Festival de Cannes : Quand la philosophie fait son cinéma

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Par Sophie Sendra – Du 11 au 22 mai prochain s’est déroulé le 69ème Festival du film de Cannes sous la Présidence de George Miller, qui a vu le triomphe de Ken Loach, 10 ans après Le vent se lève, pour Moi, Daniel Blake. C’est également à cette période que les révisions du baccalauréat se font plus pressantes, plus stressantes aussi. Ce rituel anthropologique de passage est une étape incontournable de la vie lycéenne.

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Comment ne pas résister à l’envie de suivre ces défilés incessants d’acteurs, d’actrices, de réalisateurs, d’inconnus également, qui viennent se perdre sur le tapis rouge. Les Marches emblématiques de ce Festival semblent interminables, à l’image de l’affiche qui trônera sur la façade du Palais. L’image est tirée du photogramme du film Le Mépris de Jean-Luc Godard. Mais pour ceux et celles qui ne connaissent pas Cannes, il faut savoir qu’il n’en n’est rien. Les Marches sont peu nombreuses, le parterre est très court et l’entrée n’est pas aussi grande que ce que montre la télévision. La salle est également très petite, elle n’est pas aussi vaste qu’il y parait. L’ambiance est à « l’observation » généralisée. Tout le monde se regarde, s’épie, se photographie. L’apparence est de mise. Par contre, le cinéma lui, n’est pas inutile en matière de philosophie, il peut même être très indispensable pour comprendre les notions et enjeux de certaines questions.

L’apparence

Ce qui frappe lorsqu’on déambule dans les rues de Cannes lors du Festival c’est cette « apparence » permanente. Tout le monde semble jouer un « jeu », ou serait-ce un « je » différent que l’on veut imposer aux autres comme à soi-même ? Dans Zelig de Woody Allen (1983), c’est la question que pose le réalisateur. Léonard – personnage principal joué par Allen lui-même – souffre d’un étrange mal : il prend l’apparence de ceux qui l’entourent. Il devient tour à tour grand, petit, gros, mince, noir etc. L’identité personnelle est le cœur du sujet. L’influence de ceux et celles qui nous entourent nous enrichie-t-elle ou nous transforme-t-elle en autre chose que nous même ? Tels des acteurs, nous pouvons « jouer » un rôle, prendre un costume qui ne nous ressemble pas, qui est trop grand pour nous ou encore qui nous rend ridicule. Se connaitre implique de se reconnaitre, d’entretenir avec nous même des relations sincères, mais comment est-ce possible lorsqu’on ne se ressemble jamais ? Le festival de Cannes est un moment qui offre à chacun, consciemment ou inconsciemment, la possibilité de ne pas être soi, de faire croire aux autres que nous sommes différents. Beaucoup se prennent pour ce qu’ils ne sont pas et le cinéma en est parfois la victime. Il est un Art qui permet l’introspection, la catharsis expliquée par Aristote, la projection de soi ; il dévoile toujours, de près ou de loin, une partie du monde ou de nous-même et pourtant, il est, l’espace du Festival, le reflet du monde de l’apparence et de l’illusion collective.

Le bonheur est sur la toile

Dans ce monde d’apparence, il est impératif de se reposer la question du bonheur. Si la devise de Descartes était « Pour vivre heureux vivons cachés », il n’en n’est rien pour le thème du bonheur et du film sus cité. The Truman Show de Peter Weir (1998), interprété magistralement par Jim Carrey, invite à réfléchir à cette question de la mise en lumière, de la vérité, du bonheur que l’on vit. Le monde factice dans lequel vit Truman Burbank semble enviable et peut ressembler à la vie de certains : rien ne dépasse, tout est calculé, tout se passe bien, tous les habitants sont gentils, tout est beau mais rien n’est réel puisqu’il est le protagoniste d’un show télévisé, d’un programme de télé réalité. Enfermé et caché sous en dôme, il ne connait pas le monde. Tout n’est qu’illusion et décors.
Ce monde artificiel peut paraitre enviable, mais ce qui fait apprécier la vie, les gens, ce sont certainement les défauts, les événements imprévus, les choses un peu « de travers ». En revanche, ce monde irréel nous protège des monstruosités qui naissent ici et auxquelles nous sommes confrontés. La question du bonheur est au centre de la philosophie : faut-il choisir un monde artificiel ou réel pour être heureux ? Le cinéma devient ce moment de « mise entre parenthèse » de la réalité qui nous permet de nous échapper un peu du quotidien et de ce qui nous rattrape bien malgré nous.

Autant de thèmes et de questions liés au cinéma que nous font découvrir Arnaud Sorosina et Matthieu Amat dans Philosophie – Terminales – Cinéma et Philosophie aux Editions Magnard. Un indispensable quand on prépare le baccalauréat, un livre instructif tant par les textes, les analyses que par la mise en lumière de films illustrant les notions. Une bonne façon de découvrir ou de redécouvrir des chefs d’œuvres du cinéma et le lien indéfectible que le 7ème Art entretient avec la philosophie.

S’il fallait conclure

Le Festival du film de Cannes sera sans doute fait de ces illusions, de ces parenthèses, de ces « costumes », de ces façades d’un jour, mais il permettra sans doute de se fondre dans un monde irréel l’espace d’un instant, de se projeter et de rêver. Quand on ne rêve plus, on ne désire plus, on n’idéalise plus. Federico Fellini l’exprime très bien dans La Dolce Vita (1960) : est-ce la Star – et sa célébrité – qui séduit Marcello ou est-ce Sylvia, la personne elle-même ? Au-delà de cette ultime question, c’est le cinéma qu’il faut aimer, pour ce qu’il nous donne et ce que nous lui rendons.

NDLR : Pour retrouver toute l’actualité autour du Festival de Cannes : http://www.festival-cannes.com/fr

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