Par Marc Emile Baronheid – Patrick Grainville signe un nouveau roman flamboyant, serti dans une écriture reconnaissable entre toutes, car incomparable. Pas de préliminaires. La phrase vous saute à la gorge sans coup férir. Nerveuse, précise, implacable, arc-boutée, sèche, autoritaire.

Tout en muscles, pulsions, éclairs païens, assauts effrénés, thaumaturgies impulsives, sarabandes d’expulsions, sortilèges superbes. Pour un peu, on en oublierait la subtilité du propos. Car l’histoire existe, éminemment romanesque sous le masque de l’enchantement. On ne fréquente pas Grainville impunément. La première gorgée est fatale, dérobée à quelque alambic possédé. Les superlatifs lui vont mal, incarnant autant d’aveux d’impuissance à le déterminer. Après le magnifique Bison (Seuil, 2014), voici l’échappée belle d’un tigre, d’une propriété de la forêt des Maures. Elle survient alors que deux adolescents amoureux, Louise et Luc, doivent composer avec le marivaudage du père de l’une et de la mère de l’autre. Rarement on a lu des paroxysmes pareillement chevauchés, d’autant que l’enchevêtrement ne se limite pas à cela, exacerbé par Paul, deus ex machina des actes à venir, vieil érudit richissime, esthète et voyeur, à la fois mentor et adorateur d’Hélène, jeune créature à la sensualité animale et aux formes plantureuses, sortie tout droit d’un tableau de Rubens. D’autres personnages défilent dans cet hymne à l’amour et à la liberté – le tigre en est l’allégorie éclatante – aux séquences volcaniques, fabuleuses, pharamineuses, dont Louise et Luc ne pourraient payer tribut qu’au prix de cicatrices phosphorescentes. L’initiation dans sa splendeur la plus lustrale. Entrons dans la transe !

« Le démon de la vie », Patrick Grainville, Seuil. 19 euros

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