Un pertinent dialogue théâtral entre Anna Karenina et Constantin Lévine
Par Florence Yérémian – Anna Karenine est un conte cruel. Avec beaucoup de recul et de psychologie, Tolstoï y dépeint plusieurs cheminements amoureux et laisse juger ses lecteurs. D’un côté soupire la belle Anna follement éprise du Comte Vronsky au point de lui sacrifier sa position sociale et son époux. De l’autre se dresse le raisonnable Constantin Lévine qui ne conçoit sa vie qu’en famille et voit dans le mariage la seule issue possible pour mener une noble existence. Les discours et les comportements de ces deux êtres en détresse s’opposent entièrement et pourtant, lorsque l’on y réfléchit, ils sont l’un et l’autre en quête d’amour et d’absolu.
C’est à partir de cet étrange parallélisme entre un fermier idéaliste et une pécheresse de la haute-bourgeoisie que Cerise Guy a mis en scène un pertinent dialogue théâtral. Replaçant ses protagonistes au sein de leur XIXe siècle romantique, elle débute sa trame sur un quai de gare où Anna Karenine s’apprête à partir pour Moscou sans savoir que la tentation la guette…
Mathilde Hennekinne est l’interprète de cette héroïne déchue. Aussi charmante dans ses courbes que dans ses attitudes, la jeune comédienne incarne l’essence féminine avec tout ce qu’elle comporte de complexité : partagée entre ses devoirs d’épouse, sa dévotion de mère et son amour pour le ténébreux Comte Vronsky, elle est d’une perpétuelle inconstance. Bien que possédée par la passion funeste de sa protagoniste Mathilde Hennekinne a néanmoins la prose un peu trop sage et l’on regrette qu’elle ne révèle vraiment sa fougue de tragédienne qu’en fin de pièce, lorsqu’elle sombre dans la folie.
Il en va tout autrement de …