grand joueur de lap steel hawaiienne.

Pourquoi avoir attendu pour sortir ce premier album, représente-t-il l’album de la maturité ? Est-il le fruit d’une évolution dans votre musique ?
Etant musiciens depuis notre plus jeune âge, nous avons une approche de notre métier comme du « spectacle vivant » et moins en terme de studio. On a tout d’abord travaillé à trouver notre son d’ensemble, nos arrangements, notre langage commun dans l’improvisation au sein des morceaux. Au bout de 3 ans de concerts, on a senti le besoin de « coucher sur le papier » 13 des morceaux que l’on joue en live, les plus contrastants, les plus aboutis. L’album a été enregistré en deux après-midis, dans un studio tout de bois et de pierre (le Regard du Cygne) à l’acoustique parfaite pour nos instruments, sans cabine d’enregistrement, sans re-re, mais comme le font les quatuors à cordes classiques ainsi que les bands à l’époque de notre répertoire. Benjamin Ribolet, notre ingénieur son, est aussi un parfait directeur artistique qui a su gérer ces séances d’enregistrement et ressentir le feeling, la fatigue, le moment spécial où l’écoute est au zénith. On a privilégié les prises entières et essayé de ne pas penser en termes de couacs mais plutôt de couleurs et d’ambiances, quitte à laisser de belles imperfections, pauvres artisans que nous sommes !

Vous faites partie de l’association Caranusca auprès de sept autres groupes aux couleurs musicales exotiques. En quoi cela vous aide-t-il dans la promotion de votre groupe ?
Caranusca s’est refondu dans une autre association qui s’appelle Zyryab Productions et qui défend la même ligne artistique, à savoir des artistes jazz world. Nous travaillons main dans la main avec Zyryab, c’est une « maison » qui écoute les désirs des artistes et qui défendent leurs idées. Par ailleurs, Zyryab héberge le projet « Cent Soleils », de la chanteuse Marie Salvat et du collectif Danton, sur les textes et musiques d’Alexis Morel, qui joue au Théâtre Essaion du 22 février au 3 mai.

Quels sont vos projets pour la suite? Travaillez-vous déjà sur votre prochain album ?
Notre sortie d’album est prévue au Zèbre de Belleville le 21 mars (après notre sortie fan au Sunset Sunside en décembre 2016). Après ça, nous sommes en grande discussion sur l’orientation à donner à notre second album et set list. On se lance dans la composition dans le style hawaïen, déterrer quelques standards oubliés et les assaisonner à la sauce Kaila, et peut-être intégrer le français dans notre esthétique.

Kaïla Sisters

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www.facebook.com/kailasisters

(Photo D.R.)

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