Prix Nobel : vaincre l’obscurité

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Par Sophie Sendra – L’année 2015 aura été difficile, elle nous a demandé de nous plonger au cœur de forces humaines celles de la raison, de la réflexion et de la compréhension intellectuelle des événements. Lorsqu’on termine une année, deux attitudes sont possibles : soit nous sommes enthousiastes à l’idée de fêter les bonnes nouvelles de l’année en souhaitant qu’elles durent, soit nous souhaitons que l’année à venir se passe bien mieux que celle écoulée.

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Pour arriver à passer outre l’année qui vient de nous « échapper », il faudrait être arrivé à la fin des sept étapes du deuil : le choc et le déni, la douleur et la culpabilité, la colère, le marchandage et la négociation, la dépression et la douleur, la reconstruction, l’acceptation. Cette dernière n’est véritablement perceptible que lorsque la personne recommence à vivre une vie normale en se rapprochant enfin des autres. A l’échelle d’une Nation, ces étapes sont plus difficiles à mettre en place, elles peuvent se dérouler de façon aléatoire, elles sont en désordre, elles peuvent même ralentir le processus de deuil. Dans ce cas, les fêtes de fin d’année peuvent être ressenties comme s’il y avait une absence d’envie, une volonté de ne pas penser, une ataraxie générale. Ne pas ressentir l’Esprit de Noël. Ne pas penser la Paix. En lisant ce début d’article, posez-vous la question de savoir qui a remporté le Prix Nobel de la Paix l’année 2015 ? Un vague souvenir, une évocation d’images rapidement diffusées à la télévision peut-être.
La force d’une Nation est qu’elle peut, au-delà du sentiment individuel et personnel, aider à prendre de la Hauteur. Le 05 décembre 2015, cette hauteur a été atteinte.
L’année 2015, si douloureuse, ne pouvait pas se terminer sans un message d’espoir en l’humanité, sans montrer au monde que nous sommes capables de nous élever au-dessus de ceux et celles qui tentent de réduire la pensée à une idéologie de la pauvreté intellectuelle et rétrograde.
Le 05 décembre les Prix Nobel du monde entier se sont retrouvés à Nice pour la première journée consacrée à ceux qui représentent l’espoir de mieux comprendre le monde : Chimie, Physique, Médecine, Littérature. Pour ce dernier, le prix a été décerné à Svetlana Aleksiévitch « Pour son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque ». Ces derniers mots résonnent – ou raisonnent – tout particulièrement. Cette femme journaliste biélorusse et censurée à maintes reprises, est attachée aux valeurs de paix et de tolérance. En 1985 elle publie La guerre n’a pas un visage de femme (Aux Presses de la Renaissance), retraçant la vie des femmes soldats de l’armée rouge pendant la seconde guerre mondiale. Plus proche de nous, en 2013 c’est La fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement (Aux Editions Actes Sud) qui remporte le prix Médicis Essai et le Meilleur Livre de l’Année par le magazine Lire. Très critique vis-à-vis des différents régimes de la Russie actuelle, de la Biélorussie, elle est obligée de « voyager » et de « visiter » les villes d’Europe. Première femme russophone à remporter ce Prix, elle est également une résistante contre la tyrannie, une ambassadrice de la parole des femmes dans le monde.

La célébration de la Paix
Qu’avions-nous alors à célébrer en cette fin d’année ? Sans doute notre capacité à vaincre cette « obscurité » dont parle Svetlana Aleksiévitch dans l’ensemble de son œuvre. Sauver ceux qui y sont plongés par d’autres et vaincre l’obscurantisme de ceux qui veulent y plonger le monde. Le 05 décembre 2015 le Centre Universitaire Méditerranéen de Nice ne pouvait accueillir le Prix Nobel de la Paix car il ne venait pas encore d’être décerné. Le Quartet du Dialogue National Tunisien a remporté ce prix pour ses efforts de paix lors de la transition de gouvernement pendant le printemps Arabe. C’est la réunion de quatre associations – d’où le nom de « quartet » et non de la nomination de quatre personnalités individuelles – qui a permis de mettre en place des élections présidentielles. Au travers de ce Quartet, c’est également la ligue Tunisienne des Droits de l’Homme qui a été récompensée. Un espoir de plus à l’actif de notre humanité bousculée, mais dont les valeurs communes perdureront dans l’Histoire sans que personne ne puisse un jour les faire taire.

S’il fallait conclure
Les lumières ne sont bien visibles que lorsqu’on est dans l’obscurité. L’obscurité n’est visible que quand on la met en lumière. Que la lumière soit. Et la lumière sera, mais toujours du bon côté.

Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, Prix Nobel de Littérature 2015 – Svetlana Aleksiévitch (Auteur) – Paru en août 2004 – Essai (poche)

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