Histoires de Pebble Island : McNaught sublime notre quotidien
Par Boris Henry – En trois histoires courtes, Jon McNaught propose une remarquable plongée dans des micro-événements du quotidien. Un album magnifique. Comme à l’accoutumée, Jon McNaught s’attache à des moments ordinaires où rien ne paraît se passer, mais qui pourtant regorgent de micro-événements riches de sens, d’émotions et de poésie… Des petits riens qui, si on sait les observer comme il le fait, contiennent un monde… Le Monde.
Dans Zone humide, un enfant enfourche son vélo et se rend sur une plage par temps de pluie, y trouvant des objets et en place d’autres qu’il a emportés avec lui.
Visiter Pebble Island donne à voir des éléments de l’île où se déroulent les trois histoires. Parmi les « Sept points de vue remarquables » mentionnés dans ces deux pages et huit cases, deux lieux de vie (l’aéroport et la supérette), un bunker, une corde à linge, une machine à laver abandonnée sur une plage et un mouton mort. Il n’en faut guère plus au lecteur pour penser que cette île est un lieu triste à mourir qui, pour être supportable, doit être transformé en terrain de jeu singulier comme le fait l’enfant au centre de Zone humide.
Radiodiffusion alterne des cases montrant l’intérieur d’une habitation avec d’autres rapportant des plans de l’épisode d’Indiana Jones que le personnage présent regarde à la télévision. L’air de rien, cette histoire pointe l’aventure que peut générer une coupure d’électricité.
Si Zone humide est entièrement muet, les deux autres récits contiennent très peu de texte. Le découpage et la mise en page sont si structurés que tout est à sa place et la narration en est limpide. Chaque case est pensée comme un élément d’un ensemble y compris par des motifs et couleurs se poursuivant d’une case à l’autre, créant une continuité. Les couleurs aux teintes pastel et le recours fréquent à des petits traits ou points (par exemple pour représenter des ondes) génèrent des sensations proches de celles suscitées par la peinture impressionniste ou pointilliste – on pense notamment aux tableaux de Georges Seurat.
Ainsi avec Jon McNaught, qui peut le moins exprime le plus.
Histoires de Pebble Island
Éditions Dargaud
Scénario, dessins et couleurs de Jon McNaught
28 pages en couleurs
12 euros
Parution : 2016-01-29
Genre : Chronique / Poétique / Société
À lire aussi dans BD :
Holly Ann, Tome 2 : La dernière Natchez
Rio : Favelas, les pavés sous la plage
Stupor Mundi : l’étonnante BD médiévale
Journées rouges et boulettes bleues : la BD à échelle humaine