La Fille du froid : itinéraire d’une enfant glacée

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Par Romain Rougé – La Fille du froid est le dixième roman de l’auteur londonien Rupert Thomson. L’histoire est celle de Katherine, née d’une fécondation in vitro. La jeune fille de 19 ans va entreprendre un voyage qui la conduira toujours plus au nord de la planète pour s’émanciper, faire le deuil de sa mère disparue et mettre à l’épreuve les sentiments d’un père absent.

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Les cellules du corps humain doués de leur propre mémoire ? C’est la question que pose Rupert Thomson en imaginant le personnage de Katherine Carlyle. Au premier abord charmante, fantasque et pleine de vie, la jeune fille anciennement « bébé éprouvette » s’avère perdue et torturée d’être restée « congelée » longtemps avant de naître. Elle se sent responsable de la mort de sa mère tout en cherchant un sens à son existence. Lorsqu’elle décide de tout quitter pour retrouver un endroit semblable à son éprouvette d’origine, toujours plus en direction du nord et du froid, on plonge dans un roman initiatique dans lequel la route émancipatrice croise l’impasse identitaire. On se prend à ressentir de l’empathie pour Katherine tout en se désolidarisant parfois de ses choix quelque peu immatures et incertains. Mais au fil des pages, on est happé par sa détermination sans faille, d’aller au bout de son périple et de ne jamais rebrousser chemin.

« Ce n’est que parmi des étrangers que je suis visible, ce n’est que parmi des étrangers que j’existe. » La force du roman est d’éviter les écueils inhérents au genre : ici pas de dépression, pas de lamentation, juste une force de caractère dépeinte avec neutralité et subtilité. Même si Katherine rencontre des difficultés et se retrouve dans des situations parfois dangereuses, on ne tombe jamais dans le drame facile ou le mélo larmoyant pour privilégier un mélange savamment dosé entre réalité et imaginaire.

Le livre mène aussi une réflexion intéressante sur les liens familiaux ou amicaux, le mythe des origines et sur l’intégration des étrangers. Au final, Katherine, dont le voyage est parcouru de rencontres hasardeuses, nous conforte dans cette étrange impression que malgré les obstacles et les liens présents et passés, un chemin nouveau peut être emprunté : « C’est la manière dont on est censé vivre, me dis-je. A la dérive et pourtant ensemble, exaltées mais en paix. »

Si les dernières pages du roman sont un peu plus convenues, La Fille du froid est un beau voyage qui brise la glace des existences tourmentées.

La Fille du froid
Rupert Thomson
Editions Denoël & d’ailleurs
384 pages – 22,50 €

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