Erythrée : un pays oublié de tous

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Par Sophie Sendra – Il est un pays dont on entend parler peu et qui est pourtant présent dans les médias. « Les Erythréens » sont de ceux que l’on nomme, mais dont on connait peu de choses. Quel est ce pays ?

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Pourquoi fuient-ils ce territoire oublié de tous ? Cette ancienne partie de l’Ethiopie devenue indépendante, est vouée au silence malgré une présence historique et millénaire.Cette partie de l’Afrique qui borde la mer rouge est pourtant un des lieux qui fut une route commerciale importante reliant les peuples, de la Rome Antique à la Chine. L’Erythrée la Rouge ne fait parler d’elle qu’au travers de ces réfugiés, anciens citoyens des colonies italiennes, alors parlons de ces anonymes qui n’ont que des visages.

Erythrée, la valse des peuples

À la fin du XIXème siècle l’Italie conquière commercialement l’Erythrée, remplaçant ainsi un territoire géré par les anglo-égyptiens. Ce bassin africain devient alors le théâtre de conquêtes successives italiennes. Les Britanniques « prennent le relais » au milieu de la seconde guerre mondiale. Guerres de territoires, mise en exergue des intérêts stratégiques, voilà l’histoire de ce petit bout de terre coincé entre deux mondes, le Yémen et le Soudan. A cette période, les populations se retrouvent entre deux feux, les Anglais d’un côté et les Italiens de l’autre. Les raisons de ces conflits étaient extracontinentales. En 1948, l’ONU s’en mêle afin de trouver une solution à cet imbroglio, mais chacun veut garder un point d’ancrage dans cette partie du monde.
Cette valse des peuples a des raisons que le porte-monnaie ne peut ignorer. Cette terre en mer rouge est une ressource naturelle en or, potasse, métaux précieux pour l’industrie lourde et les technologies, le sel y est présent en grande quantité et le gaz naturel suggère que le pétrole n’est pas loin, mais les infrastructures manquent à leur exploitation, les investissements sont faibles et la nourriture manque. Pays ignoré de tous, mais pas d’un petit nombre de gens « bien intentionnés » dirait l’autre.

Le Peuple d’Asmara

Fédérée avec l’Ethiopie dans les années 50, l’Erythrée fait sa révolution quelques années plus tard afin de devenir indépendante. Ces guerres intestines et internes à des peuples qui se déchirent dureront pendant plus de quarante ans jusqu’à l’indépendance de l’Erythrée en 1993, qui se détache ainsi de l’Ethiopie. Après l’interdiction de la presse indépendante, de tout exercice politique de partis contestataires, l’interdiction du drapeau par Haïlé Selassié, les guerres contre le Yémen, celles en territoire Somalien, puis à nouveau contre l’Ethiopie, les populations souffrent toujours.
Le parti unique qui règne en Erythrée porte un joli nom que nous connaissons également : Le Front Populaire. Résurgence du mouvement indépendantiste à l’origine de son indépendance, le FPLE – Front Populaire de Libération de l’Erythrée – se transforme avec le temps en FPDJ, Front Populaire pour la Démocratie et la Justice.
Cynisme absolu de ce pouvoir « populaire » en place : certaines élections ont « parfois » lieux et d’autres sont « annulées ». Depuis 1993, aucune élection présidentielle n’a eu lieu.
Ce parti qui n’a de « populaire » que le nom est dirigé depuis 1993 par Issayas Afeworki qui est à l’origine de l’interdiction de la presse indépendante. Politique la plus répressive au monde avec celle de la Corée du Nord. Les religions, autres que le christianisme orthodoxe et l’Islam, sont également interdites.
La population d’Asmara est tenue par la dictature la plus fermée et la plus dure du monde et nous regardons ailleurs. Arrestations arbitraires, tortures, travaux forcés, disparitions, service militaire à durée indéterminée, famine, interdiction de quitter le territoire, voilà le quotidien de ces populations, de ces Erythréens que nous connaissons si peu et qui tentent, malgré ce que nous pouvons penser, de se réfugier dans les pays limitrophes, avec plus ou moins de succès.
Heureusement, certains journalistes se préoccupent de connaître, de savoir ce qu’il se passe dans cette région du monde, si loin, si proche. C’est le cas de Nicolas Germain et Romeo Langlois qui, après l’obtention exceptionnelle d’un visa de six jours, ont pu parcourir ce territoire perdu. Au travers d’un reportage diffusé par France 24 intitulé « L’Erythrée, la Corée du Nord de l’Afrique », et d’un texte relatant cet épisode inédit et rare dans l’histoire du journalisme international, ils nous permettent enfin de voir l’invisible, de comprendre ce que le monde ignore.

S’il fallait conclure
En dehors des reportages, il existe des ouvrages qui aident à mieux cerner ce qui pousse ces populations à fuir cette partie du monde. Erythrée, un naufrage totalitaire (PUF), et Erythrée : Entre splendeur et isolement (Non-Lieu Editions) de JB Jeangène Vilmer et Franck Gouéry, font partie de ces livres qui permettent de comprendre ce territoire perdu des Droits de L’Homme.

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