La Dame Blanche: un thriller théâtral très réussi
Par Florence Yérémian – L’accueil au Théâtre du Palais Royal annonce d’emblée la couleur : à peine avez-vous votre billet en main, qu’une horde d’ouvreuses en haillons s’agglutinent autour de vous pour venir vous placer. Tandis que des sortes de zombies arpentent les rangs du théâtre en quête de possibles victimes, l’atmosphère de la salle s’électrise : l’on sent bien que les spectateurs sont venus voir cette Dame Blanche rien que pour avoir peur !
Derrière leurs rires nerveux, ils sont déjà presque tous sur la défensive avant même que la pièce ne commence.
Après quelques hurlements de vos voisins (vous verrez bien pourquoi…), l’histoire prend place au coeur d’une foret profonde du Morbihan. Le beau Malo (gendarme de son état) y copule fougueusement avec sa merveilleuse Alice. Fou d’amour envers cette sulfureuse rouquine, il lui promet de quitter sa femme dès le lendemain afin de venir vivre définitivement auprès d’elle. Les choses cependant vont prendre une toute autre tournure: un accident involontaire, un cadavre à dissimuler, des voisins mal intentionnés et la culpabilité vient sournoisement s’immiscer dans la cervelle de l’assassin au point de le rendre fou…
Tels sont les seuls éléments de ce thriller théâtral que nous pouvons vous révéler. Il ne faut pas en dire d’avantage car toute la magie de la pièce est basée sur une intrigue que le public doit découvrir pas à pas. Malgré son titre intentionnellement angoissant, cette histoire de « Dame Blanche » tient d’avantage de l’enquête policière que du film d’horreur: ne vous attendez donc pas à une avalanche de meurtres ou de rixes sanguinolentes. Nulle trace de gore dans cette aventure scénique mais une foule d’événements qui se succèdent à toute allure durant presque deux heures!
Afin de garder cette tension palpable, l’ensemble des comédiens s’investissent totalement dans leurs rôles et ne laissent la place à aucun temps mort. Parmi les interprètes se distingue Arthur Jugnot qui mène la pièce tambour battant: avec sa barbe de trois jours, ses yeux cernés et ses hallucinations, ce gendarme tourmenté fait preuve d’une étonnante endurance. Il est épaulé par l’excellent Sébastien Pierre dont le personnage (Alex) tourne au ridicule toute la police nationale. Aux côtés de ces deux histrions, déambulent l’épouse de Malo (Réjane Lefoul) et la féline Alice (Anaïs Delva) ressemblant comme deux gouttes d’eau à sa soeur Nina… Vient enfin la figure voutée de l’horrible sorcière (Michèle Garcia) et celle bedonnante de l’étrange Victor (Benoît Tachoires) qui n’arrête pas de vouloir refourguer les pommes rouges de son jardin…
Malgré l’omniprésence de la faucheuse qui se profile jusque dans la salle, on sent bien que les comédiens prennent autant de plaisir à nous faire rire qu’à nous effrayer. Evoluant dans un génialissime décor pivotant, ils bénéficient d’une profusion de gadgets et d’effets spéciaux qui comblent allègrement le manque de force du scénario: en plus des fumigènes traditionnels et des jeux de lumière lugubre, on apprécie particulièrement la statue mouvante, le lit à la verticale et les cadavres jetés du balcon! Tandis que ces protagonistes déjantés nous promènent de la forêt au commissariat en passant par la maison de Malo, le mystère de la Dame Blanche ne cesse de s’épaissir en laissant la salle prendre des allures de fête foraine.
Si certains enfants peuvent être un peu sensibles face aux morts-vivants ou au détraqué mental avec sa perceuse, il faut leur expliquer que l’ensemble des blagues de ce spectacle est à prendre au second degré: on rit bien plus qu’on a peur et justement on se dit que pour la future création de Messieurs Danino et Azzopardi (Voir notre article sur Les Fiancés de Loches ) il faudrait mettre les bouchées doubles!! La prochaine fois, laissez donc jaillir l’eau des tuyaux d’arrosage, faites descendre des miasmes d’araignées depuis les balcons et incitez vos acteurs à totalement lâcher prise : le public en redemande !!!!
La Dame Blanche ? Une pièce qui va vous faire frissonner …de rire!
La Dame Blanche
Une pièce de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino
Avec Arthur Jugnot, Anaïs Delva, Sébastien Pierre, Réjane Lefoul, Emma Brazeilles, Michèle Garcia, Benoît Tachoires
La Dame Blanche : prolongation !
Théâtre de la Renaissance
20 boulevard Saint Martin – Paris 10e
Jusqu’au 29 avril 2017
www.theatredelarenaissance.com
Théâtre du Palais Royal
38, rue de Montpensier – Paris 1er
Du mercredi au vendredi à 21h,
le samedi à 16h30 et 21h et le dimanche à 17h
Réservations : 0142974000
www.theatrepalaisroyal.com
Conseillé au dessus de 12 ans
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